Heureux, les riches en esprit... - Journal Educ'Action

Heureux, les riches en esprit…

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En cette période d’examens scolaires, l’enseignant de philosophie que je suis, d’abord et avant tout, se doit d’enseigner quelques techniques de dissertation aux enfants sinon, et c’est aussi important, comment apprendre à penser. Je vois déjà la réaction: Ah bon! On apprend à penser, à réfléchir ? L’homme, animal raisonnable, n’est-il pas de ce simple fait un être qui pense ? Oui, cette pensée, il faut l’affiner et, vous serez étonné de savoir que l’ultime but de l’école, c’est l’apprentissage de cette réflexion. C’est cela qui donne in fine de la compétence.
Mais alors, quid du paysan au champ ? Des différents artisans qui peuplent nos rues ! Cela me permet de préciser que la qualité de notre réflexion n’est pas nécessairement conditionnée par le savoir compris comme une compilation des cours d’histoire, de géographie et autres sciences à la manière où on nous l’enseigne dans les contrées francophones ! Il s’agit d’écouter, de comprendre et d’assimiler pour mieux utiliser. Je vous donne deux exemples:
La plus grande perte que nous avions eue dans ma famille est celle de mon oncle maternel au village. Il n’était jamais allé à l’école moderne, mais avait cette capacité extraordinaire de raisonner à partir d’expériences empiriques de la vie qu’il prenait pour étayer ses arguments et ses interventions étaient célèbres. Vous me direz que lui était un sage ? C’était un homme parfaitement ordinaire, colérique, aimant la bonne chère, le vin de palme et ses femmes. Non, il n’était pas sage à la manière de ceux que nous voyons à la télé.
Le second exemple est celui d’un élève en classe de CM au primaire. Un jour, le maitre dépassé m’appela à la rescousse et dit qu’on n’arrivera à rien de bon avec cet enfant qui n’apprend jamais ses leçons. Je le calmai et décidai de laisser un peu de temps à l’enfant. Quelques jours plus tard, j’appelai par surprise l’enfant et commençai par l’interroger sur une leçon. Impossible de réciter. Alors je décidai de lui poser des questions sur la leçon et y répondit sans faute: l’enfant m’avait fait la distinction entre la bête récitation réclamée par la plupart des enseignants et la réelle compréhension qui est l’antichambre de l’apprentissage de la pensée.
Comme l’avait souligné un auteur célèbre « la fonction de penser ne se délègue point» et la plupart de nous avions tord de croire que, parce que l’autre est plus âgé ou roule carrosse, parce qu’il a une barbe blanche, il a le monopole de la pensée ou de la sagesse. Que nenni!
Il faut apprendre à réfléchir, c’est-à-dire partir du principe basique que votre interlocuteur devant vous a une seule tête comme vous et que, vous avez le droit, à partir de votre vécu et de ce que vous avez appris en classe, de donner votre opinion, votre avis. Mais on se dit toujours, je ne sais pas bien m’exprimer; mon voisin est plus grand et plus beau que moi; la voix et les idées de mon cousin portent parce qu’il a plus de moyens financiers: Tout cela constitue des détails ! On se forme en s’efforçant et si vous ne prenez pas vos responsabilités, les paresseux et les bandits vous dépassent parce qu’ils comprennent tôt qu’il faut oser et, eux le font sans scrupules. C’est pourquoi, vous retrouvez souvent dans la politique ou les affaires, ceux qui vous étaient largement inférieurs en classe.
La question que vous pourrez vous poser, c’est pourquoi étudier si l’apprentissage de la pensée peut s’obtenir autrement et vous permettre de gravir les échelons sociaux. La réponse est tellement évidente: lorsqu’on a la chance d’aller à l’école et d’y acquérir la compétence, on a un avantage que n’aura jamais le paresseux parvenu: la moralité qui mène à la fierté et la fierté qui vous fait vivre sans les affres des multiples complexes intériorisés qui les fait piller, voler et violer sans relâche sans trouver la paix de l’âme. Leur prison n’est même pas dans les niches dorées de la République où ils pourraient éventuellement se réfugier, mais dans leur tête plein de misères. Apprendre donc à réfléchir, ce n’est pas tout d’abord, apprendre à devenir riche matériellement, c’est surtout apprendre à être juste, objectif, libre et riche.

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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