Qu’est-ce qu’on peut encore dire sur cette pandémie qui a explosé notre existence toute entière. Les décomptes macabres s’enchainent et, malgré l’habitude, la terreur s’est installée de façon durable à tel point que nos têtes et nos cœurs sont toujours enfoncés sous la couverture à la fois de la peur, de l’espoir mêlé d’une inconscience qui nous demande d’oser vivre.
Moi j’ai fini ; je ne lis plus rien sur cette littérature morbide et nocive de la Covid-19 où, en définitive, nos angoisses sont plus puissantes que le mal : avez-vous oublié que dans nos familles, on avait du plaisir à expectorer bruyamment pour montrer son contentement lorsque le savoureux piment rencontrait un palais jouissif ? Ah quel dommage : o tempora, o mores !
C’est pourquoi lorsque la grande dame de la littérature béninoise Adelaïde FASSINOU ALLAGBADA m’invita au détour d’une activité qu’on réalisait de concert, à lire son dernier ouvrage qui parlait de ce monstre, je pris le livre que je jetai négligemment quelque part. Et pourtant, je l’avais passé pour le feuilleter plus tard par politesse.
Cette nuit, avant de retrouver les bras de Morphée, je jetai un coup d’œil à la couverture du livre qui ne m’attirait guère et je le pris, l’effeuillai et me surpris à découvrir une Covid-19 nouvelle. Avec sa verve et sa truculence habituelle, l’auteure me tint sous le charme d’un récit qui rendait compte de sa vie, dans et sous la Covid-19. J’en avais lu d’autres que je ne finissais jamais, mais je me surpris à communier avec une personne dont l’expérience de la pandémie rencontrait la mienne, la nôtre, l’éclairait et en même temps nous donnait cet espoir que nous n’étions pas seuls à vivre cette tragédie.
Je me retrouvai à la fin du récit de la grande dame qui a su camper et faire vivre nos peines, nos appréhensions mais, qui, curieusement montrait un ensemble de leçons de vie et d’espoir qui nous interpellaient. Je me surpris à continuer l’aventure, sinon le périple de cette dame à travers tous les autres auteurs. Chaque intervenant révélait un vécu à la fois différent et complémentaire, où la même complainte liée à la pandémie trouvait à la fois dans le fond et la forme des tons différents pour exprimer la même douleur mais, avec des accents tragiques, intimes, comiques, voire burlesques pour quelqu’un qui, à travers toutes ces douleurs, ne rêvait que d’une chose : son vin quotidien.
Il y a un auteur célèbre qui s’étant interrogé soulignait que : ‘‘Quelle terre allions-nous laisser à cette génération’’ et un autre lui répondait : ‘‘Quelle génération allions-nous laisser à cette terre’’. Ce qui revient à cette question existentielle qu’on retrouve dans les différents récits de ce livre qu’on devrait appeler « Houénouho » ; ce qu’on pourrait traduire par ‘‘Notre histoire’’ !
Dans ce monde qui tourbillonne à une allure folle, on se surprend à se demander si nous avions encore la main mise sur les éléments de l’éducation à transmettre aux enfants tant les aléas nous submergent. Il faudrait quand même, par-delà nos peurs et nos incompréhensions, tenter de résister par tous les moyens. C’est tout simplement ce que fait cette littérature plurielle, diversifiée qui allie de la prose à des vers et que l’auteure béninoise a coordonné. Tout ce monde a le courage de consigner notre histoire qui se résume à : ‘‘J’écris, donc je suis ou entendez ; je crie donc le suis’’.
Les cris du cœur et de l’âme de ces auteurs devraient laisser à nos descendants ce qui va les façonner et les élever : notre histoire est leur histoire ; nos peurs, nos peines et nos joies passées devraient être le limon qui va les façonner de telle façon que nous saurions que nous n’avions pas vécu pour rien ? Nous avions laissé des traces qui ont marqué et fortifié la génération montante. Car, la peste est passée et elle a été vaincue ; la grippe espagnole est passée et elle a été vaincue. Mais alors la Covid-19 autant que le Sida passeront et nous avions laissé des repères pour les comprendre, les expliquer et les expier. Ainsi, autant qu’un livre saint et prémonitoire, prenons l’impérieuse nécessité de nous le procurer, de le partager et de le placarder partout où besoin sera car, il y va de notre vie et celle de nos enfants qui liront ce témoignage qui soutient que nous avions vécu et vaincu le démon de ce siècle !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe