Disparition d’un enfant : Ce qu’il faut savoir pour sa réinsertion familiale - Journal Educ'Action

Disparition d’un enfant : Ce qu’il faut savoir pour sa réinsertion familiale

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L’enfant, être sensible et candide, disparaît du domicile familial pour diverses raisons. Sa réinsertion en famille, suivant son intérêt supérieur, est tributaire d’un travail collégial de différents acteurs de la protection de l’enfant.

« Approximativement, chaque semaine, nous recevons en moyenne 4 à 5 enfants retrouvés. Souvent, c’est soit par le biais des relais communautaires, des chefs de quartiers ou carrément des enfants qui nous sont mis à disposition par le commissariat du 5e arrondissement ». Ces propos de Fifamè Ella Kossouoh, cheffe du Centre de Promotion Sociale (CPS) de Xwlacodji relancent le débat sur la récurrence de disparition de l’enfant. En effet, il est fréquent d’apprendre par voie de presse ou de lire sur les réseaux sociaux la perte d’un enfant dont les parents s’investissent à retrouver. Du moins, la disparition d’un enfant est devenue un fait ordinaire au point où, à l’approche des fêtes de fin d’année, les parents sont aux aguets pour ne pas courir dans tous les sens à la recherche d’un de leur enfant disparu. Ces disparitions d’enfants ne s’observent pas seulement à l’approche des fêtes de fin d’année. « Il y a certaines périodes, au cours desquelles, on remarque que la disparition d’enfants prend de l’ampleur. Ce sont surtout pendant les vacances, les congés, à l’approche des fêtes. A ces périodes, les parents ne maîtrisent pas forcément ce que font leurs enfants », rappelle Fifamè Ella Kossouoh, assistante sociale de profession. Selon le constat fait sur le terrain, des enfants, par effet de bande, fuient la maison.
Plusieurs fois en contact avec des enfants retrouvés, un officier de police judiciaire, qui a requis l’anonymat, indique :« L’enfant se rebelle contre l’autorité parentale et quitte la maison lorsqu’il est victime de maltraitance, lorsqu’il a eu un mauvais résultat en classe ou lorsqu’il a eu une mauvaise conduite. » D’autres enfants, par contre, compte tenu du changement de lieu, ne maîtrisent pas, pourtant accompagnés, le chemin de la maison. « Les enfants venus du village et distraits par tout ce qu’il y a dans la ville, ne suivent pas finalement celui avec qui ils sont en train de cheminer. Du coup, ils se trompent rapidement de chemin », a affirmé la cheffe du CPS de Xwlacodji. Ronie Anago, expert en protection et genre rappelle, pour sa part, des questions quotidiennes des parents affectés par la disparition de leurs enfants. « La disparition peut être du propre chef de l’enfant ou d’un tiers. Lorsqu’un enfant disparaît de son cadre de vie habituel on se demande où il est ? Dans quelle condition se trouve-t-il ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi a-t-il disparu ? », s’interroge-t-il se mettant dans la peau d’un parent abattu par la disparution de son enfant. « Mon garçon a quitté la maison à cause des mauvais traitements de mon mari. Son père est mort depuis sa tendre enfance », s’est rappelée toute triste dame Françoise (prénom d’emprunt). Ainsi, la réinsertion familiale d’un enfant disparu répond à un processus impliquant divers acteurs de la protection de l’enfant.

Le processus et la synergie d’actions

L’enfant, dans un cadre inhabituel de vie, n’est pas à l’aise. Mieux, il n’a pas envie de s’exprimer et est intimidé en raison de la différence du lieu. Ceci, quand il est au commissariat de police. « Devant une situation de disparition d’un enfant, l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) enregistre la déclaration de disparition de l’enfant avec toutes les informations sur l’enfant et les circonstances de sa disparition », fait savoir le policier républicain pour renseigner sur la première démarche. « Quand l’enfant vient, il faut la mise en confiance. Elle se fait dans la salle d’écoute du service de protection de l’enfant. C’est une salle joliment décorée qui met à l’aise l’enfant. Les visages que l’enfant voit ont l’air bienveillant. Ce qui l’aide à s’exprimer », fait savoir Fifamè Ella Kossouoh, montrant ainsi le réflexe que doit avoir une assistante sociale dans le cas d’espèce. « Selon les cas et les circonstances de disparition de l’enfant, s’il vit avec ses parents, l’OPJ entretient les parents sur le mobile de la disparition et, au besoin, implique le CPS du lieu de résidence de l’enfant », a laissé entendre l’officier de police. La cheffe CPS ne trouve pas propice d’affronter les parents de l’enfant. Elle s’explique : « la première des choses, ce n’est pas de savoir où sont ses parents. Mais c’est de savoir pourquoi il est dans la rue ou pourquoi il n’est pas chez lui ?». Certains enfants fuient la maison refusant de se prêter aux questions lors de la conversation avec les acteurs de la protection. Ronie Anago, expert en protection et genre revient sur l’importance de la discussion pour faire asseoir un climat de confiance. « Si après enquête on le retrouve, il est important de discuter avec lui avec l’aide de professionnels pour comprendre ses aspirations et identifier ses besoins afin de faire un plan d’action individualisé. Ce plan prendra en compte l’environnement de l’enfant pour le rendre plus sûr et éviter une nouvelle disparition », affirme-t-il. Cependant, les efforts de mise en confiance buttent parfois sur la peur démesurée de l’enfant en raison de la situation vécue auparavant. « Le fait de dire à l’enfant que nous voulons qu’il nous donne des informations sur ses parents afin qu’ils viennent le chercher, bloque le processus. L’enfant peut avoir des informations et pour éviter qu’on le retrouve, change de nom », a mentionné Fifamè Ella Kossouoh spécialiste en santé communautaire, avant de souligner que la mise en confiance et la conversation permettent d’avoir des informations tangibles. « Si l’enfant était sous tutelle, et que ses parents sont vivants, les parents géniteurs sont invités. Si l’enfant était placé, il est orienté vers un Centre d’Accueil et de Protection d’Enfants (CAPE) qui assure sa réintégration et réinsertion sociale », va dire l’homme en uniforme.

Les enquêtes dans le milieu de l’enfant

Durant les enquêtes en vue de la réintégration familiale de l’enfant, la prise de contact avec les parents, des voisins se fait néanmoins pour confronter les versions des faits. « Nous faisons des enquêtes pour voir si vraiment le milieu familial est sécurisé pour l’enfant. Nous pouvons procéder à sa réintégration familiale tout en prenant le soin de constituer un dossier pour cet enfant au CPS », dira un autre chef de CPS qui n’a pas voulu décliner son identité. « C’est l’occasion pour dire aux tuteurs qui accueillent les enfants chez eux, qu’ils doivent toujours avoir les informations sur l’enfant, ses parents et son lieu de provenance pour faciliter son retour en famille », insiste le policier républicain après des constats faits lors de ses enquêtes sur des problématique de cette nature. A la question de savoir s’il faut simplement retourner l’enfant perdu à ses parents, Fifamè Ella Kossouoh répond en ces termes : « Tout parent qui est contacté, pour venir récupérer son enfant au CPS, doit se munir de sa carte d’identité ou de sa Carte d’Identification Personnelle (CIP). Il vient également avec l’acte de naissance de l’enfant parce qu’on doit voir sur l’acte de naissance le nom du parent qui est venu chercher ». Elle n’a pas manqué de souligner : « Quand on retrouve un enfant errant, l’idéal c’est de se rapprocher du chef quartier, d’un commissariat, du CPS. Il ne faut pas ramener un enfant errant chez soi. Car vous serez responsable de tout ce qui pourrait lui arriver durant le temps de son séjour avec vous ».
Par ailleurs, des difficultés jalonnent le processus de réintégration de l’enfant dans le tissu familial après sa disparition. Barrières linguistiques, défaut d’acte de naissance de l’enfant, non-disponibilité de place dans des CAPE en raison de l’indifférence de certains parents à récupérer leurs enfants sont des difficultés évoquées par les acteurs rencontrés.

Enock GUIDJIME

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