Intimidation ou bastonnade sont monnaies courantes chez certains parents qui supportent mal l’échec de leurs enfants à un examen. Quel comportement les parents doivent-ils adopter face à l’échec de leurs enfants à un examen ? La question préoccupe Educ’Action, témoin d’une scène de bastonnade d’un candidat ayant échoué à l’examen du BEPC.
L’atmosphère était insupportable ce matin pour le jeune Modeste qui n’attendait que de connaître le sort qui lui a été réservé par les correcteurs des feuilles de composition du BEPC 2019 pour cette deuxième fois. Le froid, la chaleur, la diarrhée, le mal de tête, la peur, bref… Modeste ne supportait plus tous ces maux dus à l’attente de son résultat. Les cris que dégageaient les membres de la maison d’à côté pour exprimer leur joie quant à la réussite de leur fille ne faisaient que mettre le feu aux poudres chez Modeste. Perplexe, Modeste ne savait plus à quel saint se vouer. Faut-il implorer Dieu ou les mânes des ancêtres ? Modeste est quand même là attendant le verdict final. En même temps, les questions comme « Modeste as-tu déjà eu tes résultats ? » ; « Modeste ça a marché? » ne faisaient qu’amplifier le stress qu’il ressent dans la matinée de ce samedi 15 juin. Les candidats les plus courageux se rendaient eux-mêmes dans les centres pour consulter le tableau d’affichage et s’informer de leur résultat. Modeste, quant à lui, s’en remet à son père pour qu’il lui donne des nouvelles. Hélas… Avant même que l’enfant ne sorte de la chambre pour accueillir son père, porteur de bonne ou mauvaise nouvelle, l’expression du visage de ce dernier suivie des coups de poings disaient tout. Lesquels coups de poings viennent et vont dans tous les sens, expression de la colère du père. Les tentatives pour sauver le jeune Modeste des griffes de son père étaient toutes vaines. Pendant une dizaine de minutes, Modeste n’a eu d’autres choix que d’encaisser les frappes et les insultes de son géniteur devant sa mère incapable de réagir face à cette scène. Deux jours plus tard, Educ’Action, ayant eu vent de cette scène, s’est rapproché du jeune Modeste âgé de 17ans et fils aîné d’une famille polygame de 4 femmes et 11 enfants. Il n’avait pas vraiment les mots pour s’exprimer. « Je ne sais vraiment pas quoi dire. C’est mon père, que puis-je lui dire ? J’avoue que la première fois que j’ai échoué, j’ai dû fuir la maison pendant 3 jours pour ne pas tomber sur mon père. Cette année, j’étais persuadé que le résultat serait bon sinon j’aurais pris mes dispositions. J’ai fait ce que je pouvais à l’examen. L’échec n’a jamais été le souhait de quelqu’un. Cette année, j’ai mis le bouché double pour tenter d’obtenir le BEPC. Mais…» a-t-il simplement dit les yeux presqu’en larmes. Cette réaction du père de Modeste ne laisse pas indifférentes, les diverses personnes abordées dans le cadre de cette publication.
L’examen, chose pas aisée aux yeux de certains …
« Ma fille n’a jamais été à un examen une fois durant son cursus scolaire. Il est vrai que lorsqu’un enfant réussit à un examen, le parent est fier de lui. Mais quand c’est le contraire, il n’y a pas de quoi s’affoler au point de tabasser son enfant. L’examen n’a jamais été facile pour quelqu’un. Je sais de quoi je parle » a témoigné ce parent d’élève, déçu. Interrogé sur la question, Maoudi Johnson tente d’apporter une clarification sur le thème examen. « Un examen n’est pas un concours. Dans tous les cas, on peut estimer que tous les candidats qui vont à un examen sont égaux devant la loi et devant les épreuves et à priori, tout le monde peut réussir.» Chose qu’épouse Amélie Delphine Akplogan Massessi, Conseiller pédagogique à la retraite et présidente de l’ONG le Cercle des Oliviers qui ajoute que « pour ceux qui pensent que aller à l’école est chose aisée, c’est faux. Ce n’est pas du tout facile pour un enfant d’apprendre et d’être évalué à la fin dans le cadre d’une certification, d’un diplôme » a-t-elle nuancé. Pour ces acteurs, une infinité de contingences justifient l’échec d’un enfant qu’il soit brillant ou non.
