Un nouveau vent à la fois très fort et très frais souffle dans notre pays : En effet, la plupart des spécialistes et acteurs de l’éducation sont maintenant convaincus que notre école a besoin d’une révision en profondeur des curricula. Depuis quelques temps, toute la communauté éducative en parle et est consciente de l’importance et de la difficulté de l’enjeu. Alors la question principale est celle-ci : comment s’y prendre et quels sont les préalables !
La réponse à cette question nous amène à une décision violente et salutaire : la coupure d’un cordon ombilical qui nous relie à des liens coloniaux qui perdurent. Le bébé que nous sommes, nourri à un biberon qui nous semble salutaire, a de la difficulté à quitter le cocon où tout nous est servi sans beaucoup d’effort. L’Etat providence est là pour recruter les fonctionnaires et l’aide au développement multiforme nous assiste et nous oriente à son gré. En même temps, nous nous rendons compte que cela ne peut plus continuer : nous devenons trop nombreux et de plus en plus conscients que cela ne suffit plus.
Lorsque nous examinons l’histoire de l’école, nous pouvons identifier un certain nombre d’étapes essentiels qui sont autant de repères qui ont été nécessaires mais qu’il s’agit de dépasser au regard de la nécessité de s’autodéterminer et de s’intégrer dans le concert des nations.
Le premier repère est celui de l’école coloniale qui consistait à apprendre à assimiler la langue du colonisateur et à le servir. Paradoxalement, cette formation était encore plus dure, plus rigoureuse que celle de la métropole ; ce qui a contribué à former une élite qualifiée mais qui est restée le plus souvent dans la servitude. Elle aidera plus tard à aller aux soi-disant indépendances.
Le deuxième repère est celui de l’école après la colonisation. Celle-ci au départ, était mal structurée avec une réelle difficulté à se centraliser et se systématiser. Les années 1990 avec le projet de l’Education Pour Tous initié à Jomtien (Thaïlande) et renforcé à Dakar en 2000, a véritablement fondé une éducation mieux structurée et systématisée qui a donné une ouverture internationale salvatrice pour nos pays. Plusieurs autres entreprises de développement comme les OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement) ou encore les ODD (Objectifs de Développement Durable) ont ancré nos sociétés et notamment nos écoles dans le concert des nations. Nous avions véritablement évolué et avions commencé à atteindre une masse critique de cadres de qualité et de capacité d’impulser des dynamiques positives.
Mais quelques goulots d’étranglement sont venus développer une pesanteur certaine au niveau de tout le processus de développement. On se retrouve dans une situation où l’école et globalement toute l’éducation ne répond plus à nos aspirations au regard de nos besoins. Nous ne consommons pas mais nous sommes consommés à travers une mondialisation où nous n’avions ni place, ni voix. Notre passivité et notre incapacité à réagir pour guider les différents processus de développement de nos pays, a fait naître des solutions qui ne sont pas à notre avantage. Par exemple les « Accords de Paris » nous ont proposé d’être dans la place du conducteur pour diriger l’aide, mais nous n’avions pas pu : la vue des PTF nous paralyse et nous terrorise pour une poignée d’euros ! De l’autre côté, nous sommes rentrés dans une logique de planification lourde et difficile de type soviétique qui est réservée à quelques initiés, sans oublier des curricula cloisonnés selon les sous-secteurs et les financements extérieurs. Mieux ou pire, aucun document de nos pays ne pouvait avoir d’existence et de blanc-seing s’il n’a été conduit par un consultant international. On assiste alors consciemment ou inconsciemment à la répétition des mêmes idées et de mêmes initiatives dans toute l’Afrique au sud du Sahara. Et surtout les mêmes aides insuffisantes pour nos pays très riches mais que l’orientation éducative paresseuse, pernicieuse et laissée aux mains étrangères, forme des cadres incompétents. Ce n’est pas la faute de donneurs d’aide qui sont obligés de faire avec des élites paresseuses et avides. La nature a horreur du vide et il ne faudrait pas s’étonner que l’Ukraine engrange en quelques mois, des milliards de dollars tandis que nous peinons à mobiliser quelques centaines face à une pauvreté et à une déshumanisation grandissantes.
Les préalables seront difficiles et consisteront à réécrire notre histoire, à revoir notre géographie et tout ce qui est lié à notre agriculture. Il s’agira d’apprendre à nos enfants en qualité et non en quantité. La nouvelle école aura pour but de nous faire connaître nos potentialités, de nous rapprocher de nos parents cultivateur et artisan et ensemble de construire le pays. C’est dans ce sens que le Bénin voudrait promouvoir l’ETFP mais serait-ce suffisant si on ne révise pas fondamentalement l’approche même de l’enseignement et son contenu ?
Nous reviendrons sur les étapes du mécanisme, mais il appartiendra aux décideurs de marquer la volonté politique !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe