CNE : machin ou grande muette ? - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

CNE : machin ou grande muette ?

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On se souvient de cette célèbre expression de Charles de Gaulle, qualifiant l’Organisation des Nations Unies appelée à rassembler et à aider les pays à se comprendre et à se réaliser : ce machin ! Pour signifier qu’il n’y croyait pas. Que dire alors de notre Conseil National de l’Education appelé à rassembler, coordonner et réagir avec qualité et efficacité sur tout ce qui concerne l’éducation et qui brille par son silence.
Les attentes ne sont pas grandes ; elles sont immenses. D’abord l’accouchement a été difficile, la mise en place minutieuse voire tatillonne et alors, nous acteurs et consommateurs de l’éducation, nous attendons le démarrage après une mise en place, grandiose par l’autorité supérieure du pays. Les Ministres en parlent tout le temps pour les accompagner, les syndicalistes aussi sans oublier tous ceux qui respirent et soupirent dans le sous secteur de l’éducation.
Le CNE s’est installé dans un contexte extérieur difficile avec l’arrivée de la crise mondiale de la Covid-19. Pire certains problèmes intérieurs comme la dépravation sexuelle à l’école, sont venus ajouter à une situation où on avait envie d’écouter et d’apprécier l’efficacité immédiate et sans recours de ce gouvernorat de l’éducation. Mais que nenni, ce fut un silence réseau ! Pour la plupart d’entre nous qui aspirions vivement à nous abreuver à la nouvelle source limpide et quasi biblique de l’éducation, nous sommes restés sur notre soif. Que se passe-t-il ? Si ce n’est pas un machin, a-t-on créé à l’image de nos armées partout dans le monde, une grande muette qui se contente d’exister, d’obéir et surtout de ne pas parler ? N’y a-t-il pas assez de qualités et de compétences ?
En réalité, la première chose dont on est sûr, c’est que c’est vraiment une belle équipe avec des compétences diverses et diversifiées qui ne manque pas sûrement, à l’image de toute équipe, de quelques farceurs au verbe haut mais à la tête vide qui se seraient subrepticement glissés dans ce milieu de qualité. Mais il faut de tout pour faire un monde ! Le problème est donc ailleurs et révèle d’un dilemme shakespearien à savoir « être ou ne pas être » ! Ainsi, doit-on être celui qui réagit aux opportunités ou qui construit dans le marbre ; doit-on prendre le temps pour déblayer tout l’ensemble du système ou le prendre par le bout qui se présente ; doit-on être opérationnel ou stratégique ?
Dans une structure rattachée à l’autorité supérieure mais qui doit éviter de se présenter comme un super ministère, il faudrait savoir prendre sa place et ménager la chèvre et le chou de telle façon que la principale difficulté de l’entreprise ne sera pas dans la mise en place des activités, mais surtout de la gestion des hommes. Ainsi, l’éducation béninoise n’a pas besoin de censeurs avec des avis péremptoires de la chose jugée sans recours, mais de philosophes (philo qui signifie amour, désir ou recherche et Sophia qui signifie sagesse, savoir ou connaissance), c’est-à-dire des êtres capables qui désirent savoir, qui sont humblement à la recherche permanente de la connaissance pour aider notre peuple à progresser à travers ses qualités, ses spécificités. Il ne s’agira d’ailleurs pas d’arriver à la vérité, mais d’initier des principes et méthodes efficaces et efficients.
Ainsi, la première étape était d’asseoir l’institution à travers les différentes programmations de base. Il s’agira ensuite de mettre en place quelques repères afin de participer au dialogue social en demandant au Gouvernant commanditaire l’autorisation d’écouter et surtout de parler ; celle d’interpeller et d’être interpellée, car il n’y a pas de droit sans devoir et la prise de conscience permanente d’un devoir anoblit le droit.
Pour terminer, il serait intéressant de rappeler ce qui fait le fondement du CNE à savoir son caractère stratégique, car il appartient aux Ministères de l’éducation et autres structures annexes de s’occuper de l’opérationnel. Comment alors réagir face à la Covid-19 et à la dépravation sexuelle dans nos écoles ? Si la première réponse est plus complexe, la seconde est, à la limite, plus facile si on s’intéresse ici à la cause racine du phénomène observé à savoir des comportements anormaux dans les écoles. Il s’agira alors de reprendre les autorisations d’ouverture des écoles de telle façon qu’un certain des éléments relevant de l’éthique, y soit intégré en termes d’infrastructures et de règles : chaque école doit prévoir des lieux de repos et un nombre réglementaires de surveillants sans oublier, selon la grandeur des conseillers d’éducation pour écouter et accompagner des élèves sans repères. Ceci aura un effet rétroactif ! Ce que nous attendons donc, ce n’est ni un machin, ni une grande muette, mais des sages pétris d’humilité et de talents.

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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