Le recueil et la qualité des données statistiques, pièces maîtresses dans le pilotage du système éducatif, ont toujours été une pierre d’achoppement pour la prise de décisions efficaces pour le bien-être du système. Pour combler ce vide, le ministère de l’Enseignement Secondaire a développé Educmaster, une plateforme qui facilite ce pilotage depuis deux années. Educ’Action a tendu le micro au premier responsable de cette plateforme, Bienvenu Blassou, directeur des Systèmes d’Information au Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle (MESTFP). Dans cet entretien, il fait le point des différentes applications de cet outil. Lisez plutôt.
Educ’Action : Qu’est-ce que Educmaster ?
Bienvenu Blassou : Educmaster est une plateforme web créée depuis deux (2) ans, qui permet de piloter le système éducatif dans notre sous-secteur. En réalité, c’est le Système d’Information pour la Gestion de l’Education (SIGE). Elle a été conçue, développée et implémentée dans tous les établissements et dans toute l’administration du ministère. Elle permet de gérer les établissements, c’est-à-dire le personnel enseignant, le personnel administratif, l’identification et le suivi des élèves, les emplois du temps des enseignants, les présences au poste. Au niveau de l’administration, dans une direction centrale, technique ou départementale, cette plateforme permet de gérer le personnel, les archives et beaucoup d’autres choses. Toutes les directions centrales techniques et départementales ainsi que les structures sous tutelle ont un espace sur la plateforme pour gérer leurs personnels et leurs documents.
Pourquoi avoir conçu une telle plateforme ?
Pour faire un bon pilotage, il faut des informations. Ces informations, on ne les avait pas en temps réel. C’est quand il y avait des campagnes statistiques, que les équipes du ministère se rendaient dans les établissements, une fois par an, pour collecter des informations globales : nombre d’élèves, d’enseignants, de table-bancs, etc. Ces informations étaient statiques et ne permettaient pas de faire un pilotage quotidien. Or, avec Educmaster, nous savons de façon quotidienne tout ce qui se passe au niveau de l’administration et des établissements. Par exemple, la plateforme permet de faire le point de présence des enseignants en classe. De même, si un enseignant a cours dans plusieurs établissements, on le voit systématiquement aussi. Avec cette plateforme, nous avons les effectifs des élèves par groupe pédagogique, par établissement, par commune, par département, par sexe, etc.
L’autre objectif, c’est aussi de pouvoir suivre la scolarité des élèves. Nous avons les notes des élèves sur les trois trimestres, pour les établissements privés, et des deux semestres, pour le public. Tous les élèves qu’ils soient du privé ou du public, sont inscrits sur cette plateforme. Nous savons l’effectif des élèves de la 6ème à la Terminale au Bénin, qu’ils proviennent d’un établissement privé ou public. Ainsi, nous avons plus de 700.000 élèves dans le secondaire public et environ 150.000 dans le secondaire privé. Les établissements publics sont au nombre de 916 et ceux du privé sont au nombre de 1560. Nous suivons aussi le transfert des élèves d’un établissement A vers un établissement B. L’élève ne peut plus se présenter avec un faux bulletin, ce qui était fréquent quand les parents voulaient déplacer leurs enfants auparavant. Des cas de fraudes sont déjà détectés et punis. Désormais, si un élève passe ou redouble, on le sait. Donc, un établissement n’a plus la possibilité d’inscrire un élève dans une autre classe que dans celle où il doit être.
Qu’en-est-il de l’identification des apprenants et du travail des enseignants ?
