Enfant pauvre du sous-secteur du Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle (MESTFP), l’alphabétisation attend ses beaux jours. Cependant, des actions disparates sont menées par les acteurs impliqués dans ce sous-secteur pour son amélioration. Seulement, des difficultés persistent, sapant ainsi les résultats tant souhaités. Dans ce troisième numéro lié à la thématique, le spécialiste des questions éducatives, Educ’Action, met le curseur sur les difficultés rencontrées par les acteurs de l’alphabétisation au Bénin.
L’hostilité et la mobilité des parents sont les principaux défis à relever pour un Bénin plus alphabétisé, pense l’ONG Assovie. A travers sa chargée du secteur Education de base, Charlotte Bah-Kpèvi, cette ONG estime que l’hostilité des parents n’avantage en rien l’alphabétisation des enfants. Car, fait-elle savoir, si l’environnement de l’enfant ne facilite pas l’insertion dans les programmes d’alphabétisation, rien ne peut être fait malgré la volonté de l’enfant. « L’enfant peut désirer se faire alphabétiser, si les autres ne l’accompagnent pas, si le milieu dans lequel il vit, si ses parents ne le soutiennent pas, le travail ne peut pas aboutir », a-t-elle fait observer pointant ainsi du doigt l’opposition des parents à ces types de programme. L’autre problème qui semble propre à Assovie dans le bon fonctionnement de ce secteur, c’est la mobilité. Et pour cause : « L’enfant n’est pas toujours stable. Ce sont des enfants placés pour la plupart du temps. Ce sont parfois même des enfants qui sont chez leurs propres parents mais qui vivent dans des conditions très difficiles. Les parents sont appelés à se déplacer à tout moment. Donc si l’enfant doit se déplacer, s’il n’est pas régulier aux cours, il peut abandonner d’un moment à un autre et c’est ce qui se passe régulièrement dans les marchés », a relaté Assovie par le biais de Charlotte, pour montrer que ces conditions ne favorisent pas la concrétisation des notions reçues par l’enfant. Elle n’a pas occulté la reconstruction des marchés enclenchée par le gouvernement et qui nécessite la cessation de leurs activités d’éducation.
Volonté de l’État et ressources financières : des problèmes fondamentaux
« La première difficulté est que nous n’avons pas la volonté manifeste de l’Etat que nous recherchons ». C’est sous ces mots que Franck Arnauld Sèdjro, secrétaire exécutif du Réseau National des Opérateurs privés pour la Promotion des Langues Nationales (RéNOPAL), plante le décor des défis du secteur de l’alphabétisation. Pour le coordonnateur de la faîtière des organisations impliquées dans l’alphabétisation au Bénin, les gouvernants n’en font pas encore la priorité qu’il faut. « Pour nous, estime-t-il, l’alphabétisation est essentielle et transversale à toutes les actions qu’on peut mener pour le développement d’un pays ».
Au moment où de nombreux secteurs de la vie socio-économique du Bénin poussent un ouf de soulagement au vu de l’allocation des diverses ressources nationales, l’Alphabétisation peine à sortir sa tête de l’eau pour l’exécution des projets et programmes qui lui sont propres. « Le problème fondamental du sous-secteur de l’alphabétisation, c’est la question de moyens. Voilà un sous-secteur qui, normalement, a à sa charge autour de 61,2% de la population, mais ne dispose pas de 3% du budget national pour l’enseignement qui devrait lui être destiné », informe Charles Maximin Codjia, directeur de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales. C’est le même son de cloche chez Aimé Agbomahenan, enseignant et consultant en alphabétisation fonctionnelle : « Le faible budget alloué au sous-secteur ne permet pas d’impacter un grand nombre de béninois. »
Quantité et qualité du personnel, des outils pédagogiques et des infrastructures : une équation difficile
Après les ressources financières, il se pose aussi un problème de qualité et de quantité des ressources humaines affectées au sous-secteur, tant par l’État central que par les organisations de la société civile. « L’autre problème aussi est celui de cadres.Il est vrai que nous avons un personnel assez important aujourd’hui. Mais ce personnel n’est pas toujours outillé pour faire le travail. Donc, il y a un problème de formation des cadres », indique le directeur de l’APLN. En plus des cadres et techniciens positionnés à un niveau de décision, des difficultés de qualité des ressources humaines sont aussi rencontrées à la base. Il s’agit des enseignants du domaine, désignés sous le vocable de ‘‘maître et maîtresses alphabétiseurs’’. « La qualité des maîtres alphabétiseurs doit être revue, car, la plupart n’ont pas le niveau requis pour exécuter le programme d’alphabétisation de façon correcte. En effet, le programme actuel exige un niveau de culture générale assez élevé », soutien l’enseignant et consultant en alphabétisation.
Du point de vue des infrastructures, il n’en existe pas assez pour accueillir les apprenants et dispenser les cours, reconnaissent tous les acteurs. C’est ce que souligne Aimé Agbomahenan en pointant du doigt l’inexistence ou la rareté de centres d’alphabétisation construits en matériaux définitifs, les conditions de vie et de travail dérisoires des acteurs de l’alphabétisation, … Pour ce qui est des manuels scolaires, la plupart des ouvrages datent de 2012. Sur ce plan, le directeur de l’APLN indique que « les ouvrages existent mais pas en nombre suffisant pour que réellement, nous puissions accomplir notre mission ». Etat et OSC ne sont pas les seules concernées par ces difficultés les enfants à alphabétiser, sont aussi pointés du doigt. Educ’Action revient dans la prochaine parution pour allumer les projecteurs sur les actions et les plaidoyers dans ce sous-secteur.
Budget alloué au secteur de l’alphabétisation de 1997 à 2020 (sauf pour l’année 2008)
Réalisation : La Rédaction