Avec 19 sur 20 de moyenne au 1er semestre : Théodore Sambiéni, le génie des temps modernes - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Avec 19 sur 20 de moyenne au 1er semestre : Théodore Sambiéni, le génie des temps modernes

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Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. Théodore Sambiéni est la parfaite illustration de cette pensée de Pierre Corneille. Après avoir brillammant passé la classe de 5e pour la 4e avec une moyenne annuelle de 18 sur 20, il a encore élevé la barre de ses performances. Né le 7 juin 2009, ce garçon, orphelin de père et à la charge de sa mère, a battu les records de moyenne dans sa classe, son établissement et tout le département du Borgou. Découverte !

Une corpulence chétive, le regard innocent avec ses petits yeux, et un léger sourire, Théodore Sambiéni savoure sa victoire sobrement, le lundi 28 mars 2022. Les bras chargés, devant ses amis et tout l’établissement réuni, il est sous les feux des projecteurs car, il vient de battre un record. Dans la cour du Collège d’Enseignement Général (CEG) d’Okédama à Parakou, les applaudissements nourris saluent les prouesses de ce garçon qui, il y a peu, était presqu’un inconnu. Avec 19 sur 20 comme moyenne au premier semestre de l’année scolaire 2021-2022, il a fondu tous les records de sa classe de 4è et de tout l’établissement. Né le 7 juin 2009 à Parakou, son statut d’orphelin et de fils de ménagère ne l’a pas empêché de damer le pion à ses nombreux camarades, remportant ainsi au passage de nombreux prix. « Il a eu trois prix. D’abord un premier prix par rapport à sa moyenne, ensuite un prix par rapport à sa promotion et un dernier prix parce qu’il est le premier de tout l’établissement, de la 6e jusqu’en Terminale. On lui a déjà donné certains documents qu’il aura à utiliser en 3e », confie tout souriant Gérard Orou Adam, le directeur du CEG Okédama. Un homme grand de taille avec une corpulence imposante, habillé traditionnellement dans sa tenue locale bohoumba coiffé d’un chapeau trivialement appelé en langue Fongbé ‘‘gobi’’. Face au travail abattu par le jeune garçon, le directeur n’a pas hésité à mettre la main à la poche. « Depuis qu’il a eu cette moyenne, j’ai été tellement comblé de joie, à telle enseigne que pour l’encourager, je lui garantis le petit-déjeuner. Chaque matin, il doit passer me voir au bureau pour ça », a-t-il laissé entendre avec joie et fierté d’assumer cette responsabilité. Ces résultats de Théodore ne sont pas tombés du ciel.

Théodore, des qualités peu communes pour un garçon

Théodore Sambiéni 

« Il est sérieux en classe. Il suit vraiment les cours. Il fait beaucoup d’exercices. Il ne s’amuse pas en classe », a déclaré la censeure de l’établissement, Philomène Cakpo, dans sa robe multicolore. Pour elle et la plupart des usagers du CEG Okédama, Théodore était un parfait inconnu, il y a encore quelques jours. « En réalité, le jeune Sambiéni, je ne le connaissais pas au départ. C’est après le conseil du premier semestre que j’ai découvert qu’il y a un élève qui a eu 19 sur 20 de moyenne », souligne la responsable des activités pédagogiques. A présent, elle a pris le temps de découvrir le jeune apprenant dont elle ne manque pas de vanter les qualités. « Il est très conscient. Ça ne ressemble même pas à un élève de son âge parce que c’est un tout petit comparativement aux autres. Il connaît l’importance de ses études », martèle la censeure les yeux brillants et très satisfaite de son poulain.
Les qualités, le directeur en a aussi trouvées dans le comportement du petit Théodore. « Il se comporte très bien, c’est un élève qui est très cool. Il n’est pas agité, il est respectueux. C’est un élève travailleur », à en croire le directeur Gérard Orou Adam. Avec une voix pleine d’admiration, il renchérit : « Lorsqu’il a 18, il ne fait que pleurer, donc il faut avoir 20. Il n’a jamais eu une moyenne en dessous de 18. Si vous regardez tous ses résultats de mathématiques, c’est 20 sur 20 en interrogations comme en devoirs. Pareille en PCT et en anglais. Il est très discipliné et respectueux envers ses camarades, envers ses professeurs et lui-même. »
La joie est aussi à son comble chez les enseignants du CEG Okédama. Grand de taille, cache-nez légèrement baissé au niveau du menton, Calixte Bouana, son professeur d’Espagnol, témoigne fièrement en faveur de son élève. « Le jeune Sambiéni est un élève très assidu. D’abord, parce qu’il est régulier au cours, ponctuel, calme et très travailleur. Il participe très bien au cours. Il est très attentif, il suit très bien et il pose vraiment des questions pertinentes en classe. Il n’est pas distrait, il est calme et il réagit très bien », a laissé entendre l’enseignant. Mais, le résultat du jeune Théodore Sambiéni ne le surprend pas. En effet, poursuit le spécialiste de langue, « cela ne m’étonne pas parce que cet élève, depuis la rentrée, s’est toujours montré très intelligent et travailleur. Il a eu une moyenne qui a étonné tout le collège. Vraiment c’est très fort et c’est impeccable ».
Se prêtant au même exercice, Marius Tamégnon Ousmane Cakpo-Chichi, enseignant de PCT, confirme également la performance de son apprenant Théodore Sambiéni. « Il est un peu timide et il ne bavarde pas. Il suit bien le cours, il est assidu et il est même en avance sur les activités. Il traite les exercices, les évaluations formatives avant de venir au cours », a martelé l’enseignant de PCT. Pour en arriver là, l’adolescent ne manque pas de partager ses petits secrets.

