Bruno Messan, à propos des alternatives aux châtiments corporels à l’école : « Nous avons développé une alternative qui est l’écoute empathique des enfants » - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Bruno Messan, à propos des alternatives aux châtiments corporels à l’école : « Nous avons développé une alternative qui est l’écoute empathique des enfants »

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L’interdiction formelle du châtiment corporel est une réalité dans nos écoles, aussi bien du public que du privé depuis quelques années. Depuis trois (03) ans, cette interdiction de l’utilisation du bâton et de la lanière dans l’éducation des enfants est prônée par l’Ong Notre Dame des Victoires, qui développe d’autres alternatives pour favoriser la réussite des apprenants. A travers cet entretien, Bruno Messan, président de cette organisation non gouvernementale, revient sur l’expérimentation de cette approche d’écoute empathique sur le terrain. Entretien !

Educ’Action : Présentez-nous brièvement l’Ong Notre Dame des Victoires

Bruno Messan : L’Ong Notre Dame des Victoires a pour vision de vaincre l’échec en milieu scolaire. Pour avoir passé beaucoup de temps dans le monde scolaire en tant que surveillant général de collège, j’ai eu à gérer plusieurs cas qui m’ont fait réfléchir sur les moyens et méthodes utilisés pour communiquer le savoir vivre, le savoir-faire et le savoir-être aux enfants. De ces expériences, j’ai compris que la chicotte ne réglait pas tout. C’est ainsi que j’ai commencé à développer d’autres stratégies qui m’ont permis de comprendre que les enfants ont besoin d’être écoutés, d’être suivis. Nous avons développé d’autres méthodes pour les accompagner et les aider. Nous avons quatre (04) objectifs à savoir : accompagner les enfants présentant des comportements d’incommodité pouvant influencer les résultats scolaires ; contribuer à la vie de l’éducation en famille ; assister les enfants orphelins et enfin, créer un centre d’accueil, d’écoute et de restauration familiale, des centres de récupération, d’écoute dotés de toutes les compétences comme des psychologues, des experts en science du mariage et de la famille, des personnes dotées d’une spiritualité, des sociologues et avocats.

Selon vos expériences, quelles peuvent-être les conséquences de la chicotte sur un enfant ?

A partir des recherches de Catherine Gueguen, basées sur les neurosciences sensitives, il est démontré que le cerveau de l’enfant est un muscle qui se développe et qui a besoin d’une certaine condition. Mais la violence que l’on fait sur les enfants, rétracte ce muscle et l’empêche de se développer normalement et cela se traduit par le retard de croissance au niveau de l’enfant. Donc, toutes les violences ont un impact sur le cerveau de l’enfant. C’est là que l’enfant s’agite plus qu’il n’en faut ou se donne moins qu’il n’en faut. La violence sur l’enfant à 100% ne donne pas de résultats positifs. Même si cette violence permet aujourd’hui de les maintenir dans un cadre scolaire favorisant le développement intellectuel, plus tard, ces violences qu’ils ont reçues, resurgissent et vous verrez que sur les plans affectif, de développement mental et d’épanouissement dans la société, ces enfants ont certains manques.

En lieu et place du châtiment corporel, vous avez donc opté pour d’autres alternatives. De quoi s’agit-il exactement ?

Au sein de notre Ong, nous avons développé une alternative qui est l’écoute empathique des enfants. Adultes que nous sommes, nous nous mettons à la place de l’enfant, dans sa peau pour comprendre ce qu’il a, ce qui lui fait adopter telle attitude au lieu de telle autre. A partir de cette écoute, nous découvrons les vrais visages des enfants. Suite à cela, nous posons des diagnostics qui nous permettent de comprendre l’origine du comportement de l’enfant. Quand l’origine est familiale, nous dépêchons des conseillers conjugaux qui vont au sein de la famille pour échanger avec les parents afin de récupérer cet enfant. Parfois, nous trouvons à travers l’écoute que le problème est spirituel. De l’écoute, nous décelons dans les enfants, des problèmes d’ordre affectif liés à leur croissance. Les parents manquent de compétence pour accompagner les enfants dans ce domaine alors qu’il faut comprendre que l’enfant est en train de croître normalement et s’exprime normalement mais qu’il faut juste l’encadrer, l’accompagner dans son développement.
Le manque de compétences au niveau des parents fait qu’ils aggravent le cas des enfants. A ce niveau, nous avons en notre sein des experts en sciences du mariage et de la famille qui vont à la rencontre de ces enfants pour les aider à comprendre que ce qu’ils vivent est tout à faire normal, mais qu’il faut un adulte mature, les parents en particulier, pour les orienter et pour leur éviter de tomber dans les pièges de la vie. Nous avons constaté qu’il y a rupture de dialogue entre parents et enfants. Au plan affectif, nous avons des élèves abîmés, des élèves déprimés, des élèves dont l’intellect est comme en prison et pourtant les enseignants doivent les enseigner. C’est tout cela qui amène le châtiment, forcer l’enfant à taire ce qui est au fond de lui et à se livrer à ce qu’on lui donne à l’école. C’est ainsi que nous agissons et nous pensons que les parents ont besoin d’être aidés parce que tout ce que nous rencontrons sur le terrain nous conduit directement vers les parents.

Depuis trois (03) ans que vous avez commencé cette expérience, les résultats sont-ils appréciables ?

Quand on commence une expérience nouvelle, on ne se fait pas entendre du jour au lendemain. Ce qui nous réjouit est que quand il y a la gloire en quelque chose, c’est ce que vous faites qui vous rend témoignage parce qu’un parent satisfait en parle à un autre. Trois (03) ans déjà que nous sommes sur le terrain, même avant l’interdiction formelle du châtiment corporel dans les écoles. Etant surveillant dans un collège, j’ai commencé à expérimenter la chose et j’étais mal compris. Mais aujourd’hui, les gens ont vu l’importance de ce que nous faisons et actuellement, nous avons une dizaine d’établissements à notre actif à Cotonou qui nous ont ouvert leurs portes. Nous avons des témoignages qui montrent que ce que nous faisons à de l’impact sur les enfants et peut valablement remplacer la chicotte, tout en donnant la mesure du pour et du contre. Il faut aller aux enfants de manière responsable, avec le cœur vous pouvez frapper votre enfant.

Quel conseil pouvez-vous donner aux parents afin de les amener à éduquer leurs enfants sans faire recours au châtiment corporel ?

L’expérience a montré que quand nous travaillons avec les enfants à l’école sans accompagner les familles, cela est souvent vain. Alors, nous avons ouvert l’école des parents d’élèves qui s’anime une fois par mois au centre du cours d’étude de soutien scolaire. A cette école, nous venons rendre compte de manière mensuelle, des expériences acquises de ce que nous avons entendu et vu tout en respectant le secret professionnel. A cette école, nous informons de manière générale les parents sur les cas que nous avons rencontrés. L’éducation des enfants aujourd’hui nous échappe, nous ne savons pas tout ce que les enfants font derrière nous. Nous avons la stratégie de les mettre en confiance, de les écouter et de les amener à dire ce qu’ils n’arrivent pas à dire à leurs parents. Nous choisissons un thème et nous faisons le bilan du mois. Avec les psychologues présents, nous leur conseillons des attitudes qu’il faut avoir pour accompagner merveilleusement leurs enfants. Nous avons un projet nommé ‘’Accompagnement psychoaffectif, social et spirituel’’. C’est d’ailleurs ce projet qui nous permet d’être en partenariat avec les collèges. Une fois partenaire, nous avons des conférences avec les enfants pour leur faire comprendre les enjeux, l’impact de leurs comportements sur leurs études. Nous écoutons ces enfants sans les juger, les condamner, les accuser et ils viennent librement s’ouvrir à nous. Nous pensons que les parents ainsi que les établissements ont besoin d’accompagnement. Nous avons mis cette structure en place à la disposition des familles, de tout le monde même de l’Etat s’il nous sollicite, parce que nous espérons toucher les établissements publics.

Propos recueillis par Estelle DJIGRI

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