Ils sont présents et même indispensables dans le fonctionnement des établissements d’enseignement publics.10Ils servent de liaison entre l’administration de l’école et les élèves qu’ils représentent. Pourtant, leur rôle n’est pas toujours connu des camarades qu’ils sont censés représenter. Eux, ce sont les délégués de CEG. Educ’Action, a fait une incursion dans certains lieux de savoir pour aller à la découverte des délégués d’établissements ainsi que les missions qui sont les leurs. Reportage !
Notre périple de la matinée de ce mercredi 04 Novembre 2020, nous conduit à une élection. Il ne s’agit ici ni de l’élection qui oppose Trump à Biden, ni celle qui oppose Ouattara à ses adversaires. Pourtant, c’est une élection comme toute autre où des candidats vont s’opposer, mettre à contribution des paroles mielleuses et appâter par des promesses pour réussir à convaincre leurs électeurs de voter pour eux. Une salle polyvalente a été apprêtée pour abriter cette élection dont la campagne a démarré beaucoup plus tôt, soit une semaine à l’avance. D’entrée de jeu, les qualités qui devront être celles de celui qui sera élu, ont été rappelées par le coordonnateur de cette élection pour permettre aux électeurs de faire le vote en toute conscience. Ce premier tour de vote oppose Adignini Hounsou ; Rokib Amoussa et Léopold Anakpadé. Devant la grande foule présente pour élire son leader pour le compte de cette année scolaire, chacun des candidats en lice à une minute de parole pour accrocher les votants et les amener à adhérer à sa cause. A travers un vote secret, chaque électeur a mis par écrit et sur un bout de papier soigneusement cacheté, le nom de celui qui lui semble approprié pour faire le job une fois élu. C’est avec 87 voix favorables sur 132 inscrits que Rokib Amoussa a été porté une fois de plus à ce poste qu’il a déjà dirigé l’année précédente avec brio. Place maintenant au deuxième vote, qui, cette fois-ci, oppose trois filles : Moutoumaïnath Ligali, Nassibath Kabirou, Déo-Gratias Tchédji. Le même exercice est reconduit par ces dernières pour convaincre l’auditoire de voter pour elles. A l’issue du vote secret, 74 voix favorables ont permis à Déo-Gratias Tchédji, d’occuper le poste d’adjointe de Rokib Amoussa. Bienvenue dans le monde scolaire. Nous sommes bien évidemment à Cotonou, au Collège d’Enseignement Général (CEG) Suru-Léré, situé à Akpakpa. A travers cette élection, les deux nouveaux délégués de cet établissement viennent d’être élus pour le compte de cette année scolaire 2020-2021. Rokib Amoussa, élève en classe de Terminale B2 et Déo-Gratias Tchédji, élève en Terminale C, respectivement premier et deuxième délégué du CEG Suru-Léré, sont officiellement installés dans leurs nouvelles fonctions si s’en était une de délégués d’établissement du CEG Suru-Léré. Ensemble avec leurs six (6) conseillers qui sont les responsables de promotions, ils vont désormais travailler pour l’intérêt et le bonheur de leurs camarades élèves. Tout comme eux, ils sont présents dans tous les collèges publics voire dans certains établissements privés d’enseignement secondaire à être désignés pour être à la fois l’œil de l’administration auprès des élèves et celui des élèves auprès de l’administration.
