Bob, messager éternel - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Bob, messager éternel

7 mins read

Comment un homme peut-il traverser le pont de l’histoire et parvenir quarante années après sa mort, à raviver sans cesse la chose la plus rare et la plus sublime : le face-à-face entre un père et un fils !
Vous ne me croirez jamais ! Mon fils et moi avions mis aujourd’hui, le même profil sur whatsapp ! Je ne me souviens pas que mes enfants aient jamais eu le même profil que moi sur leur messagerie préférée. Les idées et préoccupations de nos générations semblaient plus qu’éloignées pour ne pas dire opposés. Nous, les parents, représentions le summum des empêcheurs de tourner en rond. Rien ne semblait pouvoir susciter un vrai dialogue entre le vieux et la vielle ringards et la jeunesse plein de vibes et avide d’exister. La vie morne et pesante de la famille se réduisait à : sermons contre argent !
Mais voilà, ô surprise, la photo de Bob Marley (la même d’ailleurs), était sur nos profils en ce 11 mai, jour anniversaire de l’immense prophète. Mais que se passe-t-il ? Ai-je trouvé un moyen de partager un bonjour sincère avec ma redoutable progéniture qui m’avait, depuis longtemps, réduit à une banque tandis que leur maman avait l’insigne honneur de représenter toutes les chapelles religieuses du monde ?
Pendant que je rêvais, surement tétanisé par la grande découverte, mon fils sortit en trombe de la chambre pour s’étonner de notre commun accord ! « Papa, tu as entendu parler de Bob Marley » ? Bientôt mes héritiers m’entourèrent à la fois joyeux, quelque peu moqueurs mais surtout enthousiastes. Ils voulurent toutes et tous me raconter le grand homme qu’il était. « Surtout papa, ne fais pas attention à toute cette fumée qui l’entoure ; écoute ses chansons et surtout les paroles évocatrices, prophétiques ! »
Je n’osais pas leur évoquer deux choses importantes pour moi et qu’ils ne croiront jamais : (1) J’ai été jeune (2) Bob Marley est de mon temps ! Auraient-ils compris pour me pardonner d’exister ou aurais-je tué ce personnage mythique et mystique dont j’ai connu la mort et les funérailles ? Si, si, je vous assure : J’étais élève au lycée quand, par un soir de 1981 où le soleil tardait à se coucher, un ami vint en titubant, le visage en pleurs, psalmodiant la même phrase : « il est mort ; il est mort ! » Je n’osais demander, pressentant une catastrophe familiale et m’apprêtant à le consoler quand il m’asséna la nouvelle : « Bob, Bob Marley est mort ! » J’unis mes sanglots aux siens face à ce deuil mondial qui nous tombait dessus.
Mais alors, pouvez-vous croire que bientôt une profonde affliction gagna tout le pays ! Je ne sais pas si le gouvernement du pays voisin où je séjournais alors, pour ne pas citer le Togo, avait décrété des jours de deuil mais une chose est sûre : spontanément, chaque hameau organisa des chapelles ardentes et des veillées. C’est dire combien ce messie nous avait marqué dans notre jeunesse : c’était en 1981. Aujourd’hui en 2022, mes fils dont la mère était encore, à l’époque, une inconnue, me contaient l’histoire d’un homme qui apparemment est devenu éternel. Par magie, nous nous retrouvâmes à écouter une succession de musique du grand homme. Maman sortit de sa chambre où elle priait quelque vague saint qu’on lui avait encore recommandé et, devant le spectacle se mit à sourire. Son visage devenu avare d’émotions s’éclaira et s’embellit comme antan : j’étais aux anges.
Que faire pour perpétuer ce moment intense ? Existe-t-il donc des ronds-points où les générations se rencontrent encore ? Presque jaloux de celui qui a su parler à mes enfants, j’osai une pique : « mais c’était quand même un drogué, fumeur international de gandja. »
Mais non ! me dirent-ils. Aujourd’hui, nous avions des sociétés occidentales pourries par toutes sortes de drogues, de mal-être se traduisant par les pires déviances sexuelles sans oublier les scandales de toilettes portables (Porta Potty) dans l’immensité froide et solitaire d’un désert noir par son fuel et son argent. Tu ne te rends pas compte que le pire, c’est qu’on tue nos héros car chaque fois qu’on représente ce grand Bob, ce poète et visionnaire, on l’entoure de fumée de chanvre pour faire oublier sa pensée.
Nous écoutâmes en boucle One love et surtout la première strophe où il fustige ceux qui nous ont mis à genoux : « Laisse-les dire toutes leurs sales remarques…Y a-t-il une place pour le pécheur désespéré qui fait souffrir l’humanité pour préserver son seul intérêt ? »
Si chaque jour, l’enseignant pouvait utiliser une pensée du prophète pour commencer son cours, vous verrez des leçons rapidement comprises et des enfants qui ouvriront plus que leur intelligence : leur cœur ! En attendant, je me demandais à la fois songeur et ravi, comment perpétuer cette main tendue par ce grand homme pour promouvoir la force et le pouvoir du vivre-ensemble dans nos foyers et nos pays.

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Les plus récents

error: Vous n'avez pas le droit de copier ce contenu !