S’agissant de protection de l’enfant, 2022 aura marqué les esprits des acteurs. De la mise en œuvre de la Politique Nationale de Protection de l’Enfant à la situation de l’enfant sauvagement battu en passant par les actions phares du Village d’Enfants SOS Abomey-Calavi, l’essentiel y est.
La protection de l’enfant dispose depuis 2014 d’une boussole : la Politique Nationale de Protection de l’Enfant (PNPE). Cyrille Boglo, consultant en protection de l’enfant et plaidoyer, précise : « En 2014, l’État manquait d’un cadre formel de concertation des acteurs de la protection de l’enfant. Aujourd’hui, c’est une réalité qui s’impose à tous les intervenants dans la protection de l’enfant. En 2014, l’État venait de prendre le décret 2012-416, fixant les normes et standards des Centres d’Accueil et de Protection de l’Enfant (CAPE) ». Axés sur 7 stratégies, les premiers plans d’actions de la Politique Nationale de Protection de l’Enfant (PNPE) sont arrivés à échéance en 2019. Divers intervenants de la chaîne de la protection de l’enfant mettent en œuvre cette PNPE. Rappelons ce que disait Angelo Ayédjo Agossou, officier de police judiciaire dans l’hebdomadaire Educ’Action N°437 : « À la police par exemple, la question de la protection des droits des enfants est intégrée désormais dans le programme de formation des écoles. Une formation continue est faite sur le terrain par des policiers formés pour la cause grâce à l’appui technique et financier de l’UNICEF ». Des efforts sont donc faits sur le chantier de la protection de l’enfant. Cyrille Boglo, acteur social à Aides Jeunes Rencontres confiait : « En 2014, rares sont les tribunaux qui disposaient de juges des mineurs pour un accueil et un plaidoyer digne d’une justice juvénile restauratrice. Aujourd’hui, tous les tribunaux disposent de juges des mineurs et les commissariats et autres services de la police républicaine disposent de personnes formées comme points focaux de la protection de l’enfant ». En effet, la PNPE est née pour détecter et réduire toute forme de violence sur l’enfant. Cette réduction passe par des interventions concrètes qui s’appliquent aux plans national et local pour mieux défendre les droits et le bien-être de l’enfant. Un autre axe vise à améliorer la coordination des mesures entre les acteurs et les enfants eux-mêmes pour garantir à ces derniers, un cadre protecteur fiable et durable. « Je crois que nous avons, toute modestie gardée, l’une des meilleures politiques nationales en termes de prise en charge de l’enfant. La PNPE est l’un des meilleurs dispositifs de la sous-région » avait dit Maxime Agoua, chargé de programmes du Réseau des Structures de Protection des Enfants en Situation Difficile (ReSPESD) dans la même parution. » Et il ajoutait « Elle trace non seulement les grandes lignes, donne des orientations, mais encadre aussi bien les acteurs que les enfants eux-mêmes ».
Au niveau du Ministère de la Justice, la Politique Nationale du Développement du secteur de la justice a inclus des mesures pour protéger davantage les enfants. Ce que salue Érick Hachémè, juriste en service à la Direction des Droits Humains du Ministère de la Justice : « Avec la médiation pénale, vous allez constater que quand des enfants mineurs ont une situation de droit, on leur donne la possibilité de faire un arrangement. Il suffit seulement que le procureur enclenche la procédure et du coup, cela permet de trouver des alternatives pour éviter la prison ». Pour rappel, l’élaboration de la PNPE a fait l’objet d’une large concertation nationale.
Quid des actions du VESOS Abomey-Calavi
Quelques actions sont inscrites au compteur du Village d’Enfants SOS (VESOS) Abomey-Calavi au titre de l’année 2022. Au moment où certains s’activent à poursuivre leurs missions en termes de la protection de l’enfant, d’autres font valoir officiellement leur droit à la retraite. Il s’agit de Gabriel Rodriguez, Hyppolite Ahouigbame, Ignace Wagoute, Dorothé Gbénou, Gani Dimpo, Georgette Adjovi, alors membres du personnel de Village d’Enfants SOS (VESOS) Abomey-Calavi. C’était le vendredi 27 mai 2022 à la faveur d’une cérémonie d’hommage rendu aux récipiendaires. « Ils ont eu à travailler, ils ont eu à donner le meilleur d’eux-mêmes pour les enfants et jeunes à notre charge. Nous sommes vraiment contents de ce qu’ils ont eu à apporter à l’organisation Sos village d’enfants. Je leur dis merci beaucoup pour le travail fait et pour l’atteinte des objectifs de notre organisation », dira Issifou Salimane, directeur national de SOS village d’enfants Bénin pour reconnaître leurs mérites.