Du rôle des délégués d’établissement …
Dans le rang des élèves de quelques écoles sillonnées, le rôle des délégués reste incompris par certains. Parfois même, certains d’entre eux ne connaissent pas leurs délégués. C’est la conclusion tirée des propos des apprenants à qui la question a été posée. Qui est votre délégué et quel est son rôle ? A cette question, Déborah, élève en classe de 4ème au CEG Ste Rita répond : « franchement, je ne le connais pas et je ne sais pas le rôle qu’il joue vraiment ». Alexandre, élève en classe de 3ème dira à son tour : « je me rappelle, on nous l’a présenté une fois au drapeau mais après cela, je ne l’ai plus vu ». De l’autre côté, c’est Carlos, élève de la 1ère qui prend la parole : « l’année dernière, le délégué était dans ma classe, mais tout le temps, il est appelé par l’administration ». La précision sera cependant apportée par les surveillants généraux interrogés à ce propos. « Le délégué est avant tout le responsable chargé de la coordination des activités des autres responsables de classes. Il est d’abord élève, ensuite responsable de classe avant d’être élu par ses pairs (responsables de classes) comme leur responsable général pour représenter tous les élèves au niveau de l’administration de l’établissement », renseigne Placide Gbéniga, surveillant général adjoint du CEG Suru-Léré qui précise que les délégués sont très sollicités dans leurs rôles. D’ailleurs, Rokib Amoussa, âgé de 17ans, du haut de ses 1,60m le confirme quelques minutes avant sa réélection. « Quand le délégué met pied dans l’établissement, il veille à ce que tout soit au propre. Il doit sensibiliser ses camarades sur la propreté de l’établissement. Deuxième chose, il doit pouvoir se rapprocher des camarades responsables de classes pour s’imprégner des difficultés rencontrées afin d’en faire le point à l’administration. Il doit travailler à maintenir le respect du règlement intérieur, la cohésion dans l’école. Il doit défendre ses camarades quand il le faut », a-t-il brièvement expliqué après avoir puisé ses souvenirs. Son collègue du CEG Ste Rita, Abdias Lokpè, 21ans révolus, délégué au cours de l’année scolaire 2019-2020 qui attend de passer le témoin à quelqu’un d’autre pour le compte de cette année académique dira, quant à lui, qu’il est à cheval entre l’administration et les classes. « Il faut faire régulièrement le point de ce qui se passe dans l’école à l’administration et il faut également porter la voix de l’administration aux élèves camarades. Il faut assister à des réunions, des conseils », a-t-il aussi précisé. Pour appuyer ces derniers dans leurs réponses, le SGA Placide Gbéniga, va expliquer que : « La vie scolaire a plusieurs paramètres parmi lesquels, la vie dans chaque classe. Les autorités administratives peuvent ne pas appréhender cela dans tous les détails. Les responsables de classes n’ayant pas toujours le courage d’aller vers l’administration, font le point au délégué qui est avant tout un responsable de classe aussi. Lui étant beaucoup plus proche de l’administration, pourra porter ces informations aux autorités de l’établissement. Il peut également porter les doléances des apprenants auprès des autorités pour voir dans quelles mesures celles-ci peuvent être résolues ». Le délégué sert de lien, à en croire le surveillant général du CEG Ste Rita, Irénée Tchobizo, entre les élèves et l’administration. Il est là en tant qu’un élève qui doit donner le bon exemple et aussi pour la défense de ses camarades. Il est beaucoup sollicité lors des différentes instances à savoir les conseils intérieurs et les conseils d’administration. Ces rôles incombent aux délégués, dès lors qu’ils sont élus, selon des critères bien définis.
Travailleur, assiduité et bonne moralité comme critères phares d’éligibilité des délégués…
N’est pas délégué d’établissement, qui le veut. Le délégué d’établissement doit avoir des qualités bien précises. Rokib Amoussa et Abdias Lokpè en sont bien conscients. C’est d’ailleurs ces qualités qui leur ont permis d’être d’abord responsables de classes et ensuite, d’être portés à la tête de tous les élèves de leurs établissements respectifs. «Pour être délégué, il faut d’abord être un responsable de classe. Le responsable de classe est élu parmi les élèves travailleurs, assidus et d’une bonne moralité. Donc par ricochet, le délégué est un exemple », déduit Placide Gbéniga du CEG Suru-Léré qui ajoute qu’être travailleur implique que le délégué ait au moins 12 de moyenne.Tout en insistant sur le fait que les textes législatifs n’ont rien prévu par rapport au niveau de classe du délégué d’établissement scolaire, le SGA Gbéniga précise qu’en tenant compte du rôle prépondérant que jouent les deux délégués, il est souhaitable qu’ils soient parmi les élèves du second cycle pour les établissements de deux cycles, pour pouvoir incarner une certaine autorité. Son collègue Irénée Tchibozo de Ste Rita, acquiesce et précise que : « le délégué doit être un élève exemplaire sur le plan de la discipline, du comportement, de l’habillement, de la coiffure, le respect du règlement intérieur. Il doit être responsable, savoir s’exprimer, travailler, représenter valablement ses camarades ». Outre ces critères généraux obligatoires que doit remplir tout élève aspirant au poste de délégué d’établissement, les autres critères varient d’un établissement à un autre. Si au CEG Suru-Léré, le poste de délégué peut être occupé par tout apprenant à partir de la classe de 4ème, il n’en est pas de même au CEG Ste Rita. « En ce qui concerne le CEG Ste Rita, nous avons jugé que le délégué doit être un élève du second cycle, histoire de mieux répondre aux différentes sollicitations. Nous avons jugé qu’il soit en 2nd ou en 1ère mais pas en Terminale tout simplement parce qu’il est très sollicité. On n’aimerait pas que ses occupations liées au poste de délégué soient un handicap pour son rendement », a fait observer Irénée Tchibozo, tout en précisant que ce critère est bien propre à son CEG. Jouer le rôle d’un délégué n’est pas sans avantages pour les apprenants qui acceptent de l’être, ont, à l’unanimité, approuvé les deux surveillants rencontrés.
Etre délégué, une formation à vie…
« Etre délégué, c’est un sacrifice, un don total de soi parce que le délégué donne de son temps au moment où les autres sont en classe », fait remarquer Irénée Tchibozo pour montrer d’ores et déjà les implications à être délégué. Autrement, le délégué est appelé à s’excuser auprès des professeurs pour aller siéger à des réunions, des conseils de l’administration. Il est également invité au conseil de discipline pour discuter des écarts de comportements et de langage de ses autres camarades dont il répond. Aussi, doit-il, à en croire Placide Gbéniga, assister à des séminaires, des formations de leadership organisées par des ONG. Si ces deux surveillants généraux s’accordent bien sur un point, c’est qu’il n’y a pas grand avantage à ce poste sinon la formation personnelle que l’élève peut en tirer. « On dit qu’il n’y a pas de génération spontanée. Le fait d’avoir une responsabilité, de gérer des hommes, d’être au contact des autorités, d’avoir des séances de formation est un apprentissage pour toute la vie et c’est ce dont les délégués bénéficient vraiment», a fait ressortir Irénée Tchibozo. Ce qui n’est pas du goût de Placide Gbéniga qui estime qu’on peut mieux faire pour ces apprenants, au moins en ce qui concerne leur contribution scolaire. Il ne manque pas de faire une doléance à ce effet.
Des doléances à l’endroit des autorités…
Le législateur n’a rien prévu pour soulager les élèves délégués d’établissement. Ils paient donc les contributions au même titre que les autres apprenants. « On essaie de voir par rapport à la modalité de payement. La faveur ici, c’est qu’ils ne subissent pas de pression comme leurs camarades. Mais ils soldent forcément parce que les textes n’ont précisé à aucun endroit qu’ils doivent être exonérés », a laissé entendre le surveillant général du CEG Ste Rita. Cette réalité ne semble pas appropriée aux yeux du surveillant général adjoint du CEG Suru-Léré, Placide Gbéniga. Il renseigne avoir déjà mené la lutte autrefois en sa qualité de syndicaliste pour que les délégués soient exonérés des contributions scolaires. Et pour cause : « ce sont des enfants qui sont très sollicités», a-t-il simplement justifié. Se faisant porte-parole de ces apprenants, il introduit quelques doléances à l’endroit des autorités de tutelle. « Si les délégués peuvent être exonérés de la contribution, ce serait vraiment très intéressant », a-t-il suggéré. Aussi, le législateur voudra-t-il formaliser et spécifier davantage le rôle des délégués, parce que, dit-il, « on nous aurait donné un outil pour mieux les encadrer, pour mieux les utiliser afin de ne pas empiéter sur leur rendement scolaire ».
Estelle DJIGRI