L’épisode pandémique que traverse le monde depuis décembre 2019 à cause du Coronavirus entraîne un stress à nul autre pareil dû à la peur d’être contaminé par la Covid 19. C’est dans ce contexte que des chercheurs australiens ont mis au jour des résultats d’une recherche prouvant que la peur a la capacité de retourner l’ADN dans le cerveau.
Une étude australienne dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature Neuroscience, révèle que la peur modifie la forme de la double hélice d’ADN du cortex préfrontal. L’étude réalisée sur des souris précise aussi qu’une enzyme permet un retour à la normale. Cette information diffusée par le magazine Sciences et Avenir remet au jour les tenants et les aboutissants de cette recherche qui fait la lumière sur le fonctionnement de l’ADN sous l’effet de la peur. En effet, la peur est un mécanisme de régulation et de survie vital pour l’Homme de même que la capacité à revenir à la normale une fois que le danger est passé. Ce phénomène d’excitation et d’inhibition du cerveau résulte de la capacité de ce dernier à modifier la structure de l’ADN contenu dans les neurones. La recherche réalisée par l’équipe du professeur Timothy Bredy de l’université du Queensland en Australie a montré l’action des doubles hélices de l’ADN dans ce mécanisme génétique.
L’action de la double hélice dans l’ADN
L’Acide Désoxyribo-Nucléique (ADN) est composé d’un ensemble de molécules qui portent l’information génétique dans les cellules. Ces cellules composent aussi les neurones. Les molécules d’ADN se présentent sous forme de double hélice tournant vers la droite. Ces molécules sont nommées ADN-B. Selon les circonstances, cette double hélice peut tourner du côté gauche, on les nomme alors ADN-Z. De l’avis des auteurs, « on suppose souvent que l’ADN code uniquement les informations dans la séquence nucléotidique, mais le changement de forme de l’ADN pourrait également coder des informations ». Pour rappel, les nucléotides sont des briques élémentaires de l’ADN. Le travail des chercheurs a donc consisté à mieux comprendre le fonctionnement de l’ADN dans les neurones. « Nous avons donc décidé de regarder ce qui arrive à la structure de l’ADN en réponse à l’expérience », explique Timothy Bredy.
La quantité d’ADN-Z s’élève sous l’effet de la peur
Dans le cadre de leur recherche, les scientifiques ont utilisé des souris qu’ils ont soumises à la peur. Le travail a consisté à observer les changements de la forme de l’ADN dans leurs cerveaux. Pour ce faire, ils ont mis les animaux sous stress répété en utilisant des sons forts suivis de chocs sur leurs pattes. Avec cette tension, force est de constater que l’ADN-Z augmente dans le cerveau des souris. La région la plus affectée par cette augmentation est la région préfrontale du cerveau qui est impliquée dans les activités de réflexion, le jugement et d’autres processus logiques. Le changement de l’ADN-B en ADN-Z par le cerveau a aussi un intérêt, à en croire Paul Marshall, le co-auteur de la recherche. « Il sert vraisemblablement à marquer quels gènes ont été activés pendant l’expérience de la peur, notamment dans la mémoire, afin que, pendant la phase d’extinction de la peur [une fois le stress passé], ces gènes puissent être identifiés et modifiés [à nouveau]» explique le chercheur.
Le retour à la normale
Après la phase d’excitation conduisant à la déformation de l’ADN-B en ADN-Z, vient la phase d’inhibition. Les chercheurs ont aussi essayé de comprendre et d’identifier les acteurs de ce processus de retour à la normale, ADN-Z vers ADN-B. « Nous avons trouvé que l’extinction de la peur menait à une augmentation rapide et transitoire d’ADAR1 dans le cortex préfrontal adulte », ont fait savoir les auteurs. En effet, ADAR1 est une enzyme connue entre autres pour sa capacité à changer l’ADN-Z en ADN-B. Poursuivant leurs explications sur le déroulement de leur recherche, ils ont affirmé avoir procédé à une inhibition de l’enzyme. Résultats, la souris perd sa capacité ”d’éteindre” la peur lorsque celle-ci n’a plus de raison d’être. En effet, « si la souris peut encore former des souvenirs de peur, elle n’arrive plus, en revanche, à l’oublier » font savoir les chercheurs.
Un lien étroit entre la plasticité de l’ADN et celle de la mémoire
L’ADN-B se déforme en ADN-Z sous l’effet du stress des neurones par un évènement. Ensuite l’ADAR1 permet à l’ADN-Z de revenir à sa forme normale d’ADN-B une fois l’évènement stressant passé. « Plus vous pouvez facilement passer d’une structure d’ADN à l’autre, plus votre mémoire est plastique», révèle Timothy Bredy. Autre conséquence de ses résultats, son lien étroit avec le syndrome de stress post-traumatique (PTSD). « Peut-être que dans le PTSD il y aurait une incapacité à réinitialiser l’état de la structure de l’ADN, de sorte que les gènes impliqués dans la peur d’origine peuvent être plus susceptibles d’être réactivés encore et encore, rendant ainsi la peur d’origine plus forte et moins susceptible d’être contrôlée. Cette situation de rétroaction conduirait alors à une réaction de peur exagérée » éclaire le chercheur.
Les impacts de la recherche
Cette recherche met à jour l’existence d’une sorte de bouton de mise à jour, un « commutateur qui permettrait une “réinitialisation fonctionnelle” des structures d’ADN » à en croire les chercheurs. En effet, les scientifiques pensent que cette découverte rendrait possible le ciblage des régions spécifiques du génome du cerveau. Selon Paul Marshall, « le commutateur médié par ADAR1, dans la structure de l’ADN, semble être essentiel pour la capacité de modifier les souvenirs de peur. Ce commutateur et d’autres commutateurs de structure d’ADN pourraient être essentiels pour la capacité de récupérer rapidement des événements émotionnellement importants et de conférer de la résilience ».
Adjéi KPONON