Beaucoup de ceux qui ont eu l’amabilité de me lire, s’étonnent que jusqu’ici, je n’évoque pas encore l’impact de la situation de crise dans laquelle nous sommes sur l’éducation. Il faut avouer qu’à travers plusieurs forums, je cherchais à englober les différents aspects qui nous interpellent, tant j’ai l’impression que nous nous retrouvons devant une situation structurellement plus complexe que prévue et dont nous ne mesurons pas encore les repères et aussi les spécificités qui interpellent nos pays africains.
En ce moment, j’ai tellement lu et écouté sur les conséquences économiques, sanitaires et humaines et ce que je retiens surtout, c’est avant tout la pro-activité intellectuelle de l’intelligentsia occidentale qui globalement brosse une situation quasi alarmiste de la mondialisation post-Covid-19 où, curieusement l’Afrique se trouve encore et toujours la bien moins lotie.
On a l’impression que ce qui dérange, c’est que, comme le VIH ou Ebola ou tout simplement les différentes misères, ce n’est pas en Afrique que cela a commencé ; mieux, on espère que la réalité africaine qu’on décrit déjà à cor et à cri, sera nécessairement plus dévastatrice que celle des pays à économies florissantes et à structures de santé efficaces. C’est pourquoi, dès l’instant, des institutions et des pays cherchent à nous reprendre en main dans un contexte où ils ne représentent plus, eux-mêmes, humainement grand chose.
En même temps, notre mentalité d’éternel assisté ne nous sert pas. Pendant que nos amis d’en face, que nous avions aidé à faire les innombrables guerres comme 14-18 ; 39-45 et autres perdent pied et décrètent des états d’urgence, on se complait à citer les différents dons dans les pays africains sans pour autant nous dire ce à quoi ils servent pour construire le futur qui ne s’arrête pas du tout à l’achat des masques et de médicaments. En réalité, quelles que soient les dispositions qu’on prendra face à la situation, il y aura des critiques. C’est pourquoi il faudrait saluer les mesures qui sont prises tout en attirant l’attention sur le problème dans sa globalité.
Lorsqu’on se réfère à l’indicatif 00229, il est heureux qu’on n’ait pas décrété de confinement pur et dur et que le Ministre en charge de l’Enseignement Supérieur ait mis sur pied un comité scientifique. En même temps, on ne perçoit pas encore assez une réponse globale, claire et efficace au regard des différents problèmes dont certains sont tellement simples et évidents qu’on se perd en conjectures. Lorsqu’on reste seulement au niveau de l’éducation, on recommencera l’école en mai mais alors qui paiera le salaire des enseignants du privé ? On souhaite faire des cours par medias ; mais alors comment procéder dans des zones sans électricité avec des élèves éparses ? Si on les réunit pour écouter une émission qui va les aider à suivre et à comprendre, seront-ils avec des masques et qui va leur donner à manger ? Les cours du 11 mai reprendront-ils avec des élèves masqués dans des classes surpeuplés ? Je vous assure que ce ne sont même pas les questions essentielles dans un réel contexte d’évaporation et de déconstruction des savoirs autant au niveau des élèves que des maîtres ! Le pire encore dans nos sociétés, ce sont les objecteurs de conscience que sont les syndicats, les partis politiques d’opposition et autres sociétés civiles qui ont disparu de fait. Ils devraient aider en ce moment à construire par des contributions rationnelles et applicables.
Ce qui nous interpelle en ce moment, ce n’est pas seulement la question éducative, mais la réponse globale attentive et non attentiste à la pandémie dont les ravages seront d’abord et avant tout différents de ce qui se produit actuellement en Occident. Nous aurons faim et soif ; nos lendemains seront encore plus précaires ; nous devrions prendre des dispositions rapides et hardies en termes d’économie, de santé, de vie sociale, etc. Mais quelle est alors la réelle capacité de résilience de nos pays qui doivent éviter qu’on nous dicte encore ce que nous devions faire, alors que toutes les voix critiques se terrent (repues comme la plupart des syndicalistes) ou se taisent (pour ne pas aider l’administration qui est là). Il se pose alors l’équation difficile de la vie, de nos vies face à la liberté publique. Nous oublions que c’est le moment de taire les petites querelles et faire cause commune et le plus fantastique, c’est ce confinement physique, social et moral que ceux qui en ont les moyens s’imposent, alors que la finalité est de restaurer le collectif, c’est-à-dire la vie en société.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe