Changement constant de domiciles par des parents d’élèves : Un facteur de contre-performance chez l’apprenant - Journal Educ'Action
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Changement constant de domiciles par des parents d’élèves : Un facteur de contre-performance chez l’apprenant

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Volontaire ou involontaire, le changement de location des parents bouleverse bien des habitudes dans le rang des apprenants. Seulement, une telle décision prise, au cours ou en fin de l’année scolaire, pour diverses raisons, fait souvent le lit à la distraction et la contre-performance chez des apprenants. Votre journal Educ’Action vous amène dans le monde des parents déménageurs. Reportage !

Il est 17 heures ce samedi 24 avril 2021. Nous sommes dans le département de l’Atlantique, précisément dans le quartier de Gbodjè-Womey. C’est ici que réside avec sa petite famille depuis 2019, Emmanuel Kokouvi Dossekou, parent d’élèves et agent de transit. Père de quatre (04) enfants, le transitaire se plaît dans sa maison qu’il a intégrée depuis trois (03) ans. Il a quitté la location dans le quartier ‘‘Ste Rita’’ à Cotonou pour s’installer dans sa propre maison. Du haut de ses 1 mètre 66 de taille, il se rappelle de la raison qui justifie son changement de demeure. « J’ai déménagé parce que le loyer a augmenté. J’ai décidé, cependant, de ne plus faire la volonté de mon propriétaire. Je suis parti malgré moi. Ce déménagement est survenu en période de vacances », confie-t-il au micro de Educ’Action. Les déménagements, qu’ils soient volontaires ou involontaires sont légion et de divers ordres. Plusieurs facteurs contribuent au changement de domicile des parents au cours ou en fin d’année scolaire.

Des facteurs liés au déménagement des parents d’élèves

Le changement de résidence des parents d’apprenants intervient à des moments où ces derniers sont dans l’obligation, de quitter la maison. Abdoul-Azizou Moussa, directeur du Cours Secondaire « Le Jardin d’Eden », une école sise dans le quartier Aïbatin I, précisément en face de la Forge Appelé de Adjaha ,étale quelques raisons contributrices au changement de logement des parents. « Si c’est un parent, Agent Permanent de l’Etat affecté, il est tenu de déménager parfois avec sa famille pour rejoindre son poste. Il y a aussi le fait que la personne ne se sent pas à l’aise dans la maison louée. C’est peut-être des accrochages avec le propriétaire dus à un compteur commun ou le local ne lui convient plus. Il était venu avec une femme par exemple. Mais avec le temps, la famille s’agrandit. Il se sent obligé de quitter cette maison. L’inondation peut être aussi une cause de déménagement», a-t-il expliqué, renseignant sur les raisons du déménagement forcé des parents d’élèves. « Absolument ! », s’exclame Amédée Joseph Odunlami, enseignant-chercheur en sociologie de l’éducation à la retraite. Il soutient relativement Abdoul-Azizou Moussa, également enseignant d’histoire-géographie au Secondaire en ces termes : « par exemple, si le parent a un terrain hors de la ville et qu’il préfère ce terrain à celui de la ville à cause des bruits interminables, il déménage avec sa famille. Il y a d’autres déménagements qui surviennent lorsque le propriétaire crée des difficultés au locataire. Donc, il choisit de le quitter ou c’est le propriétaire même qui lui intime l’ordre de quittersa maison ». Pour Modeste Houessou, docteur en sciences de l’éducation, le déménagement survient quand le parent n’est plus capable d’honorer ses engagements dans la maison.
Au regard des différents propos, force est de constater que le changement de domicile des parents d’élèves est tributaire de l’évolution des conditions professionnelles, sociales et financières. Cependant, bien que le déménagement soit préparé, des parents d’élèves sont confrontés, dans le temps, à une course contre la montre en termes de constitution des dossiers pour le transfert de leurs progénitures. Une situation liée non seulement à la classe sociale d’appartenance de certains parents mais aussi à la négligence d’autres.

Du transfert des apprenants : question de classe sociale ou négligence ?

Il y a un déphasage entre la préparation du changement de domicile et celle de l’apprenant pour la poursuite de son cursus scolaire dans sa nouvelle école. Cette préparation impose le retrait des bulletins de notes, du certificat de scolarité et bien d’autres. Du reste, ces quelques éléments sont souvent négligés par les parents lors des déménagements. Néanmoins, tous les parents ne sont pas sur le banc des accusés. « Cela dépend de quel parent il s’agit. Dans la société, il y a ceux qui sont à un niveau élevé et ceux qui sont à un niveau plus bas. Donc la couche à laquelle appartient le parent joue un rôle important. Si c’est la haute classe, le parent sait les formalités liées à l’inscription de l’enfant », précise Amédée Joseph Odunlami, ancien président de la Société Béninoise de Sociologie et d’Anthropologie (SoBeSA), mettant en relief le niveau et la qualité de la couche sociale de provenance du parent en déplacement. Il poursuit par ailleurs que dans le rang de certains parents issus de la classe basse, la culture de l’aménagement et du management des apprenants laissent à désirer. D’où, souligne-t-il, ils (les apprenants)en sont victimes en raison de la négligence des parents. « Ça été difficile lorsque je quittais la location pour ma propre maison, surtout avec mes enfants. Les formalités à remplir pour le transfert des enfants nous ont pris du temps », a affirmé Emmanuel Dossekou, reconnaissant ainsi le retard dans la constitution des dossiers des enfants pour leur transfert dans son école d’accueil de Gbodjè. « C’est la conscience parentale qu’il faut activer. C’est un déménagement important pour des causes professionnelles ou de suivi, il faut analyser la situation. Il faut voir si le déplacement de toute la famille est important. Il faut voir s’il faut se déplacer tout le temps avec les enfants », dira Dr Modeste Houessou, psychopédagogue pour interroger la conscience des parents.
Des propos recueillis sur la priorité de certains parents lors du changement de domicile, il ressort que le plus important pour eux est de s’installer d’abord. L’inattention des pièces constitutives par les parents pour le transfert de leurs enfants entraîne, avec le temps, l’oubli de la poursuite des activités pédagogiques de leurs enfants. Un fait qui a des conséquences pédagogiques sur les apprenants.

Du dépaysement au défaut de concentration dans le rang des apprenants…

« Le déménagement a eu un effet néfaste sur mon garçon. Il était habitué à ses camarades à Ste Rita et travaillait ensemble avec eux. Il faut dire que son niveau a considérablement baissé parce qu’il a perdu le rythme à Gbodjè ». C’est la conséquence du déménagement de Emmanuel Dossekou, parent d’élève ,sur le rendement de son garçon. Heureux aujourd’hui de ne plus payer le loyer à son propriétaire, il n’a de cesse de regretter la chute libre du niveau de son enfant. « Un enfant qui déménage n’est pas stable. Il se pose des questions sur les nouvelles personnes qu’il va rencontrer dans la nouvelle école. Si c’était un enfant qui avait un niveau de concentration en classe, le déménagement peut l’affecter », fait savoir Dr Modeste Houessou questionnant ainsi le degré de concentration de cette catégorie d’élèves. Il ajoute que : « pour la plupart du temps, ce sont les nouveaux amis qui intéressent l’apprenant et ces nouveaux amis peuvent constituer une distraction supplémentaire parce que c’est maintenant qu’il reprend le processus. Ce qui ne favorise pas toujours ce dont il a besoin pour mieux se concentrer. Alors que pour travailler en classe, la concentration et l’attention sont des facteurs très importants pour leur réussite ». La première prise de contact du nouvel apprenant avec les acteurs de l’école le désoriente. « Les nouveaux venus, les tout premiers jours, sont d’abord dépaysés parce que ce n’est pas leur école. Ils n’ont pas d’affinités avec les autres élèves ni avec les professeurs », indique Abdoul-Azizou Moussa, directeur du Cours Secondaire ‘‘Le Jardin d’Eden’’, renseignant ainsi sur l’un des comportements de ces cas d’apprenants à l’école et même en classe. Abondant dans le même sens, Modeste Houessou, docteur en sciences de l’éducation apporte des précisions sur le processus d’affiliation. « Lorsque l’apprenant arrive nouvellement dans une école, il y a une part de lui qui a besoin de se faire accepter dans l’école avant d’établir une quelconque relation pédagogique. Quand ce processus n’est pas bien suivi, cela porte un coup à son apprentissage. Il rate complètement son année d’étude », a-t-il expliqué au micro de Educ’Action. Aussi, soutient-il, le constat est fait au niveau des apprenants de la maternelle, CI et CP, du CM2 en 6ième, de la 3ième en 2nde et de la Tle à l’université. De notre descente sur le terrain, le constat fait est qu’il y a des apprenants à contact facile et ceux à contact difficile. Du moins, il existe des élèves qui arrivent à se familiariser avec les acteurs de leur nouvelle école au moment où d’autres peinent à fonder une nouvelle famille scolaire.

Des comportements à adopter vis-à-vis des apprenants

Que doit faire l’enseignant lorsqu’il a dans sa classe un nouvel apprenant ? « La toute première arme de l’enseignant, c’est la psychologie. Il est d’abord un psychologue. Quand l’enseignant a ses apprenants en face de lui, il est appelé à les connaitre. Quand ça va, il le sait. Quand ça ne va pas aussi, il le sait », a laissé entendre d’un air franc Abdoul-Azizou Moussa, avant d’ajouter que le premier travail de l’enseignant, c’est de faire en sorte que les nouveaux venus soient présents non seulement de corps mais aussi d’esprit. « Pour ne pas trop perturber les enfants, il est mieux de se référer aux différentes solutions que sont les internats ou de laisser les enfants souvent chez un frère ou un oncle. Mais la question d’internat est très subtile et délicate à envisager surtout dans un contexte actuel », suggère le Dr Modeste Houessou, émettant, cependant, un bémol sur la question de l’internat. Au nombre des déménagements, il y a ceux qui interviennent en plein milieu de l’année scolaire. Dans cette condition, la conscience professionnelle des enseignants est sollicitée pour le bonheur des apprenants. « J’ai reçu, par exemple, un apprenant après les premiers devoirs du 1er trimestre. Ce qui veut dire qu’il est en déphasage avec tout ce qui est dit. Les enseignants ont déjà proposé des épreuves sur la session normale et il faut non seulement qu’il y ait les cours mais aussi lui proposer uniquement des épreuves pour rattraper les autres camarades. La difficulté est surtout à ce niveau. Ce qui fait que nous ne connaissons pas tout de suite le niveau réel de l’apprenant », a témoigné Abdoul-Azizou Moussa du CS ‘‘Le Jardin d’Eden’’. Une avancée ou une régression s’observe entre les cours reçus dans l’ancienne et la nouvelle école. « Si le professeur ou l’enseignant déroule son cours, il est souvent difficile pour lui d’aller en arrière ou d’évoluer dans le cours lorsqu’il a une nouvelle arrivée. Dans ce cas, l’enseignant doit jauger le niveau de l’enfant pour savoir ce qu’il doit lui apporter », propose le docteur Amédée Odunlami pour orienter les enseignants sur le comportement à adopter à l’endroit des nouveaux apprenants.
Abordant les démarches à entreprendre par les parents sur la formalisation des dossiers de transfert de leurs progénitures, le directeur Abdoul-Azizou Moussa affirme que : « si le parent d’élève sait qu’il doit déménager, depuis l’année en cours, il doit prendre les dispositions pratiques pour ne pas attendre la rentrée scolaire et commencer à courir dans tous les sens. Il informe le chef de l’établissement de son enfant sur son déménagement. Ce directeur, déjà à la fin de l’année, apprête les bulletins de notes et le certificat de scolarité. Le directeur doit se rendre sur la plateforme de Educmaster si, entre temps, il n’avait pas importé les moyennes de ses apprenants sur la plateforme pour faciliter le transfert. Dans ce cas, lors des inscriptions à la reprise, les parents vont remplir les formalités dans les écoles d’accueil ». Par ailleurs, il insiste sur le fait qu’il faut faire photocopier et recopier les cours aux nouveaux apprenants inscrits au cours de l’année scolaire. Car, rappelle-t-il, le fait de recopier est pédagogique.

Enock GUIDJIME

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