Les chaînes de télévisions diffusent à tout moment des images violentes. En quête d’une éventuelle distraction, les enfants y sont exposés. Ces images laissent des séquelles indélébiles sur ces âmes vulnérables.
«Je suis souvent le journal avec mon garçon » ; « Je regarde des films de guerre avec mes enfants après les études » ; « Je suis un pratiquant de Kung-fu et je le suis souvent à la télévision en présence de mes enfants ». Ce sont quelques réactions des parents approchés le jeudi 9 février 2023, dans les locaux de la Bibliothèque Bénin Excellence à Godomey sur la question des images violentes vues à la télé. En effet, ces parents, dans la perspective de s’informer, se former ou se distraire, suivent le journal ou des films. Ceci, en présence de leurs enfants sans distinction d’âge. La famille, première institution par laquelle les valeurs, les normes sont transmises à l’enfant, déséduque par endroits. L’autre pan, c’est l’environnement médiatique. « L’éducation de l’enfant ne se limite pas seulement à ce qu’on lui dit à la maison ni à l’école. L’enfant est aussi influencé par son environnement médiatique. Et c’est là où la responsabilité des pouvoirs publics est interpelée », dit le Dr André Mensah, socio-anthropologue plantant ainsi le décor sur la nécessité d’encadrer les images diffusées à la télévision. Les médias constituent un canal important de diffusion des messages et des actes parfois violents. « C’est bien déplorable, les images violentes diffusées à la télévision marquent négativement l’esprit des enfants. Ces derniers et les élèves qui voient des scènes de violences à la télévision ont souvent des comportements anti-sociaux. Ils sont distraits et moins disponibles à apprendre à l’école. Ils revivent souvent ces images violentes qu’ils ont vues à la télévision », indique Hector Fanou, conseiller pédagogique à la retraite. Le Dr Racine de Pascal Viou, médecin pédopsychiatre en santé mentale des enfants et des adolescents ne dira pas le contraire. Il précise : « Nous sommes actuellement de plus en plus exposés aux scènes de violence de tous genres sur nos écrans. Les films qui présentent des scènes de violences dans tous leurs détails agressifs, les émissions sportives MMA qui présentent des scènes de violence extrêmes et les journaux qui pensent être plus crédibles en présentant aux détails près, les actes de violence dans le monde (guerre, terrorisme …) »
Les images violentes produisent des émotions fortes pour avoir plus de visibilité mais elles affectent lourdement et encore plus, la santé mentale des enfants voire des adolescents.
Enfant face aux images violentes : une boîte de Pandore
Récurrence de comportements agressifs chez l’enfant ; impacts sur le cerveau de l’enfant ; dénaturalisation du potentiel affectif de l’enfant ; traumatisme psychologique ; stress émotionnel intense, sous la forme d’émotions massivement désagréables comme l’angoisse, la peur, la colère ou le dégoût ; états de stress posttraumatiques. Ce sont quelques effets néfastes de la visualisation des images violentes en présence de l’enfant. La tranche d’âge la plus concernée est de 0 à 16 ans, avec un plus fort impact sur les enfants de 0 à 12 ans. L’enfant, dans son développement psychologique et affectif, apprend de son milieu social, de son interaction avec les autres. Il apprend par ses organes de sens, ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il touche, ce qu’il sent et ce qu’il ressent. « Ces apprentissages sont semés et enregistrés dans un système de pensées qu’on appelle « Schéma cognitif » qui déterminera le comportement, le mode de pensées, le vécu et les réactions émotionnelles de cet enfant », rappelle le Dr Racine de Pascal Viou. Les scènes de violences s’intègrent au système de pensées de l’enfant. Ainsi, il les approprie comme des actes normaux. « La forte charge émotionnelle que ça induit en lui dénature son potentiel affectif. On pourrait donc retrouver des enfants qui ont une tendance spontanée à la violence voire de l’extrême violence à la moindre contrariété et pourront devenir des adultes bâtis sur le même modèle et même des adultes psychopathes », explique le pédopsychiatre Racine de Pascal Viou.
« Les actes de violences vus à la télévision amènent l’enfant à avoir des comportements agressifs lorsqu’il se retrouve en situation de conflit avec son camarade », affirme Hector Fanou, conseiller pédagogique à la retraite, avant d’ajouter que : « des chercheurs en psychologie ont montré que la violence à la télévision peut avoir des impacts sur le cerveau de l’enfant ». Dans d’autres situations, l’exposition aux scènes de violence peut être vécue comme un traumatisme psychologique. Le Dr Racine de Pascal Viou précise : « Cela peut induire chez certains enfants, des états de stress aigu, d’anxiété et même des états de stress posttraumatiques qui sont des états de vive inquiétude permanente associée à des symptômes pouvant entraver lourdement le développement psychologique de l’enfant ».
Le contrôle et le suivi des enfants face à la télévision
« Les promoteurs de chaîne de diffusion doivent sélectionner les images à diffuser pour ne pas heurter la sensibilité des enfants. Eviter de diffuser les images des scènes de violence aux heures de pointes où les enfants sont en éveil et suivent la télévision », souhaite Hector Fanou, ancien secrétaire général du SYNAEM-Bénin. Il ajoute que les parents doivent réglementer l’utilisation de la télévision. Et il conseille : « Si leurs enfants assistent à des scènes de violence à la télévision, les parents devraient en discuter avec eux afin d’en réduire les effets négatifs ». Tout l’environnement médiatique qui accompagne l’enfant doit être sous contrôle. « C’est de la responsabilité des parents de faire ce contrôle, autant que faire se peut, pour éviter les dérives après. L’enfant apprend par mimétisme et a tendance à reproduire exactement ce qu’il observe », avertit le Dr André Mensah, socio-anthropologue. Il ajoute : « les films constituent quand même une sorte de mise ne scène d’une réalité donnée. Mais l’enfant n’arrive pas à distinguer tout ça. Il revient aux parents de lui dire les films qui le concernent ou pas. »
La santé mentale des enfants est une priorité. « Nous invitons les parents à plus d’engagement dans la restriction de ces scènes de violences et à prévoir presque tous ces films même, ceux portant inscription moins de 12 ans, pour des heures tardives de la nuit », exhorte le Dr Racine de Pascal Viou. Car, souligne-t-il, l’avenir de ce monde en dépend.
Enock GUIDJIME