Après cet hommage aux parents, ce fut autour des enfants d’être célébrés lors de la Journée de l’Enfant Africain (JEA). Placée sous le thème : « Élimination des pratiques néfastes affectant les enfants : Progrès sur les politiques et pratiques depuis 2021», la 32e édition de la JEA a eu lieu en différé le jeudi 16 juin 2022. Quelques organisations de la société civile en collaboration avec Village d’Enfants SOS (VESOS) d’Abomey-Calavi avaient réuni, ce jour-là, des enfants de la commune d’Abomey-Calavi à l’Arrondissement d’Akassato. Objectif, leur faire connaître leurs droits et devoirs tout en mettant l’accent sur leur vie et leur bien-être. Wilfried Tchibozo, manager du VESOS Abomey-Calavi, confiait alors : « À tous les niveaux, il y a des efforts, mais les pratiques néfastes perdurent. Certains enfants comme vous ne peuvent pas aller dans leurs familles aujourd’hui, parce qu’ils sont vraiment stigmatisés et rejetés. Dans certaines localités, il y a tellement de pratiques que les enfants meurent tout le temps ». Dans l’esprit de préparer les enfants à affronter les réalités de la vie, le VESOS Abomey-Calavi a lancé une formation de trois jours, du 11 au 13 juillet 2022, au profit de 120 jeunes de cette organisation, âgés de 15 à 26 ans. La formation, tenue sur le site de l’organisation, avait pour thème : « formation et coaching pour enfants, adolescents et jeunes du Village d’Enfants SOS Abomey-Calavi sur les techniques de recherche d’emploi ». Pour Casimir Codjo Aïtchédji, formateur pour la circonstance, « c’est une opportunité d’outiller les jeunes sur les techniques de recherche d’emploi, les préparer à affronter les réalités du terrain ». Durant cette période, le mardi 12 juillet 2022, le VESOS Abomey-Calavi a réuni les patrons et patronnes d’atelier de Akassato à l’École Primaire Publique Houèkè-Honou à Akassato, dans la commune d’Abomey-Calavi. Objectif : sensibiliser les artisans sur les questions de protection des enfants en situation d’apprentissage. « Quand on fait le tour de ces centres de formations artisanaux, on constate que les droits des enfants sont violés », dénonce Bathilde Akpado épouse Atchaoué, spécialiste en protection des droits de l’enfant. Elle ajoute : « certains patrons violent les enfants par ignorance parce qu’ils ont été éduqués dans de pareilles conditions et forment, à leur tour, de la même manière sans savoir qu’il existe désormais des textes sur les droits des enfants. Il est donc important de les informer avant de passer à la répression.»
L’enfant : une préoccupation ?
Une catégorie d’enfants, notamment ceux des marchés et des centres de formation professionnelle, ne sont pas pris en compte dans les critères de recrutement des membres de l’instance faîtière de la protection des enfants. Ce constat a amené l’Association des Enfants et Jeunes Travailleurs du Bénin (AEJT-Bénin)à alerter la ministre des Affaires sociales et de la microfinance, le vendredi 5 août 2022 à l’hôtel GLS, dans la commune d’Abomey-Calavi. Leur plaidoyer est d’avoir un Conseil Consultatif National des Enfants (CCNE) inclusif et moins discriminatoire. Un processus de recrutement facilitera l’intégration de tous les enfants sans barrière de langue.
Avec le soutien de Éduco Bénin, des enfants réunis au sein de l’AEJT-Bénin, du CCNE et de l’ANACEB ont pris l’initiative de se retrouver autour d’un creuset de réflexion afin de passer en revue et d’analyser les critères de sélection au sein de l’instance faîtière, pourfaire des propositions. Ils ont recommandé d’accepter les enfants qui ne savent ni lire ni écrire le français et d’élargir la tranche d’âge à 17 ans pour ratisser large, avec possibilité de remplacer le candidat par son suppléant dès que la majorité est atteinte.