Chaque apprenant à un numéro matricule national, un identifiant unique qui le suit de la 6ème en Terminale. Des élèves peuvent avoir les mêmes nom et prénoms, mais ils auront des identifiants différents car, ils sont certainement nés à des dates différentes ou ils ont des parents différents. Tous les élèves qui viennent du CM2 sont immatriculés automatiquement. Ils gardent cette immatriculation jusqu’en terminale. Tous les élèves qui sont au Secondaire actuellement sont déjà immatriculés. Les seuls qu’on immatricule aujourd’hui sont ceux qui viennent du CM2 et les élèves étrangers qui étaient déjà au collège et qui veulent continuer leurs études dans notre pays. Grâce à cette plateforme, on gère aujourd’hui les heures supplémentaires des enseignants aspirants. Nous gérons leurs emplois du temps, leurs présences au poste, leurs services faits. Ces informations sont envoyées à l’ANPE pour qu’ils soient payés. Si quelqu’un abandonne, on le sait. Toute la gestion administrative de ces enseignants est faite chez nous afin de faciliter le paiement de leurs allocations.
Quels sont les modes d’accès à la plateforme ?
La plateforme est accessible par le lien www.educmaster.com. Tout le monde a accès à la plateforme avec des privilèges différents. Les responsables d’établissements privés y inscrivent leurs écoles, importent leurs élèves et leur personnel enseignant. Désormais, c’est une obligation pour tous les établissements de s’inscrire sur la plateforme. Les établissements qui ne le feront pas seront sanctionnés à compter de l’année prochaine. Nous avons découvert des établissements privés non autorisés que nous avons recensés. Ils sont venus sur la plateforme et après ils seront régularisés, selon les critères définis. Sur la plateforme, nous diffusons les résultats des examens, nous avons de la documentation sur les épreuves de devoir et d’examens blancs des établissements. Le grand public y a accès pour consulter cette documentation, les épreuves, les résultats des examens, etc. La plateforme gère également la vie scolaire des établissements et fait le suivi des lettres de mission adressées par le Ministre aux Chefs d’établissements.
Quel bilan faire de ces deux années d’expérience ?
La plateforme a été d’abord implémentée dans les établissements publics. C’est cette année qu’on a commencé avec les établissements privés. C’est une implémentation réussie car, nous avons les informations en temps réel. On peut savoir le nombre d’élèves par arrondissement, par commune, par département. Le nombre de filles, de garçons. Cela nous permet de connaître le nombre d’enseignants, par matière, par département. Tous les recoupements possibles. Il y a plusieurs autres choses que nous pouvons faire avec cette plateforme. L’atteinte des objectifs fixés dans les lettres de mission est aussi renseignée sur la plateforme et la vie scolaire y est implémentée. Elle permet de donner les contrats d’objectifs, de faire le projet d’établissement.
Quel retour avez-vous des chefs d’établissement ?
Au début, cela a été difficile car, beaucoup de chefs d’établissements ne savent pas utiliser correctement l’outil informatique. Ils se sont faits aider par leurs collaborateurs qui maîtrisent mieux l’outil informatique. A compter de cette année, c’est le censeur qui est responsable d’Educmaster dans l’établissement. La deuxième difficulté, c’est la connexion internet. Très peu d’établissements ont la connexion internet de haut débit et la plupart utilise celle de leurs smartphones. Certains ont souscrit à des connexions pour leurs établissements. La plateforme est aussi disponible pour les smartphones, donc les chefs d’établissements et les censeurs peuvent remplir les informations de partout. Cependant, les responsables du ministère du numérique et de la digitalisation sont à l’œuvre pour connecter les établissements publics.
Educmaster a-t-il de beaux jours devant lui ?
Oui, c’est le SIGE que nous avons, puisqu’il nous permet de faire le pilotage en temps réel, il ne peut qu’avoir de beaux jours devant lui. Aujourd’hui, on ne peut plus s’en passer au niveau central et il en est de même dans les établissements. Quand on a besoin d’informations, on le demande aux établissements qui renseignent la plateforme, puis, nous faisons le point. De nouvelles fonctionnalités sont en cours de développement.
Quels sont les défis à relever pour que cette plateforme soit une réalité totale ?
Le défi, c’est une meilleure utilisation de la plateforme par l’administration. Ensuite, vient la connexion internet, puis, la formation continue des acteurs. Depuis l’avènement de la pandémie, nous formons les chefs d’établissements par visioconférence. C’est très pratique, c’est plus efficace et c’est mieux que de les réunir dans une salle.
Propos recueillis par Adjéi KPONON