L’Université d’Abomey-Calavi (UAC) abrite de grandes facultés et des établissements à vocation professionnelle. Après plus de 50 ans d’existence, les conditions d’apprentissage des étudiants dans les écoles continuent d’être meilleures que celles des étudiants inscrits dans les facultés. Pour comprendre la persistance de la situation, Educ’Action a promené son micro dans les établissements de la première université du Bénin. Reportage !
Il est 11 heures ce mardi 8 mars 2022 à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). À l’École Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM), les cours se poursuivent à un rythme effréné.
Dans les salles de classe où sont formés des cadres destinés aux administrations et aux entreprises, les enseignants sont à leurs postes et continuent d’administrer leurs cours. Face à eux, les étudiants vêtus de leurs uniformes de couleur verte rayée de blanc sont confortablement assis et suivent attentivement l’exposé.
Assis sur une moto devant l’établissement, Thimorencio Zinsou, étudiant en année de Licence de gestion finance et comptabilité confie que « les cours se passent très bien ». Il ajoute que la programmation de certaines filières empiète parfois sur d’autres mais depuis l’arrivée du nouveau directeur, les choses se sont améliorées.
Un constat que partage Félix Hounvenou, étudiant à la Haute École d’Hôtellerie et de Tourisme (HEHT). Vêtu d’un uniforme de couleur blanche flanqué d’un logo vert, il confirme que « les cours se passent très bien. On n’est pas nombreux dans les salles, ce qui nous permet de bien suivre les cours et également aux enseignants de connaître à peu près ceux qui sont dans la salle », confie l’étudiant, le visage serein. À côté de ce satisfecit dans les écoles, c’est un autre constat qui est fait dans les facultés.
Le calvaire dans les facultés
A quelques pas de l’ENAM, c’est l’amphi 1 000 qui se dresse avec ses grands murs. Principalement destiné aux étudiants de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG), il sert aussi de salles de cours pour les autres facultés à grands effectifs. L’âge avancé de l’infrastructure se distingue bien sur les murs et les nombreux sièges qui y sont installés.
À côté de l’amphithéâtre, les bancs publics installés servent d’espace de repos pour les étudiants. Comme les autres, Sarah Degbelo profite aussi de l’ombrage des arbres pour souffler un peu. Détentrice d’une licence en analyse de projet à la FASEG, elle a accepté de se confier au reporter de Educ’Action. Selon elle, la formation est un peu difficile parce que les conditions ne sont pas favorables pour étudier. « L’amphithéâtre 1 000 est réservé pour mille étudiants, mais vous y verrez plus de cinq mille étudiants », laisse entendre Sarah.
Avec ce nombre pléthorique, lors des cours dans l’amphithéâtre, Sarah affirme que « l’amphithéâtre est séparé en deux parties. Il y a la partie des étudiants qui est proche du tableau et qui a la possibilité de bien suivre, puis la partie supérieure qui n’a pas du tout accès à ce que le professeur dit. Cette partie, si elle n’arrive pas à suivre ce que le professeur dit, je ne vois pas comment elle peut se débrouiller pour venir répondre aux questions lors des examens ».
Yolou Narcisse Paterson est lui aussi étudiant dans une faculté à grands effectifs : la Faculté des Sciences Humaines et Sociales (FASH). Assis à l’ombre des arbres non loin de la cantine de l’ENAM, l’étudiant en 1re année de sociologie, affirme, d’un air craintif : « Les conditions dans lesquelles nous sommes ne nous permettent pas de nous concentrer. Avec la chaleur dans les amphithéâtres, il n’est pas possible de suivre convenablement les cours. » Face à ce constat, les raisons invoquées sont nombreuses, mais la principale est l’effectif pléthorique des apprenants dans les facultés.
L’effectif pléthorique des étudiants pointé du doigt
Place est donnée à Joël Kpenonhoun, moniteur éducatif à l’UAC. Il a accepté de nous recevoir dans la salle I de la zone master. Très bien vêtu dans son complet de Bazin scintillant, il affirme que « Ce qui pose vraiment problème dans les facultés, c’est la difficulté pour l’enseignant en faculté, où l’effectif est pléthorique, d’avoir une relation individualisée avec chaque étudiants ». C’est la première difficulté évoquée par Joël Kpenonhoun. Il plaide la cause des enseignants face aux peines qu’ils rencontrent. Il explique que : « si un enseignant doit avoir devant lui près de cinq cents étudiants, il est improbable qu’il soit en mesure de faire passer son cours convenablement et c’est d’ailleurs ce qui rend les conditions d’apprentissage très difficiles dans les facultés. » Il poursuit en précisant que « si nous devons construire les amphithéâtres de mille places, on ne résoudra pas le problème ». Pour l’éducateur, le vrai problème dans les facultés n’est pas directement lié au manque d’infrastructures et d’amphithéâtres mais c’est l’effectif pléthorique des étudiants. Face à la difficulté des enseignants et des étudiants, les autorités à divers niveau ne sont pas restés les bras croisés.
Les changements sont en cours
Les conditions d’étude sont effectivement différentes à l’UAC, entre facultés et écoles. C’est le premier constat que fait Achille Sodégla, sociologue de son état. Soigneusement habillé, le spécialiste de l’étude de la société soutient fermement que les choses ne peuvent qu’évoluer de façon progressive. En effet, « il faut reconnaître qu’un effort très louable est en train d’être fait et c’est de façon progressive que les conditions vont s’améliorer. Pour le moment, on doit pouvoir se contenter de ce que nous avons », fait savoir le sociologue.
Pour étayer son argumentation, il ajoute que « hier, on pouvait voir des étudiants s’asseoir sur des briques, se disputer pour des bancs, mais on doit tous être d’accord aujourd’hui que la situation s’est améliorée ». De même, clarifie-t-il, les « classes volantes » sont réorganisées et il n’y a plus d’agglutination dans les amphithéâtres. « Le service d’organisation des salles à l’université répartit chaque mois les salles de cours, ce qui fait que les conditions d’apprentissage dans les facultés se sont améliorées. », a-t-il aussi laissé entendre.
Manque de moyens pour l’amélioration des conditions d’apprentissage
A quoi est due cette lenteur dans l’amélioration des conditions d’apprentissage des étudiants dans les facultés ? A cette question, le moniteur éducatif à l’UAC, Joël Kpenonhoun répond que cela provient du manque de ressources. « C’est l’État qui attribue des bourses et secours aux apprenants. Ce qui revient à dire que la formation est gratuite », fait-il savoir d’entrée de jeu. Cependant, l’État n’a pas que l’université à financer, il y a également d’autres problèmes dans le pays qu’il faut résoudre. C’est ainsi, à l’en croire, que l’université se retrouve face au manque de moyens financiers.
Pour le docteur en sociologie à l’UAC, Achille Sodégla, l’éducation est un secteur de développement qui nécessite beaucoup de moyens financiers. Selon lui, l’amélioration des conditions d’apprentissage des étudiants ne peut-être que progressive : « Ceux qui l’on fait, ce n’est pas du jour au lendemain. C’est au fil du temps que l’université va réussir à s’adapter ». Au vue de ces nombreux défis, les différents acteurs n’ont pas manqué de proposer des solutions.
Approches de solution
Pour la plupart des étudiants de l’UAC, l’amélioration des conditions d’apprentissage dans les facultés doit passer par la construction de nouveaux amphithéâtres et l’acquisition de biens matériels. L’éducateur Joël Kpenonhoun n’est pas totalement d’accord. Il explique qu’en plus des moyens et subventions qui se révèlent indispensables pour l’amélioration des conditions d’apprentissage des étudiants, il faut également réfléchir au système éducatif. Selon lui, le système éducatif au niveau des étudiants, des enseignants et même des personnels administratifs de l’université a des problèmes. De plus, la disponibilité de l’internet est indispensable pour permettre aux étudiants de recevoir en ligne les cours de leurs enseignants.
Destin SOVIMI (Stg)