Entretien avec Agossou Mèssè Sagbo, psychologue clinicien : « La psychologie est en plein essor ! Elle attire beaucoup d’étudiants aujourd’hui » - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Entretien avec Agossou Mèssè Sagbo, psychologue clinicien : « La psychologie est en plein essor ! Elle attire beaucoup d’étudiants aujourd’hui »

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Comprendre l’homme et son monde en vue de l’aider à surmonter ses difficultés. C’est ce qui a motivé Agossou Mèssè Sagbo a embrassé le métier de psychologue clinicien. Dans cette interview, il aborde les contours de l’exercice du métier au Bénin.

Educ’Action : Qu’est-ce qui définit la santé mentale ?

Dr Agossou Mèssè Sagbo : La santé mentale implique d’abord l’absence de souffrance chronique dans la manière de sentir, réagir, penser, agir et de ressentir vis-à-vis de soi-même et ensuite par le fait d’être en accord avec la nature ou l’univers par ses pensées et comportements. Les deux aspects comptent pour définir la santé mentale.

Comment s’organise la profession de psychologue au Bénin ?

La psychologie est en plein essor ! Elle attire beaucoup d’étudiants aujourd’hui et elle est plus connue en ville avec les collègues agissant en libéral. La prise de conscience de l’importance du psychologue est encore insuffisante dans le secteur public. Les milieux ruraux bénéficient des compétences des psychologues grâce aux projets internationaux mais cela reste encore limité à quelques secteurs. Aujourd’hui, la grande volonté des collègues a permis à notre pays de se doter de deux grandes associations à savoir l’Association Béninoise des Psychologues Cliniciens (ABPC) et l’Association des Psychologues Praticiens du Bénin (APPB). Des tendances de spécialisation dans les différents courants s’observent. On retrouve en premier les plus dominants, ceux du courant psychodynamique sans doute freudien, cognitivo-comportementaliste, systémique, positiviste et analytique dont je fais partie. Au début, les collègues, surtout cliniciens, travaillent dans les cliniques de la médecine générale. Mais, de plus en plus, les cabinets se créent parmi lesquels notre cabinet fait partie des premiers légalement enregistrés. Le psychologue a souvent une forte personnalité. On pense qu’il est profond et sait pénétrer dans les secrets du moi. Il sonde les sentiments et les pensées, comme le chirurgien qui pénètre dans nos viscères pour nous soulager de la souffrance.

Quels sont les symptômes d’un mal-être psychique ou encore des souffrances mentales traversant les personnes qui vous consultent ?

Cette question renvoie à toute la nomenclature de la psychopathologie, de la psychologie et à la vie de mes patients. En règle générale, il y a mal-être psychique dans les cas suivants : lorsque le sujet ne reconnaît pas son identité et perd le contact avec la réalité, lorsqu’une personne a des figements dans ses humeurs et son adaptation aux situations dans lesquelles elle se trouve, lorsque le sujet ressent en lui de manière consciente des phénomènes indésirables en rupture avec l’idée qu’il se fait de lui-même, lorsqu’un sujet observe des changements du mode de pensée, de l’humeur ou du comportement associés à une détresse ou/et à une altération des fonctions mentales. Pour être encore plus simple, lorsque quelqu’un sent qu’il souffre en lui-même et/ou fait souffrir son entourage, alors il y a mal-être psychique. Nous recevons des patients qui se retrouvent dans tous ces cas énumérés ci-dessus.

Quand faut-il impérativement consulter un psychologue et quand vaut-il mieux résoudre le problème sans passer par le cabinet du psychologue ?

Chaque client a un seuil de tolérance pour supporter une maladie, une souffrance. Dès qu’il est atteint, il se trouve en danger et demande de l’aide. Parfois, le client sous-estime la dégradation de sa santé. L’entourage découvre et mesure la gravité, pour l’emmener au soin.

Combien de temps dure une thérapie en moyenne ?

Il n’y a pas une durée standard applicable à tous. Chaque courant et thérapie de sa durée. Pour ma part, mon courant me permet, selon les cas, une thérapie moyenne d’un mois et demi.

Comment s’organise le suivi de vos patients ?

Il comporte deux phases. La phase thérapeutique où pendant le soin psychologique, un suivi rigoureux permet de s’assurer que le patient connaît des améliorations ou pas, comment il se sent, s’il est conscient de son changement, si des facteurs externes ou internes pourraient l’empêcher de terminer ce qu’il a commencé. Dans cette phase, le psychologue, le thérapeute doit aussi s’auto-évaluer pour voir s’il n’y a pas lieu de référer le patient, réajuster son plan thérapeutique pour éviter l’échec, d’anticiper sur les impasses et toute forme de tentative de renoncement à la thérapie qu’il suit. Ce travail s’effectue aussitôt que les soins psychologiques sont administrés. Ensuite, la phase post-thérapeutique est engagée si le patient donne son accord à la fin du processus thérapeutique pour apprécier le nouvel état de santé du patient, comment il s’adapte et s’épanouit.

Y a-t-il nécessairement un divan où le patient est invité à s’allonger durant la consultation ou alors est-ce un face à face ?

Selon le type de psychologue que vous êtes, vous avez un lieu spécifique de travail. Par exemple, un psychologue scolaire exerce dans une école. Celui du travail est dans une entreprise. Le psychologue clinicien a plus de champs d’intervention que les autres et plus de facilités à créer son cadre de travail. Ce qui fait qu’il peut exercer partout. Cependant, tous les psychologues peuvent avoir un cabinet de consultation. Quant à la nécessité d’avoir un divan pour le patient ou lui demander de s’asseoir face à face, c’est son courant et son type de thérapie qui la définissent. Le psychologue jungien ou analyste que je suis doit disposer le patient en face dans un angle de 45° alors que mon collègue freudien pour sa cure disposera le patient sur un divan et s’assiéra derrière lui.

Le psychologue va-t-il créer une atmosphère particulière dans son cabinet de travail ou alors préférer une parfaite neutralité ?

Une atmosphère particulière tout comme neutralité parfaite sont deux principes qui lui sont recommandés dans son travail. Il s’agit seulement de deux parmi tant d’autres.

Un psychologue reconnu peut échouer là où une autre personne apparemment moins expérimentée réussira. Comment l’expliquer ?

Le grand risque du psychologue expérimenté face à un patient, c’est de faire un rapprochement entre le cas du client actuel et celui d’un ancien. Ce faisant ,il appliquera au nouveau les mêmes solutions qu’avec l’ancien patient. Il accroît alors les possibilités d’échouer. Aussi, est-il recommandé de toujours considérer chaque nouveau sujet comme unique en son genre, non identique aux autres, porteur d’une histoire toujours plus différente, jamais connue auparavant. Cela réduit énormément le pourcentage d’échec.

Y a-t-il des urgences en psychologie comme en médecine ?

Oui ! Je suis parfois obligé de consulter un dimanche ou un jour où je ne devrais pas consulter. Je me déplace même en urgence pour aller consulter à Porto-Novo dans une clinique alors que je ne devrais pas y aller. Parfois, je me rends à domicile sur un appel urgent.

Dans quels grands secteurs de la société humaine la psychologie peut-elle vraiment aider les gens à mieux vivre ?

Je pense à la politique et au secteur de la relation affective.

Propos recueillis par Laurent LADOUCE

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