Je l’avais déjà plusieurs fois souligné qu’en ces temps de crise, deux choses manquent fondamentalement à l’homme à savoir les bars et les églises. Cela paraît curieux ce rapprochement qu’a poussé encore plus loin une autorité communicatrice du pays pleine d’assurance. Mieux (ou pire ?) encore, un très sympathique homme de science qui s’occupe avec un rare talent des cimes supérieures de notre éducation, a fait la démonstration à posteriori que le culturel et le cultuel avaient cette même racine quand bien même l’intelligence béninoise ferait sa part des choses. L’autorité a parlé et la science a démontré et pourtant que de tumultes.
Mais de quoi se plaint-on en ces temps où les distractions sont rares ? Qu’on ait ôté le pain et le vin de notre bouche tout en autorisant une campagne électorale qui a battu son plein avec ses lots de démonstrations diverses. Peut-on parler de deux poids et deux mesures ? Pour une fois, nos hommes de grandes vertus sont montés au créneau pour déplorer un manque de discernement dans un contexte difficile. Mais que pouvons-nous faire contre la loi et la science ? D’un côté, un communicateur qui a semblé énoncer une mesure certes douloureuse prise au sommet de l’Etat et de l’autre, la démonstration scientifique et magistrale d’un homme au front pétri d’une science peut-être turbulente, mais sûrement imposante.
Face à cette situation difficile, on assiste comme au temps des premiers chrétiens aux messes et autres cultes en catimini. Ce qui vient exacerber le sentiment d’injustice, ce sont les caravanes qui sillonnent nos villes et campagnes ou encore les attroupements avec des candidats bienveillants qui viennent suivre telle démonstration d’agbadja ou de tipenti et qui pour terminer remettent, semble-t-il, des consignes de vote dans des enveloppes dodues. Les réseaux sociaux ont relayé très abondamment ces meetings qui ne se cachent même pas. On se demande, en réalité, à qui la faute quand les autorités des contrées sont, elles-mêmes, souvent candidates.
L’autre question principale que nous allons nous poser, c’est de savoir quelle sera la réaction de celles et ceux laissés pour compte et dont on a adroitement ou maladroitement assimilé l’activité à la distraction. On pourrait croire que ce qui préoccupe les hommes d’églises, c’est la perte de cette grande manne financière que sont les quêtes et autres deniers de culte. Il faut en douter parce que dans nos pays profondément croyants, où des femmes et des hommes se sont consacrés à aider, à sauver des âmes, à éduquer, il y a certains messages et attitudes blessantes qui ne sont pas passés. Qu’on ferme les lieux de culte et qu’on demande de patienter, l’Eglise comprend ; qu’on autorise les élections qui aboutissent à des meetings (même non autorisés), l’Eglise s’émeut et quand même se plie aux exigences légales ; mais lorsque pour finir, on s’autorise à des comparaisons discourtoises et à la limite injurieuse, L’Eglise titube mais refuse de s’embraser moralement ; elle parle certes mais elle embrasse et pardonne.
En regardant ce jour une vidéo d’une paroisse célèbre où malgré l’interdiction, les hommes d’église ont décidé d’organiser des messes et se sont fait prendre par la police, je me suis surpris à réfléchir et ai posé la question à quelques personnes et la réponse unanime est résumée par celle-ci : « Si pendant que vous vous baignez à la rivière, un fou passe et ramasse votre culotte, si vous décidez de sortir de la rivière pour le pourchasser afin de reprendre votre culotte, c’est que la folie a changé de camp ou que vous vous êtes laissé contaminer. » Il faut donc savoir raison garder.
Dans le cas d’espèce, par delà les ressentiments nés de paroles maladroites ou pas bien comprises, on en arrive à deux conclusions qui, toutes, vont fonder la même attitude en nous. La première est « extérieure », c’est-à dire légale car « dura lex sed lex » (la loi est dure mais c’est la loi) ; il faut la respecter et nul ne doit se sentir au-dessus de la loi. La seconde, « intérieure » c’est-à-dire morale, se rapproche plus du credo des confessions religieuses et nous dit grâce à J.J. Rousseau que : « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite, est liberté. » Notre attitude est donc claire ; il faut obéir à la loi, car s’il est vrai que l’Eglise pense à ses fidèles, l’Etat pense à nous tous !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe