Pour donner le « bon à déposer » aux mémoires de Licence, de Maîtrise, du Master ou la thèse, certains encadreurs abusent des étudiantes en exigeant d’elles des faveurs sexuelles.
A l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), certaines étudiantes doivent offrir un droit de cuissage pour pouvoir soutenir leurs mémoires de fin de formation. Prisca Agbanla est étudiante en fin de formation dans l’un des établissements de renom de l’Université d’Abomey-Calavi. Elle a résisté aux avances tenaces de l’encadrant qui a suivi ses travaux de recherches jusqu’à la phase de la rédaction de son mémoire. Elle a, par ailleurs, tenu bon face aux demandes d’argent du même encadrant qui prétend agir pour le compte du professeur qui devrait diriger les travaux de l’étudiante. Puis vint le moment où elle doit requérir le « bon à déposer », le précieux sésame pour le dépôt du mémoire et la programmation de la soutenance. En réponse à la résistance de l’étudiante, l’encadrant lui offre une alternative : céder à ses avances ou payer une rançon. Sinon, l’encadrant lui interdit désormais tout contact.
L’étudiante opte pour le paiement de la rançon, espérant être au bout de ses peines. En représailles à sa résistance, la soutenance fut une séance d’humiliation : « L’encadrant qui a pourtant suivi et validé le mémoire n’a pas raté l’occasion de déverser une bordée d’injures contre moi », se souvient l’étudiante, les yeux larmoyants. Pour sa soutenance, elle s’en sort avec une note de 12/20 (Mention assez-bien). Les tribulations de cette étudiante ne constituent pas malheureusement un cas isolé. Cette injustice a trouvé un étonnant ancrage sur le haut lieu du savoir tenu par des éducateurs. Seul hic : dénoncer la pratique, c’est signer son départ de l’UAC.
Le mal se développe donc à l’ombre de la loi du silence. Fort heureusement, certains éducateurs commencent à dénoncer l’immoralité : «Sans trahir aucun secret, il faut reconnaître qu’il y a eu des cas où des étudiantes ont témoigné avoir été invitées à aller faire des corrections de mémoires dans des chambres d’hôtels. Il reste tout de même difficile de réunir des preuves », atteste, prudent, Wenceslas Mahoussi, enseignant et directeur adjoint de l’Ecole Nationale des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (ENSTIC – UAC).
Affaire Houndeffo, un dossier criminel devant la justice
Pr Djimon Marcel Zannou, 1er vice-recteur en charge des affaires académiques de l’UAC et Josué Azandégbé, directeur adjoint de cabinet du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique clament en chœur que la balle est dans le camp des étudiantes : « Aux étudiantes d’avoir le courage de dénoncer ces abus comme la loi leur en donne le droit », recommandent-ils.
De toute façon, le secret longtemps gardé a fini par être dans la rue en août 2019 à travers le dossier dit « Affaire Houndéffo », du patronyme du chef du département d’Espagnol à la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Communication (FLLAC) de l’Université d’Abomey-Calavi. Ayant reçu l’information selon laquelle un trafic de notes contre des faveurs sexuelles s’opèrent à l’Université, Gilbert Togbonon, procureur spécial de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), s’est autosaisi de l’affaire. De filature en filature, le professeur mis en cause a été piégé par son étudiante et s’est fait arrêter en flagrant délit dans une chambre d’hôtel alors qu’il était déjà nu et devait passer à l’acte. Il a dû passer à l’aveu. Il a été ensuite déféré en prison en attendant son jugement, non pas pour des raisons liées aux mœurs, mais pour fraude sur les notes et prévarication, infractions punies par la loi relative à la lutte contre la corruption au Bénin. Et pourtant, quatre mois avant ce scandale, Pr Maxime da Cruz, recteur de l’UAC a tapé du poing sur la table à partir des plaintes qui lui parvenaient avec insistance. Par une note en date du 26 avril 2019, il a, en son temps, regretté que « certains enseignants occupant les bureaux de la ‘’Doctrine’’ y passent la nuit, transformant parfois lesdits bureaux en auberge ». Puis il enjoint aux collègues concernés « de mettre fin à cette pratique qui n’honore pas le corps enseignant ».
La machine judiciaire mise en branle ne compte pas s’arrêter de si tôt et les accusés risquent gros, car les faits qui leur sont reprochés relèvent de la catégorie des infractions criminelles. Les peines encourues varient de 5ans à la réclusion ou à la perpétuité. Sans oublier les autres peines pouvant entraîner pour les condamnés, l’interdiction d’être candidats à des élections ou la privation du droit de vote, conformément à l’article 38 du Code pénal. Par ailleurs, les enseignants qui commettent des abus de ce genre s’exposent aux rigueurs de la Loi du 9 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes.
Romuald D. LOGBO