L’agrégation de philosophie contribuant à stériliser l’audace intellectuelle et donner à cette discipline un caractère poussiéreux, le concours ne doit pas rester la voie unique d’accès au professorat, plaide, dans une tribune au « Monde » Nil Hours, docteur en philosophie..
Tribune Titulaire d’un doctorat de philosophie, mais ayant échoué à l’agrégation, j’ai croisé, lors de la rédaction de ma thèse, d’autres docteurs. Ils portaient sur la philosophie un regard personnel et la pratiquaient sans souci de la rhétorique scolaire, méfiant envers les usages académiques protocolaires, mais avec une exigence d’autant plus authentique qu’elle ne leur était imposée que par eux-mêmes.
Certains d’entre eux sont devenus « quelque chose », comme aurait pu dire Emmanuel Macron, mais beaucoup se contentent de contrats précaires, ne sont jamais titularisés, et d’autres renoncent purement et simplement. Ce n’est pas nécessairement un malheur pour eux, mais c’en est un pour l’éducation nationale, qui creuse ainsi sa propre tombe. Devenu très poussiéreux, l’enseignement de la philosophie risque de le rester.
Ce qui leur manque ? La réussite aux concours. Critiquer des concours qu’on n’a pas réussis est certes toujours suspect. Mais d’un autre côté, mieux vaut les avoir passés pour les critiquer. Et je les aurais critiqués plus vivement encore si je les avais eus, avant peut-être que l’esprit de corporatisme ne triomphe de mon esprit critique, comme c’est le cas semble-t-il de beaucoup d’agrégés.
Une perte de substance
Qu’on en juge par les rapports de jury poussifs et laborieux qu’ils commettent annuellement pour justifier les voies tarabiscotées censées justifier leurs choix et surtout éclairer les impétrants, qui de toute façon n’auront une véritable chance d’être sélectionnés que s’ils sont passés par les grands lycées parisiens, les classes préparatoires et l’Ecole normale supérieure.
Il est saisissant, quand on observe la publication des admissibles à l’agrégation, de constater qu’il y a eu cette année un seul admissible pour toute l’académie de Marseille, une seule pour toute l’académie de Rennes, en comparaison d’une quasi centaine pour l’Académie de Paris. Quant aux épreuves elles-mêmes, elles exigent de faire semblant de réfléchir et de faire semblant de connaître les auteurs – mais de le faire avec les manières.
Source : lemonde.fr