Le Syndicat National des Enseignants des Ecoles Maternelles du Bénin (SYNAEM-Bénin) a changé de mains depuis 2017. Ceci à travers un congrès où Gaétan Elvis Kponoukon a pris les rênes de ce syndicat actif dans le sous-ordre de l’enseignement maternel. Fraîchement élu, il a travaillé sur plusieurs chantiers notamment la formation des enseignants de la Maternelle. Ceci à cause de son amour pour les tout-petits. A travers l’émission ‘‘Le rendez-vous des Partenaires’’, du groupe Educ’Action, le syndicaliste allume les projecteurs sur les cinq (05) ans de conduite de ce syndicat de développement. Lisez plutôt !
Educ’Action : Vous avez participé en octobre 2017 à la marche des centrales syndicales pour revendiquer les droits des éducateurs et éducatrices en poste depuis dix (10) ans sans salaire. C’est bien courageux pour un jeune syndicaliste comme vous !
Gaétan Elvis Kponoukon : Quand nous sommes arrivés, nous avons constaté que plusieurs de nos camarades sont sur le terrain mais n’ont pas de situation administrative régulière, malgré qu’ils jouent un rôle capital dans la formation des enfants. Nous avons le personnel des éducateurs et éducatrices, les agents d’entretien, des enseignants, qui sont en attente d’être reversés. Quand nous sommes arrivés, nous avions constaté que ce problème perdurait et il fallait faire quelque chose. Nous nous sommes rapprochés des confédérations et une marche pacifique a été organisée à l’endroit des autorités éducatives pour que la situation administrative des enseignants des écoles maternelles en situation de reversement soit réglée définitivement. A cet effet, la majorité a été reversée sous contrat. Cependant, il reste quelques personnes dont les dossiers restent en instance parce qu’il y a des pièces à compléter. Mais ils ne sont pas nombreux. Toutefois, nous disons dans le jargon syndical que tant qu’il reste à faire, rien n’est fait. Donc la lutte continue.
Et comme une réussite peut en cacher plusieurs autres, vous avez enchaîné les succès. Installation des structures départementales et communales du SYNAEM- Bénin, audience avec les autorités et surtout la tenue régulière des conseils syndicaux. Enfin, d’où tenez-vous tout ce dynamisme ?
C’est toujours l’engagement de faire mieux et la volonté d’aller toujours de l’avant. Nous avons pris les rênes du SYNAEM-Bénin dans des conditions où ce n’était pas du tout facile en termes d’organisation. Nous avons souhaité la réorganisation des choses. En ce qui concerne le Conseil syndical, c’est une occasion pour les enseignants des écoles maternelles surtout de se réunir dans un lieu et d’échanger sur l’avenir de la corporation. Au niveau de la structuration du Ministère des enseignements maternel et primaire (Memp), l’enseignement maternel en fait aussi partie. Même si nous sommes minoritaires en termes d’effectif du personnel, nous devons nous réunir de temps en temps pour échanger sur l’avenir de notre corporation et également réfléchir sur comment développer notre organisation afin de défendre nos intérêts matériels et moraux.
Vous nous avez habitués depuis quelques années aux syndicats soucieux de la formation de ses membres, des syndicats moins grincheux, quel bilan devriez-vous faire aujourd’hui de la formation puisque vous en avez fait un cheval de bataille ?
Le syndicat à cinq (05) fonctions. L’une des principales fonctions du syndicalisme, c’est la formation. Beaucoup de personnes pensent que c’est seulement la revendication. Non ! Au regard des conditions dans lesquelles le SYNAEM-Bénin a été créé en 2003, c’est un syndicat de développement. Il faut accompagner le système éducatif afin que l’enseignement maternel se développe comme dans les autres pays. Quand on parle de formation, nous nous sommes demandés ce que nous pouvons apporter en termes de plus-value au système éducatif. Quand bien même le gouvernement fait ce qu’il peut, nous nous sommes dit que nous pouvons l’accompagner d’une autre manière. C’est ce qui nous a motivés à écrire des projets qui portent sur la formation des enseignants. Nous avons eu des partenaires. La formation qui a été la plus en vogue sur le terrain, est celle liée à la fabrication des jeux et jouets à partir des matériaux locaux. Cette formation a connu un succès éclatant dans tout le Bénin.
Est-ce que, effectivement, cette formation s’est déroulée dans les douze (12) départements ?
