Entretien exclusif avec le ministre Mahougnon Kakpo du MESTFP : « Notre école renaît déjà » - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde
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Entretien exclusif avec le ministre Mahougnon Kakpo du MESTFP : « Notre école renaît déjà »

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Depuis plusieurs années, le système éducatif béninois recherche ses marques. 24De la réforme grosse-tête Dossou-Yovo en passant par les nouveaux programmes d’études, le 1er et le 2ème forum sur l’éducation, le Bénin a expérimenté plusieurs approches et pourtant l’Enseignement technique et professionnel reste un mirage. Environ deux (02) apprenants sur cent (100) s’y inscrivent. Les programmes d’enseignement sont obsolètes, le taux d’abandon reste élevé à la fin du 1er cycle du secondaire général, et les élèves toujours en nombre pléthorique dans les salles de classes. Puis, le gouvernement du Président Talon est arrivé. En quatre (04) ans, qu’est-ce qui a véritablement bougé dans le sous-secteur de l’Enseignement Secondaire Technique et de la Formation Professionnelle ? Pour avoir une échographie actuelle de la situation, votre hebdomadaire Educ’Action, spécialiste de l’éducation au Bénin et en Afrique, reçoit, dans cet entretien exclusif, le ministre des Enseignements secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle, le professeur Mahougnon Kakpo. Sans langue de bois, il fait le tour d’horizon, donnant l’espoir d’un système éducatif béninois de qualité à l’horizon 2030. Lisez plutôt !

Educ’Action : De quel système éducatif avez-vous hérité en 2016?

Mahougnon Kakpo : Il faut préciser que l’école est une institution et que la formation est la construction d’un capital humain, ce capital qui doit être susceptible d’induire le développement de son environnement. Sans donc une formation, qu’elle soit générale ou professionnelle, il n’y a pas de développement. A notre arrivée en 2016, l’état des lieux a montré un constat amer qui renvoie à la démission de tout ce qui est école de la plupart des gouvernements précédents. Je le dis avec gravité parce qu’on a l’impression que tout ce qui a été initié auparavant était presque du saupoudrage. Nous avons retrouvé une situation complètement débraillée, parce que sans aucune vision. Le système éducatif était très peu reluisant. Les infrastructures scolaires insuffisantes et obsolètes. Nous avons eu le génie d’instituer ce que vous connaissez sous la forme de classes volantes, c’est-à-dire que l’insuffisance des salles de classes a fait que certains élèves sont à l’école au moment où d’autres sont à la maison et vice versa. La qualité de l’enseignement dispensé n’est pas celle espérée. Le profil de ceux qui dispensent ces enseignements n’est pas adapté. Les programmes d’études, eux, sont complètement dépassés, la gouvernance scolaire n’est pas du tout efficace. Nous avons constaté surtout dans l’Enseignement et la formation technique et professionnelle que ce sous-secteur de notre système éducatif est complètement inefficace : absence d’équipements et ceux qui existent sont complètement désuets. Ce sous-secteur est peu attractif, inefficace sur les plans interne et externe. Nous avons une quasi-absence de l’implication du secteur privé dans ce sous-secteur.

Vous décrivez-là une hécatombe ! Qu’avez-vous fait pour corriger le tir ?

En réalité, c’est ce que nous sommes venus voir dans notre système éducatif. Aujourd’hui où le monde entier s’accroche à une révolution, la révolution du numérique, nous n’utilisons pas cette découverte dans le système éducatif, alors que le numérique aujourd’hui conduit tout dans tous les secteurs. Lorsque vous êtes un gouvernement responsable et que vous vous installez et vous trouvez l’école dans ces conditions, qu’est-ce que vous faites? Vous vous armez simplement de courage et d’audace. Le courage et l’audace doivent induire votre ambition. Une ambition qui implique forcément une vision et cette vision du gouvernement, c’est de faire de l’école ou de l’éducation un secteur qui puisse servir de levier pour la relance de l’économie nationale, c’est-à-dire un secteur pour transformer la structure économique pour que le Bénin puisse devenir une plateforme de l’excellence des services du savoir. Cette ambition n’est pas en réalité de l’improvisation du gouvernement parce qu’elle est fondée sur des documents d’orientation. Vous savez que les Objectifs du Développement Durable, surtout l’ODD 4 a largement parlé de l’éducation. Ensuite, nous avons adopté un Plan National du Développement suivi du Programme de Croissance pour le Développement Durable. Ces documents ont été conçus sur la base du Programme d’Actions du Gouvernement. Lequel Programme, dans le secteur de l’éducation, a été suivi de la Lettre de Politique éducative qui fonde le Plan Sectoriel de l’Education (PSE), adopté par le gouvernement en 2018. Enfin, le gouvernement a mis en place ce que vous savez : le Conseil National de l’Education (CNE) qui est l’organe d’orientation, de coordination, de suivi-évaluation et de prise de décisions dans le secteur de l’éducation aujourd’hui. Voilà ce qui a été mis en place par le gouvernement lorsqu’il a constaté que le secteur de l’éducation allait mal.

Du diagnostic situationnel que vous venez de faire, quelle a été la thérapie apportée en termes d’actions prioritaires, notamment dans le domaine des infrastructures scolaires ?

Lorsque la vision a été construite de cette façon, il faut aller en même temps aux actions. Au niveau des réalisations sur le plan des infrastructures, le gouvernement a mis en place plusieurs projets. Des projets sur PIP (Programme d’Investissement Public) et des projets avec le financement des PTFs. Le PIP, c’est complètement sur le budget national. Nous avons à ce niveau, le Programme de Réhabilitation et d’Equipement des Infrastructures de l’Enseignement Secondaire Général. Nous avons le Projet de Construction, de Réhabilitation et d’Equipement des Infrastructures de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle. Nous avons ensuite trois autres projets qui s’occupent de la construction des infrastructures. Nous avons le Projet d’Appui à l’Enseignement Secondaire au Bénin, nous avons le Projet Soutien à l’Enseignement Secondaire et nous avons le Projet de Développement de l’Enseignement et de la Formation ainsi que de l’insertion des jeunes. Sur le volet construction de la plupart de ces projets, nous avons pu construire 1004 salles de classes, ce qui fait plus de 50.200 places assises et ce sont des salles de classes qui sont construites et équipées. Ce qui fait que nous avons pu réduire ce que j’ai décrit tout à l’heure comme étant des classes volantes. Actuellement, nous avons en construction environ 680 salles de classes sur le Projet Soutien à l’Enseignement Secondaire dans six (06) départements du pays. Les départements de l’Alibori et du Borgou, les départements du Zou et des Collines et les départements de l’Ouémé et du Plateau. Les autres départements de l’ensemble du territoire ont bénéficié d’autant de constructions d’infrastructures scolaires sur d’autres projets. Ces constructions de salles de classes sont accompagnées de la construction de blocs administratifs pour le personnel administratif de ces différents établissements. Nous avons construit plusieurs ateliers et des blocs de latrines, environ 1500 parce que cela constitue aussi un réel problème dans nos établissements. Parfois, les élèves n’ont même pas où se soulager. Dans le cadre de l’Enseignement et de la Formation technique et professionnelle, nous avons construit et rouvert deux lycées techniques et professionnels. Il s’agit du Lycée Technique et Professionnel de Tchaourou qui était entre temps fermé. Nous avons également ouvert le Lycée Technique et Professionnel de Bopa, qui est un nouveau lycée qui a démarré ses cours et nous avons encore plusieurs chantiers en cours de construction. Nous avons également prévu la construction et la réhabilitation de quatre (04) lycées de référence. Parmi ces lycées de référence, il y a deux (02) qui sont à réhabiliter et à compléter. Il s’agit des Lycées d’Ina et de Kpondéhou à Akpakpa. Mais deux (02) autres lycées d’excellence seront construits. Il y aura un (01) à Sodohomé, dans les environs de Bohicon. La remise de site a déjà eu lieu. De la même façon à Lokossa, il y aura la construction d’un nouveau lycée. En dehors de la construction et de la réhabilitation de ces quatre (04) lycées de référence, nous avons la construction et la réhabilitation de trois (03) autres centres de formation professionnelle et d’apprentissage. Il s’agit du centre de formation professionnelle et d’apprentissage de Dogbo, de Djougou et celui de Kouandé. Tous ces centres de formation professionnelle et d’apprentissage seront donc réhabilités et équipés dans la perspective de ce qui est programmé dans la Stratégie Nationale de Relance de l’Enseignement et de la Formation Technique et Professionnelle. Il faut préciser qu’autour de cet ensemble de constructions d’infrastructures, nous avons fait des forages dans la plupart des établissements. Nous avons clôturé la plupart des établissements, puisque dans les normes de l’organisation des examens, nous avons dit qu’il n’y a pas un centre d’examen qui ne puisse pas être complètement clôturé. Nous avons aussi construit dans certains établissements, surtout ceux de l’Enseignement et de la formation technique et professionnelle, des cuisines parce que cela manquait. Pour les travaux en cours, il faudra compter entre 24 et 36 mois pour achever les constructions.

Achever les constructions est une chose. Mais y mettre des enseignants qualifiés en est une autre. Comment est-ce que le gouvernement apporte une réponse à ce problème ?

En dehors de la construction des infrastructures scolaires, le gouvernement est allé dans l’amélioration de la qualité de l’enseignement. Nous avons revu plusieurs de nos programmes d’enseignement. D’autres ont été complètement rédigés afin d’être mis en phase avec l’évolution des connaissances aujourd’hui, parce que la plupart de ces programmes datent de plus de dix (10) ans. En réalité, après trois (03) ou quatre (04) ans de mise en œuvre d’un programme d’études, vous devez le reprendre, le réviser ou le relire complètement. Mais nous avons fait plus de dix (10) ans sans relire nos programmes. Donc, nous avons fait la révision et la rédaction de l’ensemble de nos programmes d’études. Actuellement, nous sommes sur un chantier très important qui est la révision curriculaire et qui va toucher l’ensemble de nos programmes. Il s’agit de tout ce qui se fait dans l’Enseignement secondaire général, en l’occurrence les neuf (09) matières que nous avons dans l’Enseignement secondaire général. Nous avons également procédé à l’évaluation de l’Approche Par les Compétences (APC). Vous savez que depuis plus d’une décennie, nous exécutons l’Approche Par les Compétences et c’est cette approche par les compétences qui guide l’élaboration des curricula.

Les acteurs de l’école dénoncent les conditions de mise en œuvre de l’APC. Quelle est sa pertinence aujourd’hui ?

Je suis d’accord avec ce que vous dites, mais il faut que je vous prenne aux mots. Vous avez dit, les conditions de mise en œuvre ! Mais vous n’avez pas dit que le programme lui-même est défaillant ! L’APC, lui-même, n’est pas défaillante. Mais nous sommes dans un contexte où pour appliquer cette approche, nos enseignants doivent être d’un certain niveau, les programmes d’études doivent être d’un certain niveau. Les dispositifs ou la disposition des classes doit être à un niveau donné, ce que nous n’avons pas toujours. C’est pour cela qu’actuellement, nous faisons des efforts. C’est pour cela que le gouvernement a initié et vous avez été témoin de cela, l’évaluation des agents contractuels de l’Etat, surtout pour ceux qui ont été reversés agents contractuels de l’Etat en 2008. Nous les avons évalués pour que ceux qui n’auraient pas atteint le seuil minimum, puissent bénéficier à partir des vacances prochaines, d’une formation complète pour être aux normes. Nous avons aussi procédé à la constitution d’une base de données des aspirants à l’enseignement. Ceux qui ont eu des diplômes académiques ou professionnels dans les disciplines qui sont enseignées au secondaire général et qui souhaitent devenir enseignants. Nous les avons évalués et ils sont entrés dans la base et c’est ceux-là que nous avons déployés pour servir dans nos différentes écoles. Ceux-là vont, à partir de l’année prochaine, être récupérés par des agences de terrain parce qu’ils ont été environ 15.875 que nous avons pu déployer cette année dans le cadre d’un contrat avec l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE). L’ANPE n’étant pas en réalité conçue pour faire ce travail, le gouvernement a décidé de placer à partir de l’année prochaine, cette catégorie d’enseignants pour être gérés par des agences de terrain. Ils seront dans des conditions optimales, à peu près ce qui se passe avec les enseignants qui sont agents de l’Etat parce qu’ils auront les mêmes programmes d’études à exécuter, les mêmes congés ainsi de suite.

Les aspirants que vous avez déployés sur le terrain ont montré par endroits de graves insuffisances allant jusqu’à l’incapacité de certains à dispenser les cours dans les collèges. Comment comptez-vous corriger ces lacunes ?

Vous savez que c’est une première expérience dans un contexte où nous sommes en déficit total d’enseignants, et le programme qui a été mis en place à ce niveau a prévu leur renforcement progressif sur le terrain. Ce que nous avons fait avec la Direction de l’Inspection Pédagogique de l’Innovation et de la Qualité (DIPIQ). La DIPIQ est allée sur le terrain plusieurs fois, au moins deux à trois fois, pour former et renforcer les capacités d’enseignement de ces enseignants. C’est vrai que certains directeurs ont déploré la qualité professionnelle de certains de ces aspirants, mais cela a été renforcé au fur et à mesure sur le terrain. Le gouvernement est ainsi en train de régler la question de la précarité de ces enseignants qui, au départ, étaient les communautaires pour ceux qui sont au primaire ou à la maternelle et les vacataires pour ceux qui étaient au niveau du secondaire. Donc, à partir de cette année, ils ont eu un contrat de neuf (09) mois pour certains et moins de 09 mois pour ceux qui n’ont pas vite été pris ; mais à partir de l’année prochaine, ce sera un contrat plus ou moins permanent pour eux à partir du moment où les performances exigées seraient obtenues avec des agences de placement.

La qualité de l’enseignement passe aussi par le corps d’encadrement. Combien d’inspecteurs et de conseillers pédagogiques compte le Bénin ?

Au moment où en 2016, le gouvernement s’installait, nous n’avions que 61 inspecteurs et 499 conseillers pédagogiques pour l’ensemble du territoire national. Ce qui fait que certains départements n’avaient qu’un seul conseiller pédagogique. Alors ce que le gouvernement a fait, c’est de former 250 conseillers pédagogiques et de créer le corps des conseillers pédagogiques. C’est aussi de recruter et de former 70 inspecteurs. Il y a 20 qui ont été formés et mis sur le terrain déjà. Nous avons actuellement à l’Ecole de Formation du Personnel d’Encadrement de l’Education Nationale (EFPEEN) à Porto-Novo, 50 élèves-inspecteurs qui sont en formation que l’Etat a recrutés et va mettre sur le terrain. Nous avons créé le corps d’encadrement de proximité, les inspections pédagogiques déléguées qui sont au niveau des départements parce que, avant, le corps des inspecteurs est centralisé à Cotonou et pour qu’il y ait inspection, il faut qu’ils partent forcément d’ici. Aujourd’hui, nous avons pu mettre à la disposition de chaque département, un inspecteur pédagogique délégué qui a, sous son autorité, des inspecteurs de pool à déployer dans les établissements de la commune ou du département.

La question de la gouvernance scolaire reste une préoccupation majeure pour la performance du système éducatif. Aujourd’hui encore, les acteurs se plaignent de sa politisation. Qu’est-ce que vous en dites?

Vous parlez de la gouvernance scolaire qui semble être politisée de l’avis de certains acteurs rencontrés sur le terrain.Malheureusement ce n’est pas faux. D’abord, qu’est-ce que nous avons constaté ? Nous avons constaté que certains établissements sont gouvernés par des enseignants qui n’ont pas le profil requis. Nous avons par exemple un établissement d’enseignement du second degré, c’est-à-dire qui a le second cycle : seconde en Terminale, mais qui est dirigé par un enseignant de la catégorie A3. Mais voilà que cet établissement est dirigé par un chef d’établissement qui n’est qu’un enseignant adjoint, ce n’est pas normal et cela, il y en a presque partout.

C’est pourtant vous qui nommez les directeurs d’établissements, monsieur le Ministre ?

Oui ! Quand vous dites, ‘‘vous’’, vous parlez ainsi du ministère bien sûr ! Parce que ces positionnements n’étaient pas faits en regardant les critères, malheureusement. C’était trop politisé, et cela rend inefficace le fonctionnement, la gouvernance de nos établissements. Nous avons commencé à corriger cela, c’est-à-dire que celui qui n’a pas le profil ne peut pas diriger l’établissement. Nous avons déchargé ainsi plusieurs dizaines d’enseignants qui étaient dans des positions qui ne correspondaient pas à leurs profils et cela va être davantage renforcé maintenant que le Conseil National de l’Education (CNE) est installé. Désormais, les questions de mutations et de nominations seront soumises à l’avis conforme du CNE. A partir de ce moment, il ne pourra plus y avoir d’influences ou de pressions politiques d’où qu’elles puissent venir.

La gestion des subventions par les chefs d’établissement est une autre épine dans les pieds de l’école. Qu’en dites-vous ?

Au niveau de l’enseignement secondaire, les subventions sont envoyées dans les établissements et sont mises à la disposition des chefs d’établissements. Mais, les chefs d’établissements ont à côté d’eux, des comptables d’établissements. Ce sont eux qui gèrent selon les besoins de l’établissement. Nous sommes dans une réforme approfondie de ce système où dans chaque établissement, nous avons ce que nous appelons la vie scolaire. La vie scolaire, c’est la création d’un environnement propice à l’optimisation des résultats par les acteurs eux-mêmes. Comment régler les problèmes qui se posent à un établissement ? Parce que les problèmes ne sont pas les mêmes d’un établissement à un autre. Ceux qui sont dans un établissement donné doivent chercher les réponses à apporter aux problèmes qui sont les leurs. Ces chefs d’établissements sont déjà formés à cet effet et les équipes de vie scolaire sont déjà installées dans la plupart de nos établissements. Ce qui va les conduire à avoir des projets d’établissement et des contrats de performance pour ces établissements-là.

L’Etat va-t-il vers une professionnalisation de l’administration scolaire ?

En effet ! Nous proposons aujourd’hui et le processus est en cours, la création du corps de l’administration scolaire et nous sommes en train de proposer qu’il n’y ait pas seulement les enseignants qui postulent. Cela passera par un concours et celui qui va réussir à ce concours, suivra une formation dans une école professionnelle. Nous avons l’Ecole de Formation du Personnel d’Encadrement de l’Education Nationale (EFPEEN) qui a aussi pour vocation de former le personnel de l’administration scolaire. Quand nous réussirons la création de ce corps, nous aurons réussi une grande partie de la gouvernance de nos établissements.

Qu’avez-vous pu faire dans le sens de l’intégration du numérique dans les établissements ?

Le numérique est une révolution. Aujourd’hui, le numérique est une discipline transversale de tous les secteurs. Lorsque vous êtes dans la communication, le bâtiment, l’éducation, vous devez être avec le numérique. Le numérique pour l’enseignement, pour gérer les enseignants, les établissements, de même que les programmes d’enseignement. Le gouvernement n’est pas resté en rade par rapport à cela. C’est pour cela qu’il a été décidé, dans la plupart de nos programmes, d’introduire le numérique comme élément de gestion et de pilotage du système éducatif. Par exemple, dans l’Enseignement technique et la formation professionnelle, dans la stratégie qui a été élaborée, nous avons postulé qu’il n’y aura pas de formations sans le numérique. Toutes les formations doivent intégrer le numérique. Dans l’Enseignement secondaire général et dans les établissements, vous avez constaté que dans les douze (12) départements que nous avons, dans un collège de chacun de ces départements, on a construit des classes numériques l’année dernière et ces classes ont été inaugurées. Actuellement, nous sommes dans la création de deux (02) classes numériques dans chacun des douze (12) départements. Ce qui fait que nous avons ainsi une implication totale du numérique dans le système éducatif. Nous avons avec le Ministère du Numérique et de la Digitalisation plusieurs projets. Nous avons mis en place un système informatique de gestion de l’éducation. Cela a appelé la conception, la construction et la mise en place d’une plateforme que nous appelons « Educmaster » qui fonctionne depuis près de deux (2) ans. Aujourd’hui, si j’ouvre sur mon ordinateur, je peux vous dire dans un établissement de la commune de Banikoara, par exemple, quel est l’enseignant qui n’est pas allé dans sa classe.

Le Benin s’est doté, désormais, d’une Stratégie nationale ambitieuse de relance de l’EFTP avec d’ailleurs deux tables rondes (technique et financière) qui ont permis aux partenaires de s’engager à hauteur de 323 milliards de FCFA. Quel est le contenu de cette Stratégie et comment avez-vous pu mobiliser une telle somme ?

Il faut reconnaître que si on a pu réussir cela, c’est grâce à la détermination du Chef de l’Etat. Sans la formation professionnelle, on ne peut pas développer un pays. Dans nos pays aujourd’hui où nous avons une jeunesse très dynamique et importante, si vous ne donnez pas du métier dans la formation à cette jeunesse et si elle ne trouve pas du boulot après, vous avez des problèmes pour gouverner. Vous ne pouvez pas aller au développement souhaité dans ces pays. Donc, cette vision est déjà manifeste dans le Programme d’Actions du Gouvernement à savoir : aller à la réalisation et à l’élaboration de la Stratégie Nationale pour la Relance de la Professionnalisation de l’Enseignement et la Formation Technique et Professionnelle. En juillet, nous sommes allés à une table ronde de la formation technique avec les partenaires techniques qui nous soutiennent dans le sous-secteur pour apprécier le document qui a été élaboré. Ce document a connu des observations que nous avons prises en compte et a été soumis au Conseil des Ministres qui l’a adopté. Ce document étant suivi d’un plan d’actions, a été envoyé pour une autre table ronde pour la recherche de partenariats pour sa mise en œuvre. On recherchait comme budget initial 302 milliards mais à la fin, nous avons pu recueillir des engagements, des intentions de financement allant jusqu’à 323 milliards et tous les PTFs ne se sont pas encore prononcés là-dessus. Ce que postule cette Stratégie de façon générale et principale, c’est qu’il n’y aura plus de formation technique et professionnelle sans l’implication du secteur privé parce que c’est le secteur privé qui sait ce dont il a besoin. Il n’y aura donc plus de formation sans que le marché du travail ne l’autorise. Nous avons également élaboré un projet de loi-cadre pour que l’Assemblée nationale nous permette d’avoir un univers favorable à l’investissement dans ce secteur et que le privé puisse se sentir complètement à l’aise pour pouvoir investir. Donc, c’est une grande révolution. Il n’y aura plus de formation sans le numérique, il n’y aura plus de formation sans la langue anglaise, il n’y aura plus de formation sans l’entreprenariat parce que ceux que nous formons ne vont pas forcément être utilisés par l’Etat, ils ne vont pas forcément être utilisés par d’autres entreprises, eux-mêmes peuvent créer leur entreprise. Si vous ne leur apprenez pas comment ils peuvent auto-entreprendre, vous n’auriez rien fait. Toutes nos formations aujourd’hui, tiennent compte de cela. Mais pour y arriver, il faut que nous puissions former les formateurs. A partir de septembre prochain, nous allons envoyer une première cohorte en formation complète. C’est pourquoi, ce que nous avons fait dans l’Enseignement secondaire général, nous allons le faire également dans l’Enseignement et la formation technique et professionnelle, c’est-à-dire l’évaluation de tous les enseignants qui sont déjà là, identifier leurs besoins en termes de compétences. Aussi, allons-nous créer une base de données des compétences dans laquelle nous allons puiser pour aller dans les différentes formations pour que ceux-là puissent revenir prendre en charge nos apprenants dans le cadre des différentes formations.

Avec cette forte mobilisation autour de l’EFTP, l’Enseignement secondaire général ne risque-t-il pas d’être laissé pour compte ?

C’est une impression que cela pourrait donner parce que nous faisons également beaucoup dans le secondaire général. En réalité, les différents projets que nous avons dans l’Enseignement secondaire général, nous permettent d’aller vers l’élaboration d’une stratégie globale. Nous avons par exemple dans l’Enseignement secondaire général, le modèle de collège. Aujourd’hui quand nous disons collège, c’est un établissement où nous avons le premier cycle et le second cycle, de la 6eme en 3eme et de la 3eme en Tle. C’est ce que nous appelons collège aujourd’hui. Hors, collège en réalité, c’est la 6e en 3e. et le lycée, c’est de la 2nd en Tle. Nous sommes en train d’aller vers le modèle de collège où le premier cycle sera séparé du second cycle parce que nous avons jusque-là dans le Plan Sectoriel de l’Education (PSE post 2015), l’éducation de base qui s’arrête en 3eme. Mais, vous ne pouvez pas être dans cette éducation de base et mettre encore dans le même établissement, le second cycle en même temps. Donc, le modèle de collège est en train de différer. Mais, je peux vous souffler que le gouvernement est en train de penser relever le niveau pour repousser l’éducation de base jusqu’en classe de Tle aujourd’hui. Donc, le modèle de collège qui appelle forcément l’élaboration d’un socle commun de compétences, de connaissances et de culture nécessite la revue de tous les programmes d’études qui existent.

Depuis la nuit des temps, le budget consacré au volet Alphabétisation tutoie difficilement les 1% du budget général de votre sous-secteur. Aujourd’hui, les choses n’ont visiblement pas bougé, M. le Ministre ?

Si depuis trois (03) ans, vous regardez le budget de l’Enseignement secondaire et de la formation technique et professionnelle, vous allez constater qu’il y a une progression de ce budget parce que notre département ministériel s’occupe également de l’alphabétisation. Nous avons constaté que l’alphabétisation était un sous-secteur complètement délaissé. Mais la vision du gouvernement aujourd’hui, c’est de faire de l’alphabétisation fonctionnelle. Ce n’est plus seulement de savoir lire, écrire et parler nos langues nationales. Aujourd’hui, le concept de l’alphabétisation fonctionnelle fait que ceux qui ne sont pas allés à l’école, c’est-à-dire les non scolarisés ou les déscolarisés très tôt peuvent aller dans ce système de l’alphabétisation pour se prendre en charge au niveau de leurs activités économiques. Si tu es par exemple un menuisier, comment vas-tu utiliser l’alphabétisation bilingue ? Soit dans ta langue maternelle, soit en français, ou en matière de gestion de tes activités économiques ou professionnelles.

Existe-t-il alors une politique nationale de l’Alphabétisation ?

Il y avait une stratégie à ce niveau, mais lorsque nous sommes arrivés, nous avons constaté que ce n’est pas du tout fonctionnel et nous avons proposé une politique nationale de l’alphabétisation. Vous savez, pour pouvoir élaborer une politique, ce n’est pas une affaire de deux (02) semaines, c’est tout un processus. Ce que nous avons fait avec le ministère en charge du plan. Ce projet va être soumis bientôt au niveau du gouvernement pour appréciation et validation pour nous permettre d’aller dans le déploiement de cette politique.

En conclusion à cet entretien, parlez-nous des défis et perspectives de votre sous-secteur ?

Le grand défi que nous avons, c’est d’abord de réaliser le plan d’urgence. Le plan d’urgence, c’est ce plan que nous avons déduit de la Stratégie de l’Enseignement et la formation technique et professionnelle. Cette stratégie étant élaborée pour durer cinq (05) ans, il faut que immédiatement nous puissions extraire des éléments importants que nous allons mettre en œuvre immédiatement. Donc, cette année nous sommes dans l’exécution et dans la réalisation du plan. Le grand défi, c’est la réalisation de ce plan d’urgence pour les activités que nous avons programmées. Ensuite, il faut que nous arrivions à mettre en œuvre la stratégie elle-même.Cette stratégie, nous sommes en train de la mettre en place du point de vue institutionnel. D’ailleurs, le cap institutionnel est déjà mis en place parce que déjà adopté par le gouvernement et nous allons mettre en place les éléments, c’est-à-dire les ressources humaines de même que les ressources matérielles et financières pour le déploiement désormais de cette stratégie. Nous avons parlé de l’engagement des Partenaires Techniques et Financiers, mais il faut que nous arrivions à mobiliser ces ressources dans le cadre de cette stratégie. Non seulement, la mobilisation de ces ressources exigent un travail, mais il faut également réaliser les études devant nous permettre d’aller vers la mise en œuvre effective de cette stratégie. Tous ces éléments constituent un défi important que nous devons relever. De la même façon, la réalisation et la mise en œuvre de la stratégie de l’Enseignement secondaire général constitue également un défi important que nous devons relever. Donc voilà les éléments essentiels. Au regard de tout ceci, vous pouvez attester que notre école renaît déjà. Il en sera ainsi parce que chaque jour, nous travaillons davantage pour l’amélioration de la qualité de notre système éducatif.

Réalisation : Serge David ZOUEME et Ulrich Vital AHOTONDJI

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