Développement : de la tradition à la modernité - Journal Educ'Action

Développement : de la tradition à la modernité

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Le Sénégal, a décidé d’opérer un grand bouleversement dans son système éducatif « Il s’agit ainsi d’élaborer un nouveau programme éducatif consensuel, souple et adapté aux réalités socioculturelles du Sénégal. Un programme qui prend en compte les aspects culturels, linguistiques et religieux également. Bref un programme qui s’enracine sur les valeurs du pays tout en s’ouvrant au monde. » a fait savoir le ministre de l’éducation Cheikh Oumar Hann.
Nous avions décidé de citer pour qu’on ne dise pas que le message a été amplifié ou travesti de quelque manière. En réalité, c’est sous l’impulsion des acteurs de l’école que sont en premier lieu les enseignants et les parents, que le processus a été enclenché. En effet, cette importante vision vient de la base et pose un problème que nous avions agité et sur lequel nous avions toujours épilogué : notre développement se fera à partir de nous et de nos valeurs avant de s’ouvrir au monde.
Notre précédente chronique a démontré que, malgré notre prétendue modernité qui cherche à se référer et à s’appuyer, in extenso sur l’occident, il apparait plutôt essentiel de partir de notre base culturelle. Que ce soit clair et net : comme le soulignait Karl Marx, notre vision qui prétend que nous devions partir de la modernité pour nous construire, marche sur la tête au lieu de marcher sur les pieds. L’éducation qui conduit au développement est un processus qui doit commencer par une éducation endogène qui change de paradigmes et se concentre sur notre géographie et notre histoire. Il s’agira de comprendre notre économie de subsistance, la technicité de nos artisans face à la terre et à l’environnement.
Comment continuer à comprendre qu’un enfant qu’on enseigne dans quelque contrée béninoise soit incapable d’identifier son milieu et ses besoins et quelles sont les possibilités d’entreprise. L’école chaque jour se présente comme un passeport à l’éloignement physique, mental et moral de son milieu. Alors, tous ces jeunes qui n’ont connu comme progrès, que l’avènement de l’internet et les plaisirs faciles et futiles ne savent en définitive rien faire. Le pire, c’est que même les plus âgés pensent que notre développement doit procéder d’un transfert de compétences amalgamant à la fois l’occident et l’orient (Chine et le Japon). On croit dur comme fer qu’il s’agit simplement de se départir de nos traditions et cultures rétrogrades et aliénateurs pour atteindre le développement.
Il s’agit de le répéter : l’éducation doit partir de nos valeurs pour s’ouvrir au monde. L’éduqué connaissant et comprenant son milieu sera capable de le transformer et d’y adapter la modernité. Cette vision devrait interpeller nos vaillants syndicalistes obnubilés par les revendications salariales et les besoins de leurs causes. Cette véritable refonte de nos programmes devrait nécessairement les alléger et donc demander moins d’enseignants et moins d’infrastructures. Comment y parvenir ? Le chantier est colossal mais pas impossible à réaliser. Il s’agira avant tout de mettre en place une équipe de qualité multidisciplinaire. Il y aura des universitaires et autres planificateurs certes, mais aussi des politiques, environnementalistes et autres artisans.
A l’étape actuelle, nos gouvernants pressentant le problème cherchent des solutions à travers la mise en place de l’EFTP, la refonte de l’enseignement général voire quelques reformes curriculaires. Tout ceci avec l’appui de partenaires étrangers. En même temps, cette vision se doit d’être plus systémique et concerner une approche concertée des mêmes programmes sans un cloisonnement des acteurs qui s’en occupent. Il ne s’agit pas de confier un programme à un groupe et un deuxième à un autre groupe, etc. La vérité, ils ne regardent pas vraiment dans la même direction et techniquement parlant ce ne sont pas des programmes mais des projets qui in fine ne servent jamais l’intérêt général.
Nous devrions oser, car c’est de ça qu’il s’agit. Crevons la bulle qui nous entoure et qui entrave notre envol vers une vision nouvelle. De grâce, il ne s’agit pas à l’image de notre paresse habituelle, d’appeler dès le départ, l’étranger au secours et noyer notre initiative dans un tout incompréhensible.
L’étranger ne cherche pas à nous faire du mal ; il cherche plutôt ; à chaque fois les constantes qui définissent et peuvent être appliquées à toutes nos sociétés. On se retrouve dans une situation où les valeurs sont nivelées dans la recherche d’une uniformisation ; d’une approche qu’on peut répéter plus tard dans le pays voisin. Ainsi, parce que le Bénin y pense à l’instar du Sénégal et d’autres contrées africaines qui veulent faire des coupes sombres afin d’éclairer des programmes touffus et confus, on va rapidement nous proposer un plan multipliable à l’envie.
Ce qu’il nous faudrait, c’est le contraire : partir de nos valeurs et habitudes culturelles, de la spécificité de notre environnement et de nos pratiques pour fonder un enseignement et une éducation nouvelles de qualité et de compétitivité. Il s’agira d’opérer à partir d’une démarche scientifique, qui consiste à identifier, analyser et consigner nos cas particuliers, pour déboucher sur les constantes générales.
Il s’agit pour nos cadres d’œuvrer d’abord et ensuite de demander de l’aide au besoin. Pour paraphraser Monseigneur Isidore de Souza, nous dirons : plaise au ciel que nous nous décidions à verser un peu de notre sang et beaucoup de notre sueur pour l’avenir de la génération suivante.

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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