La gestion de l’argent par les apprenants et étudiants est le sujet qui préoccupe Educ’Action, le spécialiste des questions éducatives, tout le long de ce mois d’avril. Pour certains, l’épargne s’avère indispensable dans un monde en perpétuelle évolution. Sans compter la hausse des prix des produits de consommation et assimilés, les apprenants sont appelés à épargner pour s’y adapter à l’âge adulte. Mais pour d’autres, il lui revient d’avoir de bons résultats. Ce que l’épargne ne permet pas toujours chez l’apprenant qui s’y adonne. Votre journal Educ’Action, à travers cette 2e publication de la thématisation de ce mois, met le pied sur la nécessite ou pas pour un apprenant de faire des économies depuis le bas âge. Lisez plutôt !
Economistes, comptables, professeurs d’économie dans les collèges, ont été approchés dans le cadre de cette deuxième parution relative à la gestion de l’argent par les apprenants et les étudiants. Gilles Rostand Chabi est enseignant d’Economie au Collège d’Enseignement Général (CEG) Sainte Rita à Cotonou.Interviewé dans la salle des professeurs de son collège, le jeudi 07 avril 2022, il explique que le terme ‘‘économie’’ est populaire et renferme beaucoup de choses. Boris Janas Agbessi est, quant à lui, auditeur-comptable de formation et chef service comptabilité dans une société de la place. Ses premiers mots, dans le cadre de l’interview qu’il a accordée, ont consisté à éclairer la lanterne des uns et des autres sur ce qu’on peut entendre par ‘‘économie’’. Se référant au dictionnaire Larousse, l’homme des comptes, vêtu d’une chemise à multiples couleurs, explique que « l’économie est l’ensemble des activités d’une communauté humaine relative à la production, à la distribution et à la consommation de richesses. C’est une science qui étudie comment les ressources rares sont employées pour la production, la distribution et la consommation des biens, c’est-à-dire pour satisfaire les besoins des Hommes ». Autre définition donnée par ce comptable, « l’économie est la gestion faite des ressources afin de réduire les dépenses ». Cette dernière définition est visiblement celle qui se rapporte au sujet du mois. Encore appelée ‘’épargne’’, l’économie est donc, selon les explications de Boris Janas Agbessi, une partie de l’argent que l’on gagne et qui est mis de côté pour des besoins futurs. Il va loin en laissant entendre qu’il y a deux (02) types d’épargne à savoir l’épargne financière et l’épargne liquide. « L’épargne financière est l’économie que nous mettons de côté pour le faire fructifier. C’est le cas pour les dépôts à terme. L’épargne liquide, en ce qui la concerne, est l’économie dont nous pouvons disposer à tout moment comme les dépôts à vue », a-t-il nuancé.
En reconnaissant tout comme son prédécesseur que l’épargne est synonyme d’économie, l’enseignant d’Economie, Gilles Rostand Chabi estime préférable de parler d’épargne plutôt que d’économie dans le cas des apprenants. Et à ce propos, il fait observer qu’il y a l’épargne forcée et celle volontaire. « L’épargne forcée consiste à obliger une personne à mettre l’argent de côté pour l’utiliser plus tard. Puis, il y a l’épargne volontaire qui découle de la volonté personnelle de mettre de l’argent de côté pour l’utiliser plus tard. La personne concernée est donc censée épargner selon ses possibilités, une partie de ses revenus », a-t-il expliqué. Pour lui, il s’agit dans le cas des apprenants, d’une épargne volontaire qui est avant tout un acte volontaire provenant de la part des apprenants mais un peu difficile pour ces derniers au regard du quotidien qu’ils traversent lors de l’apprentissage. Car, laisse-t-il entendre, l’épargne est contraignante pour élèves et étudiants.
Pourtant, apprenants et étudiants, forcés ou non, font l’expérience des épargnes et racontent.
De l’expérience de l’épargne par les apprenants
Kpèdétin, est élève au CEG ‘‘Le Nokoué’’. Agé de 11 ans et en classe de 5e, il a décidé de mettre de l’argent de côté pour une raison précise : offrir des jouets à son jeune frère âgé bientôt de 1an. Pour ce faire, il économise 100 Fcfa dans les 200 Fcfa qu’il perçoit chaque matin comme argent de petit déjeuner. Mais dès lors que cet objectif est atteint, il a continué avec ce qui est devenu désormais pour lui, une habitude. A l’en croire, cet argent, en plus de lui servir à faire des photocopies, pourra peut-être à la longue, lui servir aussi à payer des vêtements.
José Avohou et Amidou Gnongbèto, sont tous deux, des étudiants en 1re année de Physique-Chimie à la Faculté des Sciences Techniques (FAST) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). Dans la première parution de cette série de publications, ils ont avoué qu’ils épargnent aussi, mais l’argent épargné ne sert qu’aux fins de photocopies. Les propos des uns et des autres, fussent-ils élèves ou étudiants, viennent ainsi de confirmer ceux de l’enseignant d’économie Gilles Rostand Chabi qui pensent que les épargnes sont difficiles parce qu’elles servent généralement à faire des photocopies. « Les apprenants ont l’obligation de satisfaire leur besoin d’alimentation, ce qui est primordial. Ensuite, il y a les exigences de photocopies qu’ils doivent honorer. Car, les parents n’assument pas totalement. Donc c’est souvent difficile pour eux. Même du côté des étudiants, il y a beaucoup de photocopies à faire, ce qui leur rend souvent l’épargne difficile », a-t-il affirmé.
Cette habitude prise par ce jeune apprenant de 11 ans et sûrement par d’autres apprenants, semble à priori, louable aux yeux de certaines personnes ressources. Cependant, il n’est pas trop conseillé, de l’avis de ces derniers, de laisser un apprenant épargner.
Cotiser, une initiative louable mais pas trop conseillée pour les apprenants
Se référant à Kpèdétin, apprenant en classe de 5e, Boris Janas Agbessi, auditeur comptable et chef service comptabilité loue l’effort qui est fait. « Il n’y a pas d’âge fixe auquel l’enfant peut commencer à économiser. Tout dépend de l’encadrement des parents », a-t-il laissé entendre. De même, qu’il n’y a pas un âge donné pour commencer les cotisations, il n’y a pas non plus un montant fixe par lequel l’apprenant peut commencer à économiser. « Il n’y a pas pour moi, un montant à partir duquel l’enfant peut commencer à économiser. Un parent peut apprendre à son enfant à faire de l’économie en mettant à sa disposition une petite caisse et en lui expliquant l’utilité de mettre un peu d’argent de côté et l’utilisation qu’il pourra en faire une fois que sa caisse serait pleine », a-t-il martelé. Tout en faisant la nuance entre économiser et cotiser, il fait remarquer que les enfants apprenants peuvent économiser tandis qu’il n’est pas conseillé pour un apprenant de cotiser de l’argent. « Il y a une différence entre économiser et cotiser. Cotiser, c’est économiser de façon régulière. Economiser par contre, c’est mettre de côté le surplus que l’on a, après une bonne gestion de ses dépenses », a-t-il nuancé.
Et donc un enfant ne peut pas, à son avis, économiser de façon régulière comme une tontine. Et pour cause : « Si l’on permet aux enfants de faire de la cotisation, ces derniers se privent souvent de manger. Ce qui n’est pas bon pour eux. », alerte-t-il. Cet avis du comptable est partagé par Raouf Fofana Séïbou, instituteur à l’Ecole Primaire Publique(EPP) qui explique avant tout que la gestion de l’argent de poche varie d’un apprenant à un autre selon qu’il est dans une école publique ou dans une école privée. « En ce qui concerne les écoles publiques, tout enfant quitte la maison toujours avec quelque chose en poche ou garde sa nourriture selon la disponibilité ou les moyens des parents. Lorsque l’enfant vient avec son argent de poche, l’enseignant de la classe doit s’assurer d’abord de ce qu’il a pris quelque chose pour soutenir le ventre.Et avec cette morosité économique, l’enfant ne doit pas épargner. D’abord, cela n’existe pas dans la législation. On enseigne la gestion de l’argent, l’épargne aux enfants mais on ne demande pas aux enfants d’épargner quand ils sont encore sur les bancs. On enseigne cela juste pour le futur. Au cycle primaire, on ne doit pas épargner», a-t-il dénoncé avant d’expliquer que la pratique ne pose pas problème dans les écoles privées. « Il faut reconnaître que tout enfant qui va dans un établissement privé, à 99%, a des parents qui ont quand même le minimum ou font un sacrifice volontaire pour leurs progénitures. En ce sens, la majorité vient avec le petit déjeuner. Le problème ne se pose pas à ce niveau », a-t-il dit.
Maman Vivi est écailleuse de poissons au marché de Godomey. Interrogée dans son environnement de travail, la jeune dame n’est pas vraiment d’accord sur le fait qu’un apprenant économise.« On donne difficilement 150 Fcfa ou 200 Fcfa aux enfants. Parfois même, on est obligé de leur donner 100 Fcfa par manque de moyens. Avec la cherté d’aujourd’hui, nous savons ce que vendent les bonnes dames. Dans ces conditions, demander à un apprenant, surtout une fille de cotiser encore, c’est l’envoyer dans les bras des hommes », a dit l’écailleuse de poissons, mère de cinq (05) enfants, pour montrer sa position sur la question.
En dehors de cet aspect souligné par la mère de famille, l’instituteur Raouf Fofana Séïbou pense que l’épargne peut avoir des répercussions sur le rendement scolaire de l’apprenant. « Lorsque dans une classe, les résultats évoluent en dents de scie, tout de suite, l’enseignant doit interpeller les parents. Peut-être que l’enfant n’a pas le petit déjeuner, et cela ce n’est pas seulement pendant la période de la morosité économique. Cela date de très longtemps. Lorsque les résultats des enfants dans une classe sont faibles, soit les parents n’ont pas de moyens nécessaires pour nourrir les enfants, soit l’argent que reçoit cet enfant ne lui suffit pas, ou encore l’enfant est en train d’épargner. », a renseigné l’instituteur. Par conséquent, informe-t-il, l’instituteur à l’obligation morale d’aller fouiller, de se faire amis à cet enfant, et d’aller chercher à savoir ce qui se passe, combien il prend. L’auditeur-comptable Boris Janas Agbessi, lui aussi père de famille, ne conseille pas à un enfant d’épargner. Néanmoins, il fait observer qu’il serait préférable que l’enfant ne cotise pas de l’argent mais qu’il économise l’argent autre que son petit déjeuner.Car, nuance-t-il, cotiser, c’est économiser de façon régulière et un enfant ne peut pas économiser de façon régulière. Par contre, économiser, c’est mettre de côté le surplus que l’on a après une bonne gestion de ses dépenses. Si les personnes interrogées plus haut pensent qu’il n’est pas bien qu’un enfant épargne, il y en a d’autres qui ne sont pas du même avis qu’eux et préconisent que l’épargne entre dans les habitudes des enfants le plus tôt possible. Pour ce faire, ils donnent des astuces aux apprenants.
Des astuces pour une bonne gestion de l’argent par les apprenants
D’un teint ébène et vêtue d’une tenue locale « Bohoumba », Alice Gnankadja, revendeuse à Hêvié milite pour la culture de l’économie chez l’enfant. « Dès l’âge de 8 ans, l’enfant doit commencer à économiser. Ça dépend de l’argent qu’on lui donne comme petit déjeuner. Si par exemple, c’est 200 Fcfa que l’enfant prend, il doit économiser au minimum 50 Fcfa ou si c’est 150 Fcfa qu’il prend, il peut aussi économiser 25 Fcfa ou 50 Fcfa. Il faut commencer à attirer leur attention sur l’achat des vêtements lors des conversations entre mère et enfant », préconise-t-elle, avant de renseigner : « Mes enfants ne dépensent pas n’importe comment parce qu’à partir de l’âge de 8 ans, je commence à leur inculquer la culture de l’économie. » Elle insiste, par ailleurs, sur le fait qu’il est important et nécessaire d’apprendre à l’enfant à économiser.
Avis que partage Priscille Zoumènou, commerçante, vêtue d’un tee-shirt de couleur noire. « L’enfant doit apprendre à économiser dès l’âge de 7 ans ou 8 ans. Le minimum qu’un enfant doit économiser de son argent de petit déjeuner, c’est 50 Fcfa ou 75 Fcfa », a-t-elle suggéré aussi. Pour elle, enseigner l’économie aux enfants, c’est d’abord commencer à leur en parler petit à petit avec des stratégies. « On peut dire à l’enfant, si tu économises 1000 Fcfa et je pourrai t’acheter une belle chaussure. Avant mes enfants dépensaient tout ce qu’on leur donne comme argent. Mais depuis que j’ai commencé à leur parler d’économie, ils ont pris l’habitude. Ce n’est pas toujours facile d’enseigner l’économie aux enfants, mais avec des stratégies on peut y arriver », lâche tout convaincue, la commerçante Priscille Zoumenou.
« A partir de 7ans, l’enfant peut déjà commencer à économiser. Ça dépendra du montant que l’enfant prend comme petit déjeuner. Sinon 50 Fcfa ou 100 Fcfa, l’enfant peut économiser. Ma fille aime acheter des vêtements et pour cela quand elle prend ses 200 Fcfa chaque jour, elle dépense 100 Fcfa et économise 100 Fcfa dans la caisse », a déclaré Carmelle Sossou, également commerçante. Tout comme sa prédécesseure, elle martèle que les parents, notamment les mamans doivent apprendre aux enfants, à faire des économies.
La Rédaction