Les facteurs favorisant l’échec d’un enfant…
« L’échec d’un enfant peut partir de la qualité et de l’efficacité de son travail. Un enfant peut travailler et beaucoup apprendre et ne pas avoir une bonne méthodologie pour faire face aux examens.» Outre cet aspect évoqué par Maoudi Johnson et celui relatif à la santé physique, les conditions psychologiques et sociales peuvent constituer en grande partie, des raisons d’un échec. « Un enfant peut être bien accompagné et peut briller correctement à l’école, mais si dans le centre de composition, il remarque quelqu’un qui l’aurait traumatisé une fois dans sa vie, ce n’est pas évident qu’il soit vraiment présent dans son corps et dans son âme pour répondre aux obligations de l’examen. En dehors de ça, il peut y avoir des causes spirituelles qu’on n’est pas en mesure de détecter » a signalé Amélie Delphine Akplogan Massessi. L’autre raison fondamentale qu’on ne saurait occulter ici, c’est bien l’accompagnement des parents. Ainsi, échouer à un examen peut découler de l’accompagnement des parents, du travail de l’enseignant, de la représentation que le cercle familial ou la communauté scolaire a vis-à-vis de cet enfant qui est évalué ; du manque de matériel, des besoins fondamentaux ; du cadre de l’apprentissage, des méthodes, des stratégies, des procédés pour accompagner cet apprenant dans le cadre de ses apprentissages. Selon Amélie Delphine Akplogan Massessi, échouer à un examen revient ainsi à être comparé à ce qu’on peut appeler un échec de l’ensemble d’une communauté éducative. Se référant aux conditions sociales pouvant favoriser l’échec d’un enfant, l’équipe du journal Educ’Action note une absence totale du devoir parental dans le quotidien du jeune candidat malheureux. « J’ai été plusieurs fois renvoyé de l’école, faute de payement de la contribution scolaire. Parfois même, on me prive de nourriture au détriment des autres enfants parce que je suis l’aîné. Papa étant couturier, il n’arrive pas à me donner l’argent du petit déjeuner. Maman doit aller vendre du pain à Houédonou pour donner à manger à ses 5 enfants que nous sommes.» La liste est bien longue. Face à cette révélation, Maoudi Johnson pointe du doigt accusateur l’absence du bon sens qui devrait guider un parent alphabète ou non à s’acquitter de son devoir vis-à-vis de sa progéniture. Pour sa part, Amélie Delphine Akplogan Massessi se refuse de faire économie de vérité. « C’est l’ignorance qui a eu raison de ce parent et il aurait dû se frapper lui-même. En plus, une personne adulte qui frappe un plus jeune selon moi, c’est une personne lâche » a-t-elle lancé, éprise de pitié pour cet enfant avant de ressortir les conséquences de cet acte.
Une chaîne d’échecs à la première loge des conséquences …
« Ce parent vient de fabriquer toute une chaine d’échecs, une suite d’échecs à l’avenir pour cet enfant s’il ne va pas le supplier » a expliqué dame Akplogan qui se fait appuyer de Maoudi Johnson. « Le danger de cet acte, c’est qu’on se retrouve devant des enfants qui risquent de rentrer dans une spirale de la défaite, dans un complexe qui amènera l’enfant à se traiter de mauvais. Pire, les injures comme tu es un bon à rien, je ne m’occupe plus de toi etc. peuvent être un coup préjudiciable dans la mesure où ils peuvent installer l’enfant dans un complexe de celui-là qui échouera toujours.» Pour éviter ce complexe chez les candidats malheureux, les parents doivent en cas d’échec de leurs progénitures, « s’auto évaluer et se demander où est-ce que personnellement j’ai échoué ? Après cette auto évaluation, il doit se diriger vers l’enfant, le prendre comme ami et lui demander où est-ce que ça n’a pas marché. L’enfant va alors s’exprimer et dire ses émotions, ses peurs, ses insuffisances. Mais ce n’est pas sans la mère », a conseillé Amélie Delphine Akplogan Massessi.
Estelle DJIGRI