Commande et réception de livres spécialisés à l’étranger : Les difficultés insoupçonnées des libraires béninois - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Commande et réception de livres spécialisés à l’étranger : Les difficultés insoupçonnées des libraires béninois

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Le livre est l’un des meilleurs instruments d’acquisition de la connaissance, notamment dans des domaines pointus. Cependant, force est de constater que les librairies béninoises sont généralement confrontées aux difficultés d’approvisionnement des ouvrages spécialisés pour garnir leurs rayons et satisfaire la clientèle demandeuse, majoritairement composée de chercheurs, de scientifiques et d’universitaires. Les usagers (cible demandeuse des ouvrages spécialisés) font donc recours à des commandes spéciales par l’intermédiaire de ces librairies. Educ’Action fait une incursion dans cet univers pour s’imprégner de ce que vivent ces militants de la connaissance.

Ce mardi 06 octobre 2020 dans le jardin universitaire de l’UAC, c’est le calme plat qui règne sous un ciel bien ensoleillé. Ce n’est pas encore la grande affluence sur le campus car, l’heure est aux évaluations dans la plupart des facultés. Au milieu des roucoulements des oiseaux, tout le monde s’affaire au Campus Numérique Francophone de Cotonou (CNFC), qui fait corps avec l’espace de repos des étudiants et la bibliothèque Universitaire. Seule au milieu de trois hommes, Ghislaine Jebou Zannou, chargée de la comptabilité et de l’Information Scientifique et Technologique (IST), accueille les usagers qui vont et viennent pour divers objets. Dans sa robe bleue, la dame aux rondeurs typiquement africaines manie les dossiers, de mains de maître, d’un document à un autre, d’un équipement à un autre. Les charges, elle en a beaucoup, parmi lesquelles la gestion des ressources documentaires de la maison. C’est à ce titre qu’elle s’occupe aussi de la commande de divers ouvrages et documents pour les usagers des universités membres de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) au Bénin. « Dans le cadre de la rédaction de leurs thèses, mémoires ou exposés, les acteurs de la communauté universitaire que représentent les enseignants, les chercheurs et étudiants recourent aux services de fourniture de documents scientifiques à travers la commande de livres, de thèses ou des articles », renseigne Ghislaine Jebou Zannou dans sa tenue à l’effigie de diverses figures religieuses catholiques. Comme elle, Prudentienne Houngnibo Gbaguidi, directrice de la Librairie Notre Dame à Cotonou, rappelle les motivations des usagers qui viennent commander des livres : « lorsque le livre que le client cherche n’est pas disponible, on lui propose un service spécial qui est le service ‘’commande spéciale’’. La deuxième raison, lorsque les clients qui ont l’habitude d’acheter ici ne trouvent pas les livres, ils nous demandent de les commander ». Pour les habitués des rayons des librairies, ils sont au fait de la rareté ou de la non disponibilité, quelques fois, de certains bouquins spécialisés dans les librairies béninoises. Certains clients des librairies comme Dr Prosper Tobago, docteur en sciences de l’Education, en témoigne : « j’ai fait recours à une librairie pour acheter des livres à plusieurs reprises parce que les livres ne sont pas disponibles sur place, surtout quand on veut faire un travail de recherches comme un mémoire, une thèse ». Pour satisfaire leurs clients, les librairies respectent certaines procédures.

La procédure pour passer des «commandes spéciales» pour l’achat des livres spécialisés …

Située en plein cœur de Cotonou, la librairie Notre Dame offre la possibilité à ses usagers de passer par elle pour acheter des livres à l’étranger. C’est la directrice de la librairie qui nous explique la procédure à suivre. Après l’identification du livre et de ses données bibliographiques par le client, qui en informe la librairie, cette dernière entre en contact avec son grossiste. « A l’étranger, ce n’est pas souvent la maison d’édition qui assure la distribution du livre. Nous avons des grossistes qui assurent la distribution de presque tous les éditeurs. La spécificité en matière de livres, c’est qu’un livre est distribué à l’étranger par un seul distributeur, ce n’est pas comme les stylos et les cahiers vendus par tout le monde à la fois », fait savoir la directrice. Une fois la liste des livres transmise au distributeur, ce dernier, selon l’accord qu’il y a entre lui et la librairie, envoie une cotation. « Ensuite, vous réglez les frais avant d’avoir le livre. Si vous avez un compte ferme avec eux, ils peuvent directement vous passez la commande », poursuit la directrice, jointe au téléphone. Une fois la commande lancée par le distributeur, vous discutez des paramètres de réception des livres. Elle révèle à ce propos : « lorsque la commande est lancée, vous retenez avec la maison de distribution le type d’expédition que vous voulez, c’est-à-dire une livraison à domicile ou une livraison qui s’arrête au port ou à l’aéroport, etc. Puis, vous définissez les conditions de livraison. Le distributeur vous demande le mode de transport. Nous avons l’habitude de commander par avion et par bateau. Depuis là-bas, la maison de distribution fait votre colis et le remet au transporteur. Ce dernier convoie votre colis vers Cotonou ». Le CNFC fait aussi recours aux librairies telles que Notre Dame pour l’achat des ouvrages à l’étranger. Selon Ghislaine Jébou Zannou, ladite librairie s’occupe du traitement et du suivi des commandes reçues jusqu’à l’acquisition des livres commandés, les frais étant à la charge de l’usager bénéficiaire. En ce qui concerne les Informations Scientifiques et Technologiques, cette dernière révèle que l’AUF subventionne la commande et la fourniture des IST en pratiquant des tarifs forfaitaires en faveur de ses usagers. De plus, l’Agence met gratuitement à la disposition de ces derniers des contenus bibliographiques et documentaires en libre accès sur l’Internet à travers la Bibliothèque du Nouvel Espace Universitaire Francophone (BNEUF). De part et d’autres, libraires et habitués de ce service reconnaissent que tout n’est pas aussi rose qu’on pourrait le croire.

Taxes, faux frais, transport du livre en Afrique comme principales difficultés des libraires …

Habitué à ce service durant trois ou quatre ans avec la librairie Buffalo, Prosper Tonato est formel : « le service offert est bon. J’ai toujours reçu les livres que j’ai commandés, mais, quelques fois, cela traîne avant de venir et c’est un peu plus cher ». A ces désagréments du client, Prudentienne Houngnibo Gbaguidi, directrice de la Librairie Notre Dame à Cotonou, apporte quelques réponses en pointant du doigt les difficultés rencontrées par sa corporation. « Lorsque vous commandez un livre à l’étranger et que le transporteur ne livre pas à temps, vous aurez du retard sur votre commande », annonce-t-elle d’entrée de jeu d’une voix calme. Poursuivant dans les explications relatives aux problèmes rencontrés, elle ajoute que les commandes passées dans les pays de l’Union Européenne ne rencontrent pas trop de difficultés, mais ce n’est pas le cas pour les pays de la sous-région et de l’Afrique en général. « A ce niveau, la difficulté majeure est le transport du livre. Même une simple commande en Côte d’Ivoire est difficile à avoir. Le coût est élevé, il y a des risques de vol par des personnes mal intentionnées et la marchandise peut être endommagée. Le coût du transport est élevé et il y a tellement de faux frais qu’une simple commande de livre en Côte d’Ivoire ou à Lomé peut vous revenir chère. La difficulté que tous les libraires rencontrent, c’est le transport du livre en Afrique, le coût est très élevé », dénonce-t-elle. Même si au Bénin le livre est exonéré de la TVA, fait-elle observer, « ce sont les autres taxes que nous payons comme la taxe douanière, qui sont importantes et qui agissent sur le coût du livre. Les taxes sont tellement nombreuses que lorsque vous faites le calcul, vous êtes obligés de réduire votre marge bénéficiaire ». Au passage, Prosper Tonato constate que les librairies béninoises sont peu fournies, car il y a de nombreuses spécialités pour lesquelles les livres ne sont pas disponibles. Dans cette catégorie, les livres les moins disponibles dans les librairies sont les ouvrages techniques, scientifiques, de médecine et les encyclopédies. Alors que faire ?

Des pistes de solutions pour sortir la tête de l’eau …

Depuis son bureau de Cotonou, Prudentienne Houngnibo Gbaguidi appelle les acteurs de la chaîne du livre à l’union sacrée. « Si on arrive à uniformiser le prix du livre au Bénin, on aura beaucoup à gagner comme en France. Là-bas, quelles que soient les taxes que vous aurez à payer, le livre a un seul prix », fait-elle savoir. Elle ne manque pas aussi de solliciter le coup de pouce du gouvernement et de l’Assemblée nationale tout en souhaitant que les textes soient votés à cet effet. Le docteur en sciences de l’éducation, quant à lui, souhaite par contre que les librairies soient plus fournies et qu’il y ait une véritable politique du livre au Bénin.

Adjéi KPONON

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