Les années juste avant la ‘’Rupture’’ ont connu un départ massif à la retraite de la plupart des enseignants. Face à cette situation, il a été évoqué le rallongement des années de fonction ; ce qui a été fait dans la plupart des pays alentours, mais un certain nombre de contingences a plombé cette idée au Bénin, notamment l’opposition de certains hommes politiques inconséquents qui ont vu un fonds de commerce pour plaire à l’électorat jeune pressé de, soi-disant, remplacer les aînés. Cela a créé ce séisme intellectuel et structurel auquel nous assistons. Ce qui est malheureux, c’est que ceux qui sont responsables de ces genres de situations déplorables plastronnent encore dans les arcanes de nos législations et n’ont aucune mauvaise conscience face aux nombreux problèmes qu’ils ont créés et qui ont pour nom le manque d’enseignants qualifiés, le recrutement de nouveaux enseignants de tous les noms qui conjuguent précarité et incompétence et in fine une éducation de moins en moins évidente.
Le nouveau gouvernement a donc hérité d’une situation où il y avait un véritable hiatus entre les nouveaux enseignants et cadres de l’école et de l’administration et la grande masse retraitée ; ce qui n’avait pas permis aux derniers de transmettre leurs compétences aux premiers qui ont commencé à déchanter après l’euphorie de leur mise en place. On comprend assez bien la floraison de ces innombrables cahiers d’activités pour compenser le vide sidéral de ces nouveaux enseignants qui corrigent un devoir d’Histoire-Géographie avec in extenso les mêmes mots, phrases récupérées dans un mauvais manuel, du nord au sud.
Et, depuis quelques années, nous assistons à des incompréhensions et incohérences dans la stabilité de nos enseignants dans la mesure où la logique voulue par le nouveau pouvoir se heurte à la fois à une connaissance incomplète des situations antérieures, mais aussi à une demande sans cesse croissante d’éducation. On se retrouve alors devant une technocratie quasi compétente qui se heurte à des réalités empiriques et à des pesanteurs qui résultent de cette cassure mal comblée, autre héritage du PAS (Programme d’Ajustement Structurel).
En fait, le diable est dans les détails. Sur une dizaine d’années, nos documents de planification comme RESEN (Rapport d’Etat du Système Educatif National) avaient souligné la qualité hybride et discutable de ceux qu’on appelait les vacataires et leur poids financier. En réalité, ils avaient fini par se stabiliser un tant soit peu et c’est à ce moment que toute cette architecture a été déstabilisée au regard de cette vieille littérature. Le passage de cette caste, qui avait commencé à se structurer pédagogiquement à la nouvelle fortement académique et pédagogiquement, pour une large part au biberon, va créer cette difficulté qu’il faut résorber. Ainsi, ce qui se passe, c’est que les solutions proposées sont techniquement très bonnes mais malaisées dans leur implémentation. Le simple recours aux documents sans l’écoute de quelques références a créé beaucoup de problèmes qui, Inch Allah, vont se résorber.
Nous devons apprendre à composer avec les anciens, à les réunir de temps en temps et à les interpeller. Cela doit devenir une norme de gouvernance a contrario de cette certitude qui nous anime lorsque nous sommes dans les bureaux et écoutons des experts. En même temps, il est vrai que nous bénéficions dans certains ministères de quelque dinosaure égaré, ayant résisté au temps, à plusieurs gouvernements et qui généralement connait bien la maison. Il a souvenir de tout, résout facilement les problèmes qu’on lui pose avec sérénité et apparente humilité. Il se débrouille pour ne pas trop se faire remarquer, mais devient le conseiller occulte et incontournable de la chaîne de pouvoir qu’il manipule à sa guise. C’est le type de personne qui ne transmet jamais les principes de son savoir aux générations futures qu’il ne contribue jamais à former. Les nouveaux qu’il conseille ne se sont jamais demandés pourquoi malgré sa qualité et son ancienneté, les institutions avant eux n’ont pas réussi ! La réponse, c’est qu’il travaille et a toujours travaillé juste pour lui-même !
Ce que je voudrais souligner, c’est que la cause de l’éducation est une cause commune et toujours en action. Ce sont nos enfants qui sont en jeu et nous avons besoin de la contribution de toutes et tous. Je répète chaque jour et très souvent que la gouvernance est notre premier problème. Mettons en place des mécanismes de valeur qui mettent fin aux planifications in vitro fabriquées avec l’aide de gourous occultes et nuisibles. L’éducation doit se faire dans la transparence et la contribution de chacun.
N.P
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe