La chronique actuelle va partir, comme l’aiment les syndicalistes, de préalables. Je me souviens de certaines périodes lorsque nous étions dans le feu de l’action au niveau de l’éducation, de cette peur bleue ou plutôt noire que nous avions de ces frères de la société civile qui faisaient la pluie (surtout) et le beau temps (rarement sinon pour eux-mêmes).
Les syndicalistes, cette race de dinosaures lentement et sûrement en voie de disparition au Bénin pour s’être fait exterminer, comme jadis par un cataclysme qu’ils ont, eux-mêmes, nourri et entretenu. Ils ont préfiguré, imposé et mis en place la nouvelle révolution socio-politique d’aujourd’hui et, après tous les ténors dont les verbes fleuris et les actions percutantes ont anéanti le ‘‘Changement et la Refondation’’, s’en sont allés sur la pointe des pieds. Quid des Confédérations ou de la pléthore des syndicats dans l’éducation qui se font actuellement remarquer par leur silence assourdissant ?
Et ce monde, englouti par la nouvelle vision socio-politique, demande à cor et à cri qu’on le consulte avant de prendre les décisions. Peine perdue. Quelques purs et durs ont essayé de résister là où leurs aînés, en s’accordant des facilités à une certaine époque pour lutter contre l’ordre précédent, ont peut-être ouvert la voie à la quasi-déchéance de ce type de contestation qui rythmait autant le social, l’économique et le politique. La question est alors : que nous reste-t-il de ces hommes du social qui savaient soulever des montagnes et plier des hommes d’Etat !
La réponse à cette question est multiple et peut recourir à l’actualité immédiate où s’est tenue une grande réunion avec tout ce qui compte encore comme syndicalistes et un grand nombre d’autorités. Le communiqué syndical exprimant la grande satisfaction de cette caste d’anciens seigneurs est révélateur d’une nouvelle vision différente et qui pourrait plonger dans un abîme de perplexité si on ne comprenait pas que le grand crédit dont ils jouissent, de nos jours, dépendait de leur discipline.
En même temps, on se surprend à examiner une seconde réponse à cette situation ; réponse dans laquelle un glorieux syndicaliste dénonçait, dans un article au titre aussi pompeux que maladroit, la décision bien pesée du ministre en charge des Enseignements Maternel et Primaire, de favoriser le passage en classe supérieure des enfants. Je ne cautionne pas nécessairement la décision ministérielle, mais je la comprends et la trouve courageuse au regard de deux facteurs :
Le premier, c’est que, pour ceux qui ont un peu voyagé, je ne connais pas de pays d’Afrique francophone qui soit véritablement en avance sur le nôtre, malgré les évaluations misérabilistes effectuées loin de chez nous, avec des paramètres quasi-étrangers, qui me laissent toujours sur ma faim. Le second, il y a la situation de la Covid-19 que l’autorité ne cite pas et dont l’ombre douloureux plane sur notre éducation. Nous ne devions pas subir une année, non pas blanche mais coloriée, bigarrée, hétérogène et hétéroclite. C’est pourquoi je comprends la décision de l’autorité de l’éducation à laquelle on peut tout reprocher, sauf sa qualité de bon pédagogue.
C’est pourquoi on s’étonne de la tribune de notre autrefois valeureux syndicaliste toujours présent par une vision qui n’a pas su analyser les contours véritables de la décision qu’il s’est quand même empressé d’accepter après la rencontre avec les autorités où il s’est facilement satisfait d’à la fois beaucoup et peu.
Ce qui va nous mettre tous d’accord, c’est la réaction des hommes de terrain, i.e. enseignants, directeurs d’écoles et responsables pédagogiques qui ont pris des décisions courageuses face à la plupart des élèves qui avaient évidemment pris le temps d’oublier la plupart des notions depuis qu’ils étaient à la maison, au champ ou derrière les bœufs paternels. On a trouvé le moyen de retenir les plus cancres dans leurs anciennes classes. Mais aussi, un peuple, le peuple des élèves ou tout simplement de l’éducation qui a avancé d’un cran, mettant ainsi en place les germes d’une révolution dans les principes d’évaluation sacro-saints hérités de la colonisation.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe