Gestion des subventions dans les etablissements scolaires publics : Les directeurs et directrices plaident pour une formation continue en comptabilité - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde
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Gestion des subventions dans les etablissements scolaires publics : Les directeurs et directrices plaident pour une formation continue en comptabilité

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Depuis la prise et la signature de l’arrêté N°061/MEMP/DC/SGM/IGM/DAF/SA 034/SGG19 portant modalités de gestion de la subvention de l’Etat octroyée aux écoles maternelles et primaires publiques, c’est la psychose dans le rang des directeurs et directrices d’écoles. Si certains n’y craignent rien, d’autres n’ayant jamais rien géré de façon financière et comptable, paniquent, espérant ne pas tomber sous le coup de la loi. Ces directeurs et directrices, dos au mur, se donnent autant qu’ils peuvent les moyens pour mener à bien la gestion des subventions. Votre journal Educ’Action s’est penché sur ce sujet qui sème la peur au sein des chefs des établissements maternel et primaire. Reportage !

«Ce que nous avons déploré, c’est que les formateurs venant de la DAF ont donné des formations diverses et divergentes sur le terrain. Si bien que nous constatons que des choses qui étaient des acquis pour le fonctionnement des écoles dans la quiétude et la paix, certains formateurs sont allés les balayer du revers de la main, et, aujourd’hui, cela crée des grincements de dents et nous sommes en train de faire du replâtrage ». Ces propos de Arnaud Agbohounka, directeur de l’EPP Cocotomey-C et secrétaire général du SYNIADEQ-Bénin, vient relancer le débat sur la qualité de la formation sur la gestion administrative, financière et comptable reçue par les directeurs et directrices des écoles maternelles et primaires publiques, les 26 et 27 décembre 2019. Educ’Action a décidé de rencontrer ces directeurs et directrices pour apprécier le degré de leur compréhension de de la gestion des subventions. Dans leur esprit confus, ils mélangent tout. Sur 10 directeurs rencontrés dans les départements de l’Ouémé et du Littoral, sept (07) affirment n’avoir pas compris grand-chose et ont peur d’être cités en conseil des Ministres pour mauvaise gestion. A la lumière de cette phobie, on comprend que ces 07 directeurs sont bouleversés à cause du retour de la gestion des subventions dans leur giron depuis 07 octobre 2019, date de la prise de la décision doublée de la signature de l’arrêté par Salimane Karimou, ministre des Enseignements Maternel et Primaire. « Dans certains départements, les jours de la formation ont été divisés en deux au lieu de quatre. Les formateurs étaient pressés de vite finir pour prendre leurs perdiems. Les directeurs avaient aussi envie de vite partir. Le souci, c’est que le directeur en erreur sera cité en conseil des Ministres comme on le fait pour le vol des vivres des cantines scolaires. Même ici, la CRIET peut intervenir », fait savoir avec désolation une directrice appelant au téléphone une comptable de formation pour lui expliquer les notions élémentaires de la gestion comptable, en présence des reporters de Educ’Action, ce mardi 04 février à 13 heures. D’où est venue l’idée de confier la gestion des subventions aux directeurs et directrices ?

De l’histoire de la gestion des subventions…

Autrefois chasse gardée des directeurs et directrices d’écoles, la gestion comptable des subventions a été retournée aux comptables-gestionnaires. En 2008-2009, à l’Hôtel La Madeleine à Lokossa, des organisations syndicales ont souhaité qu’on mette à la disposition des circonscriptions scolaires des comptables-gestionnaires. Mais, en son temps, il n’y avait pas assez de comptables-gestionnaires au Ministère de l’Economie et des Finances à mettre au service des écoles. « Dans le temps, nous avons constaté qu’il y avait la mauvaise gestion des subventions allouées aux écoles publiques par les directeurs, qui, reconnaissons-le, n’avaient aucune notion de la gestion des deniers publics car, ils n’ont appris que la pédagogie. Le ministre des finances d’alors nous avait opposé le fait qu’il n’y a pas des comptables-gestionnaires à mettre à la disposition des écoles. Nous avons dit que parmi des enseignants, des instituteurs, il y a des gens qui ont appris la comptabilité gestion et qu’il faille les utiliser pour gérer à deux ces subventions», a relaté Fabrice Davy Hounsounou, Vice-président de la commission administrative paritaire du MEMP, le mardi 21 janvier à la sortie de la cérémonie d’installation des membres du Conseil National de l’Education (CNE) au Palais des Congrès de Cotonou. « Nous savons très bien que ce sont des directeurs d’écoles qui ont demandé avec insistance que la gestion des subventions reviennent aux comptables-gestionnaires. En ce moment, j’étais responsable syndical au niveau départemental. A plusieurs reprises, j’ai assisté à des rencontres où des directeurs ont estimé que la gestion des écoles n’était pas une mince affaire vu que l’IGM venait leur demander beaucoup de papiers, des registres, des cahiers à remplir, des choses très compliquées. Finalement, on a effectivement procédé à la nomination des comptables pour aider les directeurs à mieux gérer », dira Kassa Mampo Nagnini, secrétaire général de la Confédération Syndicale des Travailleurs du Bénin (CSTB) renseignant, à son tour, sur les raisons qui ont milité en faveur de cette décision de l’autorité ministérielle d’alors. Mais ce modèle de gestion librement consenti par les organisations syndicales et les autorités à divers niveaux a tôt fait d’exposer les capacités des enseignants gestionnaires à détourner les deniers publics. D’où le retour à la case départ. « Si c’est facile à un comptable-gestionnaire de détourner pour le compte de plus de 09 écoles, je crois que ce serait mieux qu’on retourne alors la gestion de ces subventions aux directeurs d’écoles, parce qu’il serait difficile pour un directeur d’école de détourner toute une subvention. Donc, c’est ce à quoi nous avons pensé pour retourner la gestion de ces subventions à ces directeurs », a justifié le vice-président pour montrer le désir et la volonté du gouvernement de voir gérer convenablement les subventions. Qu’est-ce qui rassure donc que les directeurs et directrices peuvent gérer après une formation de 02 jours les subventions là où un comptable de formation a échoué ? Est-ce que les directeurs et directrices d’écoles ont les pré-requis de la gestion comptable pour gérer les écoles ? Est-ce que 48 heures de formation suffisent-elles aux directeurs pour avoir les notions comptables basiques de gestion des écoles ?

