Baisse des effectifs scolaires : Les probables raisons - Journal Educ'Action
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Baisse des effectifs scolaires : Les probables raisons

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Après les compositions des différents examens scolaires, notamment ceux à grand tirage (CEP, BEPC, BAC), les regards sont désormais tournés vers les résultats. Comme les statistiques des candidats inscrits, les résultats eux aussi semblent annoncer une baisse des taux de réussite avec le CEP qui a ouvert le bal avec une légère baisse par rapport à 2021.

81,90 % en 2022 contre 82,67 % en 2021. Ce sont les taux de réussite au Certificat d’Etudes Primaires (CEP) au Bénin cette année et l’an dernier. Pour la composition, 226 676 candidats étaient inscrits mais à l’arrivée, 220 427 candidats ont répondu présents dans les salles de composition à la session normale. L’an dernier par contre, ils étaient 242 066 à être inscrits pour le CEP. Ainsi, de 2021 à 2022, 15 390 places ont été libérées.
Pour le Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC), ils étaient 119 746 à être inscrits cette année pour passer l’examen, contre 145 934 en 2021, soit une baisse de 26 188 candidats. Au niveau du BAC, 77 416 candidats étaient inscrits en 2022 contre 82 938 en 2021, soit 5 522 candidats en moins. D’un examen à un autre, la baisse généralisée se constate et les acteurs commencent à s’interroger sur cette régression.

Baisse drastique de l’effectif des garçons à l’école

Sur les six indicateurs du projet PME Bénin en riposte à la Covid-19 dans le secteur de l’éducation, un indicateur n’a pas pu être atteint. Il s’agit de l’indicateur « nombre d’élèves bénéficiant d’intervention directe pour améliorer l’apprentissage dans les vingt communes ciblées dans l’enseignement primaire ». Cet indicateur, renseigne Hyacinthe Gbayé, chargé de programme Education pour la Banque mondiale au Bénin, lors de la cérémonie de clôture du projet, le jeudi 30 juin 2022 au Bénin Royal Hôtel à Cotonou, n’a pas pu atteindre sa cible de 24 000 en raison du fait qu’il y a une baisse de l’effectif des garçons dans les vingt communes. Ce qui, souligne-t-il, n’est pas sous le contrôle direct des ministères en charge de l’éducation.
« Un examen croisé des données statistiques du Ministère des Enseignements Maternel et Primaire (MEMP) et du Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle (MESTFP) montre à suffisance que l’effectif des garçons a drastiquement baissé entre les années scolaires 2020-2021 et 2021-2022, alors que celui des filles a augmenté de près de 70 000 au cours de la même période », précise Kouaro Yves Chabi, ministre des Enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle, avant d’ajouter que les raisons de cette situation méritent d’être élucidées très rapidement.

Moins d’apprenants venant du primaire et effets Covid-19, les 1ers facteurs de baisse au secondaire

La tête coiffée d’un gobi (chapeau traditionnel porté dans le sud et centre du Bénin, ndr), Bonaventure Affouda Jagun est le chef service des Enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle à la Direction Départementale des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle des Collines (DDESTFP/Collines). Venu à Dassa-Zoumè pour prendre part à un atelier sur les questions éducatives, il apporte son éclairage sur la question. D’un ton calme et serein, il n’est pas allé par quatre chemins pour donner les raisons de la baisse des effectifs des candidats aux examens dans les Collines. « Au CEP, il y a une baisse et même dans les classes intermédiaires, le constat est le même », souligne le cadre d’entrée de jeu. Cette tendance baissière au primaire, poursuit-il, est due au fait que la démographie est en train de changer de rythme parce que les gens ne font plus beaucoup d’enfants.
L’autre facteur de cette déperdition, indique, à son tour, Thomas Cakpo, président du conseil d’administration de la CBO-EPT, ce sont les impacts de la Covid-19.« Depuis fin 2019-2020, il y a eu le phénomène Covid-19 qui a continué, donc certains ont abandonné et ne sont plus revenus », éclaire le responsable de cette organisation de la société civile. A cela, estime-t-il, s’ajoute la question du terrorisme qui devient un nouveau facteur de désertion des salles de classe par les apprenants.
En plus de ces premières causes, les examens enregistrent de bons taux de réussite ces dernières années.

L’amélioration des résultats et mauvaise orientation des apprenants

« Cela fait que désormais, nous n’avons pas une accumulation de promotion dans les différentes classes d’examens. Le passage est devenu fluide parce qu’il y a l’amélioration de la qualité de l’enseignement due au fait que nous n’avons plus de grèves perlées », martèle le chef service à la DDESTFP/Collines. Dans la même dynamique, Edmond Houinton, patron de la DDESTFP /Atlantique, ajoute : « Pour le BEPC, il y a eu beaucoup de réussite l’an dernier, il y a eu un tamis au niveau des apprenants. En effet, au niveau de la 4è, les enfants ne peuvent plus passer comme ils veulent car Educmaster permet de filtrer. »
Autre élément, selon Thomas Cakpo, la transition de la 3e vers la 2nde. Il note, en effet, que la baisse à ce niveau est constatée plus chez les filles que les garçons. La situation « des grands frères qui ont fini et n’ont pas encore trouvé d’emploi » n’est pas nature à encourager les plus jeunes. En plus de cela, les acteurs décernent un satisfecit à Educmaster.

Educmaster, le gendarme du Secondaire

S’il y a un point sur lequel tous les acteurs sont tombés d’accord, c’est l’apport significatif de Educmaster. « Educmaster attribue à chaque apprenant un identifiant unique. Cela fait que, désormais, lorsqu’un enfant quitte un collège pour un autre, le collège du départ est informé parce qu’il doit faire le transfert numérique de l’enfant sur Educmaster. Ainsi, le nom n’est plus dans son répertoire, ce qui fait qu’il n’y a plus d’inscriptions multiples dues au fait que l’administration ne sait pas que l’enfant est déjà allé ailleurs. Lors des examens par le passé, les gens qui ne sont pas qualifiés se présentaient alors qu’ils n’ont jamais fait la 3e , gonflant ainsi l’effectif des candidats », soutient Bonaventure Affouda Jagun.
Edmond Houinton lui aussi salue le travail de régulation que fait Educmaster. Ainsi, les candidats des pays limitrophes ne peuvent plus venir au Bénin, le saut de classe par les apprenants, notamment ceux de 4e n’est plus possible, et il y a aussi les abandons scolaires. Pour ce qui concerne spécifiquement la Terminale, précise Edmond Houiton, c’est pratiquement la même chose. « Dans l’UEMOA, tous les pays composent le BAC dans la même période. Ce qui fait que les gens ne viennent plus déposer leurs dossiers chez nous. Educmaster a déjà filtré tout ça. Si vous n’êtes pas dans la base, alors votre nom ne peut jamais sortir au niveau de l’Office du Bac. Il y a aussi moins de candidats libres », fait savoir le directeur départemental.
Thomas Cakpo ne dira pas le contraire, estimant que la plateforme a mis fin aux nombreux tripatouillages dans le passage en classe supérieure et l’affectation des apprenants dans les établissements. Si les avis sont unanimes sur le rôle joué par Educmaster, ce n’est pas le cas du rôle joué par l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels (EFTP).

L’EFTP, oui … mais !

« Combien coûte l’enfant qui est dans l’enseignement technique pour un parent? Qu’est-ce qu’on a baissé comme contribution ? Un enfant qui fait l’enseignement technique dans un internat, c’est 320 mille. On ne peut pas expliquer que c’est l’engouement vers l’EFTP. » Ce sont les questions que se pose Thomas Cakpo, indexant ainsi la pertinence du rôle joué par l’EFTP dans cette baisse.
Bonaventure Affouda Jagun, est aussi perplexe sur les effets de l’EFTP. « Ce facteur n’est pas très perceptible. Quand on prend l’effectif dans l’EFTP et qu’on associe à l’Enseignement secondaire, ça n’arrive pas à combler le gap qu’on a observé d’une année à l’autre », confie le responsable. D’autres facteurs peuvent être encore pointées du doigt, nous y reviendrons.

La Rédaction

 

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