Par ailleurs, une rencontre multipartite État – Commune – Organisation de la Société Civile (OSC) s’est tenue le lundi 22 août 2022. L’objectif est de mieux s’approprier le processus par lequel l’État s’évertue à honorer les organes de Traités en général et celui de la Charte Africaine des Droits et du Bien-Être de l’Enfant (CADBE) en particulier. Cela émane de la Direction des Droits Humains (DDH), du Ministère de la Justice et de la Législation, et du Cercle International pour la Promotion de la Création au Bénin (CIPCRE-Bénin). Ines Laurenda Toffoun, directrice des Droits de l’Homme, avait affirmé« Nous sommes dans le processus d’élaboration du 2e rapport pays et du 2e rapport alternatif de la société civile. Il était de bon ton que les acteurs, parties prenantes de l’élaboration des différents rapports sur la thématique, puissent se concerter et dire où ils en sont dans le cadre de ce processus ». Elidja Zossou, directeur national de CIPCRE-Bénin, avait souligné la nécessité de la synergie d’actions entre Etat et OSC
« En prenant l’initiative d’une telle séance, nous nous attendons à ce qu’il y ait des pistes d’améliorations des modalités d’information et d’interaction des différentes parties.
Évoquons à présent la stratégie à adopter afin d’obtenir le financement des Partenaires Techniques et Financiers pour la protection de l’enfant. Le mardi 30 août 2022, la salle de conférence de la mairie de Cotonou a accueilli une séance du Réseau des Structures de Protection des Enfants en Situation Difficile (ReSPESD).
Il s’agissait de renforcer les capacités des élus et des cadres des communes d’intervention sur les stratégies endogènes de mobilisation de ressources additionnelles pour financer les actions en faveur des droits de l’enfant. Maxime Agoua, chargé de programmes du ReSPESD avait déclaré : « Nous avons choisi de nous entretenir avec vous sur un sujet d’avenir : les enfants. Il est question de faire un plaidoyer à l’endroit des élus et des cadres de l’administration communale en vue d’un financement plus accru des actions en faveur de la réalisation des droits de l’Enfant. Pendant qu’on parle de la protection de l’enfant, d’autres faits et actions peu recommandables viennent saper les efforts des acteurs à divers niveaux.
La dépigmentation et la bastonnade de l’enfant
Dans l’hebdomadaire Educ’Action N°456, la rubrique « enfance et bien-être » abordait la dépigmentation de l’enfant. Ce dernier, âme sensible et innocente, se voit administrer des produits cosmétiques de dépigmentation sur sa peau. « Les parents pensent embellir la peau de l’enfant. Ils veulent garder la peau que l’enfant avait à la naissance, le même teint. Ils ne savent pas qu’ils sont en train de dépigmenter leurs enfants », confiait le docteur Nardège Hounkpè Mèlomè, dermato-vénérologue, soulignant ainsi l’ignorance des parents par rapport aux effets de la dépigmentation sur l’enfant.
« C’est le reniement de la peau, de l’identité qui peut amener un parent à vouloir changer la peau de son enfant très tôt. Quand on grandit, dans la conception, à vouloir le faire, ça devient compliqué. Donc certains parents prennent la mesure très tôt pour commencer à agir sur l’enfant », précisait le docteur Bruno Montcho, sociologue de la débrouille et de la déviance.
Les parents qui pratiquent la dépigmentation de leur enfant, encourent-ils des peines juridiques ? Maître Fifa Marc Zinzindohoué, avocat stagiaire au barreau du Bénin répond en ces termes : « En lien avec l’article 353, le non-respect du droit à l’intégrité physique de l’enfant appelle une répression traduite par des peines délictuelles de 6 mois à 5 ans d’emprisonnement et d’une amande de 150 mille ». Mesurant la récurrence de ce phénomène de dépigmentation sur l’enfant, il ajoute en effet : « c’est pour dire que l’atteinte à l’intégrité physique et morale de l’enfant est sévèrement réprimée en droit béninois ».
Dans la 2e semaine du mois d’octobre 2022, une vidéo a déferlé sur les réseaux sociaux, suscitant émoi et interrogations chez les acteurs de la protection de l’enfant. Cette vidéo présente un homme frappant durement un enfant de moins d’un an dans l’une des contrées du Bénin. Qu’est-ce qui peut donc motiver cet homme à se défouler sur le gamin « Rien au monde, quelle que soit la faute commise par un enfant de cet âge, rien ne peut l’amener à s’acharner sur l’enfant de cette façon. Même la rage d’un chien n’est pas aussi catastrophique », répond d’un ton rauque Toussaint Sagbo-Fanou, professeur certifié d’anglais et d’espagnol à la retraite. C’est à la suite de cet événement inhumain qu’un point d’orgue est mis sur le numéro vert 136. Toutes les actions menées en faveur des enfants ont été réalisées sous le regard du Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance.
Enock GUIDJIME