De l’incapacité de la gestion des subventions…

Dans sa tenue traditionnelle ‘’Boumba’’ coiffé d’un chapeau ‘’Gobi’’ et assis dans son bureau à la Bourse du travail à Cotonou, l’actuel locataire de la Confédération Syndicale des Travailleurs du Bénin (CSTB) émet un doute en la capacité des directeurs à faire face à la gestion rigoureuse et comptable des subventions. « Comme vous le savez, ces directeurs ont été formés en deux jours pour remplacer des comptables de formation. Des gens qui ont eu soit la maitrise en sciences économiques ou tout au moins le BAC G2. Des gens qui ont eu une formation en comptabilité, des recyclages et autres. Ce sont eux qu’on vient remplacer donc. On veut encore créer des conditions juste pour terroriser les enseignants », a déploré, le visage serré, Kassa Mampo Nagnini pour mettre le curseur sur la durée de la formation et le faible niveau des directeurs sans une formation de base en comptabilité. A la question de savoir si ce ne sont pas les partenaires sociaux qui ont souhaité que la gestion administrative, financière et comptable des subventions retourne aux directeurs et directrices d’écoles, le secrétaire général de la CSTB n’est pas allé du dos de la cuillère pour fustiger la pléthore des syndicats de base et syndicats confédéraux qui entretiennent une relation incestueuse et de copinage avec les responsables administratifs sous-sectoriels de l’Education. « Qu’est-ce que vous appelez partenaires sociaux ? Actuellement, il y a un syndicat dans chaque maison, dans chaque école. La floraison des syndicats a été encouragée par les différents gouvernements pour justement limiter les choses pour que lorsqu’on dit les partenaires sociaux, on rassemble les gens. La plupart de ceux-là qui se disent syndicalistes, ce sont des gens qui ne sont pas là pour défendre les enseignants. Je regrette qu’il y ait beaucoup de gens qui soient là juste pour collaborer avec l’administration, ils s’entendent avec l’administration et on sait les problèmes que nous avons toujours eus là-bas. C’est certainement une affaire cuisinée entre certains syndicalistes et le pouvoir qui a accouché cette décision arbitraire qui ne repose sur rien et qui doit créer certainement des problèmes », alerte-t-il avant de poursuivre : « c’est de l’incantation. On ne se lève pas du jour au lendemain pour s’occuper des questions financières. Il y a des notions, des dividendes, des comptes qu’il faut connaître et savoir manipuler. Même celui qui a suivi une formation doit faire des mises à jour pour ne pas tomber dans des erreurs, la préparation du budget, le décaissement. Autant de paramètres qu’il faut prendre en compte. Il faut forcément un support ou un guide pour les orienter», a-t-il lâché. Sans donner plus de précisions, un inspecteur des finances en service au Ministère de l’Economie et des Finances affirme que le gouvernement va prendre des mesures pour accompagner de façon progressive les directeurs concernés. Toutefois, il soutient que ce n’est qu’avec le temps et l’habitude qu’ils vont parfaire leurs connaissances en gestion comptable et financière.

De l’avis de l’inspecteur Général du Ministère…

Joint au téléphone, dans la matinée de ce vendredi 07 février, Valère Abissi, Inspecteur Général du Ministère des Enseignements Maternel et Primaire, ne s’est pas opposé aux observations et difficultés des directeurs et directrices dans la gestion administrative, financière et comptable après 48 heures de formation. « Une formation ne peut pas tout régler d’un coup, eux-mêmes doivent se cultiver. On n’apprend pas tout sur les bancs, c’est par expériences. Puisque lors d’une formation, on ne peut pas étudier tous les cas », a martelé l’IGM, arguant qu’un manuel de procédure, un guide est mis à leur disposition et que s’ils se réfèrent à cela, ils pourront gérer les subventions. Ce guide, de par notre enquête sur le terrain, se retrouve chez certains anciens directeurs. « Si un directeur a un cas particulier, qu’il s’adresse à ses collègues. Si ses collègues ne lui trouvent pas la solution immédiate, il n’a qu’à se rapprocher des spécialistes et régisseurs qui sont à la DAF pour mieux comprendre », a-t-il conseillé en attendant d’organiser des formations continues à l’endroit de ces directeurs. Car, estime-t-il, les écoles n’ont pas les mêmes les problèmes, et, à l’en croire, des formations progressives seront faites pour faire dissiper les zones d’ombres et la peur. Et ceci, conformément aux dispositions de l’article 07 de l’arrêté.

Enock GUIDJIME

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