Evangile de l’histoire africaine selon Dieudonné Gnammankou : Lumière sur les auteurs d’une Afrique diabolisée et colonisée par des pseudo-savants - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Evangile de l’histoire africaine selon Dieudonné Gnammankou : Lumière sur les auteurs d’une Afrique diabolisée et colonisée par des pseudo-savants

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L’Université d’Abomey-Calavi a abrité, sous la tente de l’amphi Idriss Déby Itno, une conférence scientifique sous le thème « La place et le rôle des Africains dans l’histoire politique, intellectuelle, scientifique, littéraire et artistique de l’Europe : de l’Antiquité à l’ère coloniale ». C’était dans l’après-midi de ce mercredi 9 novembre 2016. Animée par le Professeur Dieudonné Gnammankou, cette conférence a connu la présence de nombreux étudiants et enseignants ainsi que des acteurs culturels à divers niveaux.

«Un jour, certains des vôtres ont versé leur sang pour la Russie, un jour, les russes verseront leur sang pour l’Afrique ». C’est l’un des nombreux enseignements qu’on peut tirer de la conférence animée par Dieudonné Gnammankou. A l’entame de la leçon du jour, la parole est revenue au Professeur Didier N’Da, chef du département d’histoire et d’archéologie de l’UAC de présenter le conférencier. Selon ce dernier, Dieudonné Gnammankou est un enseignant-chercheur qui a fait ses études supérieures en Russie et à Paris. En plus, il est spécialiste de l’histoire de la diaspora africaine, de l’histoire de l’Afrique et de la Russie, Docteur de l’école des hautes études de Paris. Par ailleurs, il a ajouté que le conférencier a contribué à de nombreux travaux à l’UAC et à l’Unesco où il a été le plus jeune chercheur ayant participé à la conférence de l’Unesco sur la route de l’esclavage. Après avoir fait le tour des conditions dans lesquelles il a bénéficié d’une bourse d’Etat afin d’étudier en Russie et les difficultés qu’il a rencontrées dans ses recherches, Dieudonné Gnammankou est entré dans le vif du sujet. Ainsi commence une véritable quête d’informations, selon l’orateur, qui lui a permis de faire des découvertes intéressantes sur deux personnalités de l’histoire de l’empire russe : Abraham Hannibal et Alexandre Pouchkine. D’après Dieudonné Gnammankou, Hanibal est originaire de la région de Logone dans l’actuel Cameroun contrairement à ce qui a été répandu dans l’opinion qu’il est originaire d’Ethiopie. Arrivé dans l’empire russe à l’âge de 8 ans, il a été envoyé par le Tsar en France pour suivre des cours de mathématiques. A son retour dans l’empire russe, il a écrit le premier traité de mathématiques en 1725, conte le communicateur du jour. A cette époque du XVIIIè siècle, rappelle le scientifique, le français était utilisé abondamment par la noblesse russe et était aussi la langue diplomatique dans toute l’Europe. Hannibal a ainsi été Général de l’armée russe, ingénieur militaire et agronome, puis troisième personnalité de l’Empire russe, précise-t-il. Pour conclure cette série sur Abraham Hannibal, le conférencier a ajouté que, dans sa descendance, cet éminent personnage a eu des enfants dont deux sont aussi devenus des généraux dans l’empire russe. Il s’agit d’Ivan Hanibal et Pierre Hannibal. Quant à Pouchkine, Dieudonné Gnammankou a affirmé que ce dernier est le petit-fils d’Abraham Hanibal. Sa particularité est d’être arrivé à retirer aux russes, leur complexe d’infériorité vis-à-vis des autres nations européennes en écrivant le tout premier livre en langue russe au XIXè siècle. Après avoir fait le tour de l’histoire de ces illustres africains qui ont contribué à leur manière au rayonnement de l’empire russe, Dieudonné Gnammankou a martelé que nombreuses sont ces personnalités africaines noires qui ont apporté leur savoir et savoir-faire aux nations européennes longtemps avant la période de l’esclavage. Dans le cas par exemple de certaines régions de la Russie, notamment l’Abkhazie, le communicateur a été incisif dans son argumentation en soulignant que c’est le pharaon Hérodote qui y avait envoyé « une mission de soldats afin de faire barrage aux ennemis de l’Egypte », a-t-il dit pour étayer son argumentation. En finissant son exposé, Dieudonné Gnammankou a démontré à son auditoire que « notre histoire a été manipulée et réécrite puis elle nous a été imposée ». Par cette expression, il a ouvert le bal des exemples, en reconnaissant qu’il y a eu des Papes noirs africains. C’est le cas des Papes Militiade et Victor. Ce dernier est « celui qui a fait du latin la langue de l’Eglise », a renchéri l’orateur. Il en est de même du savant négro-arabe Al Jahiz, qui, au IXè siècle, a écrit son livre « Les titres de gloire des noirs sur les blancs » afin de prévenir « les risques de disparition du patrimoine nègre et de faire face aux préjugés qui commençaient à naître sur les nègres ». A la réponse de savoir « pourquoi cela est encore méconnu », le maître du jour a cité un auteur britannique qui a indiqué que « les traces laissées par les africains ne sont pas invisibles, … les raisons de leur invisibilité doivent être cherchées ailleurs ». En étayant cette observation, le conférencier a reconnu que les politiques manquent pour faire de véritables recherches sur ces sujets et aussi qu’il existe trop de pseudo-savants qui ont tordu le cou à la vérité scientifique. Pour illustrer cette position, il a donné l’exemple d’Agassiz, un pseudo-savant suisse qui a mené des expériences selon lesquelles le cerveau de l’adulte noir africain est équivalent à celui d’un adolescent blanc. L’objectif étant de ne pas reconnaître les capacités intellectuelles du nègre, a rappelé Dieudonné Gnammankou. Un autre exemple assez illustratif qu’il donne est celui du mot «arabe» qui en russe signifie Noir. En effet, le communicateur a justifié que « dans la traduction française, quand il s’agissait d’une perception négative, on donnait à ce mot le sens de Nègre. Mais quand il s’agissait d’une connotation positive qui donne au personnage une certaine noblesse ou une hauteur dans la société, ce terme ‘’arabe’’ était traduit par « Blanc ou à la rigueur arabe ». La séance de question-réponse qui a suivi a permis aux uns et aux autres d’avoir de plus amples éclaircissements sur de nombreux aspects de la communication. Avant de terminer son propos, Dieudonné Gnammankou a estimé qu’il était nécessaire de « décoloniser » l’histoire de l’Afrique et de « dédiaboliser » le négro-africain. Il a en somme, insisté sur le fait qu’ « il est important que nous béninois et autres africains qui vivons sur le continent, sachions qu’on a tendance à nous faire penser que la présence des africains sur le sol européen est liée à ces deux périodes (esclavage et colonisation) donc à partir du XVè siècle. Mais les africains sont en Europe depuis toujours. Ils étaient dans toutes les couches des sociétés européennes. Ils ont joué un rôle important dans le développement politique, économique, militaire, artistique, culturel, intellectuel de l’Europe depuis l’antiquité jusqu’au XXè siècle ». Avant de mettre fin à la séance, après plus de trois heures d’échange, le chef de département d’histoire a indiqué que Dieudonné Gnammankou dispensera des cours dans ledit département à partir de cette année académique à la grande satisfaction des participants qui, a plusieurs reprises, n’ont pas tari d’applaudissements nourris à son endroit accompagnés de vifs remerciements pour ces éclairages historiques.

Adjéi KPONON (Stg)

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