Le régime Talon avec son cortège de réformes. Le système éducatif béninois ne semble pas être épargné. Contrairement à la pratique répandue depuis plusieurs années, les élèves de la classe de troisième, dès la rentrée prochaine, doivent obtenir à la fois le Brevet d’Etudes de Premier Cycle (Bepc) et la moyenne de classe pour accéder au second cycle du collège. Ce qui n’est pas du goût de tous les apprenants et parents d’élèves qui opinent sur le sujet à travers des points de vue divergents. Pour l’heure, aucun acte étatique ou administratif, en l’occurrence du Ministère des Enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle, ne confère un caractère officiel à cette décision. Toutefois, dans les cercles éducatifs et au sein des apprenants, elle crée déjà le tôlé avec des points de vue disparates. A la lumière de cette mesure largement agitée, il ne sera plus permis aux élèves de la classe de troisième d’accéder au second cycle du collège sans avoir obtenu au préalable le Brevet d’Etudes de Premier Cycle (Bepc) et la moyenne de classe, au moins 10 sur 20 comme moyenne générale à la fin de l’année. Des confidences de certains techniciens de ce département ministériel, la proposition est née de la volonté du gouvernement d’arrimer son système éducatif aux exigences de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). En effet, renseigne la même source, cette union sous-régionale recommande l’obtention du Bepc avant le Baccalauréat ou le retour de l’examen du probatoire en classe de première. Ainsi, on comprend mieux les mobiles de la décision encore feutrée des responsables du sous-secteur de l’enseignement secondaire. Seulement, les apprenants de la classe de troisième et même des parents d’élèves encore nostalgiques ne semblent pas épouser cette nouvelle formule. A en croire certains parents approchés par Educ’Action, cette décision, si elle est mise en vigueur, fera plus de mal au secteur avec un nombre important de cas d’abandon. « La pratique actuelle permet aux candidats malchanceux n’ayant pas réussi à l’examen du Bepc, d’aller en seconde avec la moyenne de classe. Même en classe de seconde, première ou terminale, ils peuvent revenir passer le Bepc sans perdre des années. Mais là, avec la nouvelle approche, elle pourra conduire à la rétention des apprenants ou carrément les éjecter du système éducatif béninois, ce qui ne serait pas bien », a confié à Educ’Action ce père de famille, agent de l’administration publique. « A l’ère des ODD où l’accent est mis sur l’éducation pour tous, je tombe à la renverse qu’on ait pris une telle mesure. Au lieu d’instaurer l’école pour tous, on veut promouvoir l’école d’une frange de Béninois dans la mesure où l’élève de troisième qui n’a pas eu son Bepc malgré une forte moyenne de classe, ne sera admis en second. Sous le poids du découragement des parents ou de l’apprenant, ce dernier finira par abandonner les classes, devenant du coup un candidat potentiel au banditisme vue que le taux de chômage va grandissant », a relevé un autre, enseignant, qui a requis l’anonymat. Ce qui n’est pas de l’avis d’un professeur du CEG Vèdoko rencontré qui développe que la qualité du citoyen voulue pour la nation doit être définie très tôt, dès le secondaire, au lieu que ça soit à l’université qu’on pense sérieusement à l’orientation et à la formation des cadres au sein de la République. « Nous avons mal fonctionné tout le temps et la résultante en est le flux d’étudiants observés dans nos universités qui, pour beaucoup, finissent au chômage. Il faut très tôt commencer la sélection, la reconversion pour permettre à ceux qui n’ont pas les potentiels pour aller à l’université de vite s’orienter vers d’autres formations », a-t-il nuancé. Beaucoup d’apprenants interviewés désapprouvent la proposition car, selon eux, depuis plusieurs années, le taux d’admissibilité au Bepc n’atteint jamais les 50%. Ce qui suppose qu’avec cette mesure, il y aura tous les ans plus de recalés avec pour conséquence assez d’abandons. On conçoit donc que la pilule sera amère pour bien d’apprenants dès la mise en vigueur de la décision. Il revient aux autorités éducatives de mettre dans la balance cette mesure aux fins d’éviter au système éducatif béninois l’hécatombe, lui qui est déjà fragile, effrité pour divers maux.
Serge-David ZOUEME