A la faveur du Conseil des ministres du mercredi 11 mai 2016, le gouvernement Talon a songé à la mise en place d’un comité technique de mise en œuvre des reformes du système éducatif béninois, lui qui semble agonisant depuis plusieurs années. Seulement, on s’interroge bien sur la pertinence de cette trouvaille, surtout que les recommandations et propositions de réformes du second Forum sur le secteur de l’éducation, tenu du 17 au 19 décembre 2014, semblent déjà baliser le terrain, optant ainsi pour un nouveau paradigme au profit de l’école. Face à la décision de la création de ce comité technique, des acteurs clés du secteur éducatif rencontrés par Educ’Action ont opiné sur le sujet. Tout en jouant à l’équilibrisme, ils partagent ici leurs craintes quant à la pertinence, les missions dévolues, la composition et le fonctionnement de ce comité. Lisez plutôt !
Clarisse Napporn Docteur en Sciences de l’Education, Enseignant-chercheur à l’UAC, membre du Bureau permanent du CNE
« Il serait important de bien prendre la mesure de tous les problèmes qui se posent au système éducatif et qui sont connus… »
«Il est difficile de vous faire une réponse simple pour plusieurs raisons et je vais juste en citer quelques-unes. La première raison et de loin la plus importante, c’est que le programme éducation du candidat devenu président n’est pas le meilleur. Il a besoin d’être revu. La deuxième, c’est qu’il y a en cours un processus d’élaboration du Plan du Développement du secteur de l’éducation post 2015, qui prend en compte les propositions de réformes issues du forum de 2014. La troisième raison, c’est la difficulté de voir l’aboutissement des travaux des commissions. Je voudrais souhaiter que la création de ce comité technique soit pertinente et des indicateurs sont nécessaires. La composition de la commission va être déterminante. Les membres doivent être des techniciens connaissant bien le système éducatif et suffisamment ouverts pour se servir de l’état des lieux pour réformer, et ne pas vouloir nous imposer le programme du président. Je disais qu’il n’est pas le meilleur. Il serait important de bien prendre la mesure de tous les problèmes qui se posent au système éducatif et qui sont connus, donc de partir de l’existant. Il n’est pas normal, par exemple, qu’on ne sache pas de façon explicite qui s’occupe de l’alphabétisation, de la jeunesse et des loisirs qui font partie intégrante du système éducatif. Ce sont des oublis qui en disent long. Cette commission pourrait accomplir enfin ce qui n’a pu l’être depuis. Mettre en application des mesures cohérentes de gouvernance et de fonctionnement. La situation est critique et la tâche n’est pas facile. La pertinence de l’existence de cette commission, à mon sens, serait à ce prix »
Dieudonné Lokossou Secrétaire général de la CSA-Bénin
« …l’essentiel pour nous est qu’il y ait une amélioration dans ce secteur-là qui pose beaucoup de problèmes »
«Moi, je pense que le gouvernement du nouveau départ ou de la rupture a fait un programme pour le secteur de l’éducation. Quand bien même l’administration est une continuité et que l’autre gouvernement, par rapport à son programme relatif à l’éducation, a été défaillant, il est loisible au remplaçant du président Yayi de revoir les choses. Donc l’essentiel pour nous est qu’il y ait une amélioration dans ce secteur-là qui pose beaucoup de problèmes. Donc, on ne peut pas refuser au président Talon de mettre en place une commission pour réfléchir sur les problèmes de l’éducation. Il peut ne pas avoir partagé les résultats des fora, ce n’est pas un seul forum, il y en a eu deux à ma connaissance qui ont été tenus ici sans résultats probants, parce qu’on n’a pas exécuté les décisions. Donc à mon avis, il n’est pas lié par la non-exécution des contenus des fora qui ont été tenus par le gouvernement précédent. Créditons le de bonne foi puisque ceux qu’il a mis dans les commissions, sont des gens avertis, des spécialistes de cette question et on verra les résultats. Il n’a que cinq ans pour régler tous ces problèmes-là qui sont des problèmes épineux qui constituent de vaste chantier. Donc ne cherchons pas à le troubler 17
Rappel des principales recommandations issues du second Forum de l’Education
Les participants, dans leur appréciation du système éducatif, recommandent que :
– l’Approche par compétence soit objectivement évaluée pour des décisions conséquentes dans un bref délai,
– le processus d’élaboration du nouveau système éducatif de rupture s’inspire des causes de l’échec du programme national d’édification de l’école nouvelle,
– les Ecoles Normales privées d’instituteurs soient assainies en mettant en place un mécanisme d’accréditation et d’accompagnement en vue de l’assurance qualité,
– les trois axes de réformes structurelles soient traduits sous forme d’un document de politique de réforme du système éducatif et de formation, c’est-à-dire un cadre logique, cohérent, assorti d’indicateurs de performance, un mécanisme de suivi évaluation, un cadre institutionnel de pilotage et de gestion des réformes, le coût du projet, la stratégie de mise en œuvre etc.,
– le document de projet de réforme soit soumis au gouvernement au plus tard le 28 Février 2015, par le ministre d’Etat,
– le gouvernement prenne les mesures idoines pour le démarrage effectif et rapide de la mise en œuvre des réformes, dans un court délai, à sa convenance, en vue de permettre le démarrage rapide du processus d’élaboration du nouveau PDDSE 2016-2025,
– les documents de programmations stratégiques débouchant sur l’élaboration du PDDSE 2016-2025, soient élaborés et soumis au gouvernement par le Ministre d’Etat, Président du comité d’organisation du deuxième forum sur le secteur de l’éducation au plus tard fin Avril 2015,
– le document de projet de réformes structurelles du système éducatif et de formation ainsi que les projets de documents de programmations stratégiques, devant déboucher sur le nouveau PDDSE, soient validés suivant une approche impliquant les principaux acteurs, c’est-à-dire les principaux ministères sectoriels impliqués dans le processus du forum. Le CNE, les experts, le STP-PDDSE, les partenaires sociaux, les promoteurs privés d’enseignements, les associations des Parents d’élèves et d’étudiants, les étudiants, les ONGs intervenants dans le secteur, les PTFs, les personnes ressources etc.,
– le processus d’élaboration du projet du document de réformes structurelles du système éducatif et des projets de documents de programmations stratégiques devant déboucher sur le nouveau PDDSE 2016-2025, soit gérés conformément aux dispositions du conseil des ministres en sa séance du 20 Février 2013, notamment en ce qui concerne l’organisation du deuxième forum.
Les participants au Forum recommandent aussi fortement que le ministre d’Etat, prenne dans les meilleurs délais à sa convenance, les dispositions requises pour la suite conséquente du processus.
Que les résultats des plans stratégiques issus des travaux du forum servent absolument de cadres stratégiques pour l’élaboration du PDDSE 2016-2025.
Que les dispositions idoines soient prises au vu des résultats du forum et dans les délais requis afin de donner :
– Premièrement au PDDSE, l’ancrage institutionnel lui permettant d’assurer véritablement son rôle de gestion opérationnelle du secteur de l’éducation à l’interface des différents sous secteurs y afférents.
– Permettre l’élaboration du PTA 2015 STP-PDDSE sur la base des indications subséquentes aux résolutions annexées au Forum
Mettre à disposition du STP-PDDSE, via les différents ministères des sous secteurs de l’éducation, les moyens financiers matériels et humains requis à cette fin.
– Que le STP-PDDSE prenne les dispositions nécessaires pour que le PDDSE 2015-2025 soit élaboré et soumis à l’adoption par le gouvernement au plus tard fin Octobre 2015 étant donné que les deux plans stratégiques issus du forum sont soumis à l’adoption par le gouvernement au plus tard fin Avril 2015.
– Que le dialogue social soit amélioré de manière à sauvegarder le temps scolaire, l’école étant une institution sacrée qui ne doit nullement être l’objet d’un quelconque malaise social.
– Que les relations entre les partenaires sociaux c’est-à-dire le gouvernement, les syndicats et le patronat s’inscrivent dans une logique de prévention et de veille sociale avec une fréquence rapprochée.
– Que le gouvernement exploite favorablement les résultats de la commission du partenariat public-privé sur l’appui de l’Etat aux établissements privés d’enseignement et de formation en tenant compte de l’environnement national et régional et ce, sur la base de référents et critères bien définis.
En outre le forum recommande au regard de la vision clairement exprimée par le Chef de l’Etat de faire du Bénin « le quartier numérique de l’Afrique », de construire une ville numérique au Bénin. Cette ville qui comprendra des infrastructures d’accès à la connexion haut débit, des immeubles intelligents, des centres de données et de formations, abritera aussi une université numérique du Bénin. Chaque étudiant, chaque enseignant doit également être doté d’un ordinateur portable et connecté et de ressources numériques.
Fait à Cotonou le 19 décembre 2015.
Le Forum
Adjéï KPONON (Stg) & Estelle DJIGRI