Nous sommes allés dans les douze (12) départements. Nous sommes allés dans cinq (05) départements en 2018. En 2019, nous avons fait avec les départements de l’Atlantique et du Zou, précisément les communes de Toffo, Allada, Ouidah, Agbangnizoun, Zakpota et plusieurs autres communes des deux départements. Ensuite, nous avons fait cinq (05) départements en 2020 et 2021. C’était une expérience formidable. Nous avons noté l’engagement et l’enthousiasme des enseignants et nous avons également constaté que le besoin de formation existe. C’était une grande joie pour les enseignants de voir, pour la première fois, le syndicat se déplacer vers eux dans leurs hameaux, dans leurs villages pour apporter des matériels et la connaissance. J’avoue que nous avons reçu beaucoup de retours positifs et l’encouragement des parents également.
En termes d’impact, combien d’enseignant(e)s et apprenants ont été effectivement touchés ?
En termes d’effectif nous avons formé environ trois mille (3000) enseignants des écoles publiques et certaines privées. Nous sommes heureux que plusieurs enseignants continuent de multiplier toutes les connaissances acquises. Nous avons noté plus de douze mille (12000) enfants impactés. Quand les enseignants utilisent le jeu, les enfants sont les premiers bénéficiaires.
Quelle est l’importance du jeu dans la vie de la petite enfance, qu’est-ce que ça apporte ?
Le jeu, c’est la vie de l’enfant. Si l’enfant joue le monde se porte mieux. Le jeu est l’outil pédagogique le plus adapté qui permet à l’enfant de développer sa capacité langagière, sa socialisation, son développement cognitif et aussi son expression corporelle. Si nous prenons l’enfant dans sa globalité, nous constaterons que toute la vie de l’enfant, c’est le jeu. Lorsque l’enfant a véritablement joué, nous constatons qu’il y a un changement positif en termes de comportement, d’intégration et de développement des capacités intellectuelles.
L’autre élément très intéressant dans cette formation, c’est l’usage du matériel local. Pourquoi est-ce que vous avez privilégié les matériaux locaux pour fabriquer ces jeux ?
C’est la pertinence même de cette formation. L’utilisation des matériaux locaux parce qu’il a été constaté que les enseignants attendent que l’Etat apporte le matériel didactique dans les écoles. En regardant dans notre environnement, les enseignant peuvent prendre un carton, un morceau de bois et des outils pour fabriquer quelque chose, des voiturettes avec une boîte de lait, etc. Les matériaux locaux, c’est pour permettre à l’enseignant de ne pas manquer de matériels, pour la formation des enfants. Cela permet également de ne pas attendre nécessairement l’Etat avant de travailler.
En 2019, précisément le 16 septembre, la Canadian Teachers Federation a reconnu vos mérites. Quelle distinction! Parlez-nous-en ?
Il y a un prix international qu’on appelle le Prix Noble Goble initié par la Fédération Canadienne des Enseignants et Enseignantes. C’est un prix qui est décerné aux organisations qui œuvrent véritablement pour défendre la corporation et aussi pour faire la promotion de la journée des enseignants. Donc ce prix vient encourager les enseignants. Le SYNAEM-Bénin a postulé à ce prix en 2019. Notre dossier a été étudié parmi ceux des syndicats français, allemands et d’autres syndicats anglophones, africains et asiatiques. Nous avons été sélectionnés comme les meilleurs et nous avons gagné ce prix. C’est un prix qui nous a permis d’organiser en 2019 un séminaire sur le thème « Education préscolaire de qualité : rôles et responsabilités des militants du SYNAEM-Bénin dans la réalisation des objectifs 2030 ». Nous sommes fiers d’élever le SYNAEM-Bénin que nous avons hérité sous le rang des syndicats les plus grands et les plus visibles au niveau continental.
Avec cette énergie débordante d’engagement et de résultats, même la pandémie mondiale de la covid-19 ne vous a pas arrêtés, fort heureusement, vous avez contribué à la résilience de vos syndiqués par des dons de masque, de gels, etc. Comment avez-vous vécu la Covid-19 ?
La Covid-19 est venue comme un évènement malheureux qui a interrompu, non seulement la vie sociale, mais également la vie pédagogique dans les écoles. Qu’il vous souvienne que les écoles ont été fermées pendant plusieurs mois en raison de cette pandémie à Coronavirus. Nous avons ressenti l’évènement comme une crise, et cela a affecté bon nombre de nos camarades sur le terrain. Les enseignants des écoles maternelles sont en contact avec les enfants. D’où ils doivent être en bonne santé pour transmettre la connaissance et former les enfants dans de très bonnes conditions. Nous avons essayé de prévenir la maladie, protéger les enseignants parce que, quand on dit syndicalisme, il y a aussi la mission sociale. Nous avons écrit un projet qui a été financé par l’International de l’Education (IE). Cette structure nous a donné la possibilité d’avoir ce projet qui a permis au SYNAEM-Bénin de parcourir les douze (12) départements et de débattre du thème « Le leadership syndical dans le contexte de la covid-19 ». L’objectif était de protéger nos militants et leur donner les moyens que sont les gels hydroalcooliques, les masques et d’autres outils de protection contre le virus, conformément aux prescriptions de l’OMS.
Vous avez offert une cérémonie unique de reconnaissance aux anciens sécrétaires généraux une cérémonie médiatisée, la première dans l’histoire du syndicalisme à la maternelle. Quelles sont vos motivations ?
Quand vous avez des gens qui ont une certaine expertise, il faut les célébrer de leur vivant. Il faut qu’ils apportent leur expertise à la jeune génération. Ils ont pu réussir malgré les difficultés et les challenges de leur équipe. Donc c’est ce qui nous a motivé et c’est le moment pour moi de remercier le groupe Educ’Action, notamment le journal qui nous a accompagnés pour cette activité dont le succès est éclatant. Les doyens étaient vraiment contents. C’était une grande surprise pour eux. Ils ne s’y attendaient pas et ils étaient émus, de même que nos camarades qui étaient vraiment sidérés.
Le SYNAEM-Bénin aujour-d’hui a aussi une vitrine web. Quel est votre secret ?
Mon secret, c’est toujours l’ambition et la volonté d’aller de l’avant. J’ai toujours l’habitude de dire que nous devons mieux faire que les autres et ceux qui viendront après nous, doivent toujours chercher à faire mieux. Donc nous avons estimé qu’un syndicat doit pouvoir assurer sa propre visibilité. Ce sont les grosses entreprises, les ONG et d’autres structures qui s’offrent un site web, nous avons dit que nous aussi, nous allons publier nos productions, nos réalisations et nos activités sur un site qui sera accessible au monde entier. Nous avons sollicité l’appui du bureau régional de l’Internationale de l’éducation et il nous a donné les moyens techniques et financiers pour réaliser ce site. Ce site est consulté aujourd’hui par près de trois mille (3000) visiteurs de puis sa création. Il y a plusieurs rubriques sur notre site. Il y a des publications liées aux activités de formations du SYNAEM-Bénin. Nous avons également des pages qui affichent notre histoire dans le syndicalisme, qui nous sommes, qui nous avons été, où voulons-nous aller… Sur le site, vous allez également voir les photos des membres du bureau qui ont participé aux activités du SYNAEM-Bénin et qui continuent de soutenir l’organisation. Nous avons, au-delà du site, une plateforme mobile de paiement en ligne de cotisations syndicales. Ça, c’est une première et actuellement nous sommes en train d’aider plusieurs pays africains à avoir cette plateforme mobile de cotisation en ligne.
Qui sont vos partenaires ?
Nous sommes dans un monde de communication, si vous faites de grandes choses qui ne sont pas connues du public, c’est tout comme si vous n’avez rien fait. C’est le moment pour moi de dire merci à Educ’Action qui soutient le SYNAEM-Bénin depuis plusieurs années. Comme partenaires privilégiés, nous sommes d’abord affiliés à l’IE au niveau international, à l’UNSTB au niveau national. Nous sommes membres de la Coalition des Organisations Béninoise de l’Education Pour Tous (CBO-EPT) et d’autres structures partenaires avec qui nous travaillons depuis des années. Je ne voudrais pas oublier la Fédération Canadienne des Enseignants et Enseignantes qui soutient le SYNAEM-Bénin. Nous sommes reconnaissants pour leur attachement aux valeurs qu’incarne le syndicalisme au Bénin et surtout aux idéaux défendus par le SYNAEM-Bénin
L’année prochaine, vous serez au congrès du SYNAEM-Bénin en mai. Etes-vous candidat ?
[Sourire…] Je vais laisser les camarades décider et après l’information sera portée au grand public.
Quelles sont vos perspectives pour le SYNAEM-Bénin ?
Nous allons continuer à former nos membres, à relever le défi du sous-secteur de l’enseignement maternel, et à œuvrer à ce que le syndicalisme soit vu d’une autre manière, c’est-à-dire un syndicalisme de développement au Benin. Les années à venir, nous allons aborder des thématiques qui vont permettre aux enseignants des écoles maternelles de renforcer leurs capacités pédagogiques . C’est l’Etat qui forme les enseignants et nous contribuons à renforcer les actions de l’Etat. D’ici là, nous allons œuvrer pour que la dynamique engagée se poursuive et principalement nous allons surfer sur l’éducation au changement climatique les jours à venir.