Les secrets de réussite de Théodore

Fils d’une famille monoparentale de trois enfants dont il est le cadet, Théodore Sambiéni est devenu la vitrine du CEG Okédama à Parakou. A l’annonce de sa moyenne du premier semestre, beaucoup ont afflué vers le petit génie. A sa rencontre, mille et une questions trottent dans les esprits : quel serait son secret ? Comment est-il parvenu à une telle moyenne ? Qu’a-t-il de spécial ? La réponse du jeune Théodore est toute simple et sans ambiguïté: « Je n’ai d’abord aucun secret si ce n’est la grâce de Dieu qui m’a accompagnée. » Sur ce point, le directeur du collège confirme cette pratique qui de plus en plus est devenue une habitude. Nous prions beaucoup, informe le chef d’établissement, avant d’ajouter: « On met Dieu à sa place.»
Outre cet aspect, Théodore, s’organise, à sa manière, pour réviser ses cours et apprendre ses leçons. Malgré sa participation à la réalisation des travaux domestiques, le génie du CEG Okédama a un emploi du temps selon lequel, il étudie et révise ses cours. « J’ai un programme d’étude à la maison. J’ai aussi un programme pour les travaux domestiques les matins. Les soirs, j’aide ma maman et le reste du temps, si je n’ai pas cours, je suis en train d’apprendre ou d’étudier », confie l’amoureux du cuir rond qui a pour plat préféré l’igname pilé avec de la sauce arachide. Philomène Cakpo, confirme ce goût pour le travail de Théodore. « Il s’occupe à la maison. Il fait des exercices, il apprend beaucoup ses leçons. Je crois que c’est grâce à ça qu’il a pu être excellent parce qu’on ne devient pas excellent par hasard, cela se prépare », a-t-elle défendu.
Comme le dit l’adage, « la vie appartient à ceux qui se lèvent tôt ». Théodore Sambiéni se réveille tôt les matins et profite du crépuscule pour accomplir ses tâches de maison. « Je me réveille souvent autour de 6h30 pour faire mes travaux domestiques durant 30 min et je m’apprête pour venir au cours de 8 heures », précise le jeune apprenant. Il ajoute quelques petits détails sur son plan de travail : « Souvent, lorsque j’ai les heures libres les matins, j’ai l’habitude d’étudier de 8 heures à 10 heures et si j’ai cours à 10h, au plus tard à 9h30 je suis déjà sur le chemin de l’école. Comme les lundis j’ai des heures libres, les soirs de 15 heures jusqu’à 19 heures j’essaie aussi de traiter quelques exercices sur les cours du matin et apprendre pour les cours que j’ai le lendemain », révèle Théodore. Le petit génie d’Okédama aime aussi jouer au Scrabble, lorsqu’il ne joue pas au foot avec ses amis.

Un bon ami qui partage ses connaissances

Le rang occupé par le jeune Théodore à Parakou et dans le département du Borgou, ne l’empêche pas de nouer et d’entretenir de bonnes relations avec ses camarades de classe et ses enseignants. Très confiant et sûr du bon état du lien qu’il entretient avec ses semblables, il clame : « J’ai de bonnes relations avec eux. Ils ne m’ont pas adressé la parole avec agressivité, on cohabite très bien. »
Dans la foulée, son professeur d’Espagnol, Calixte Bouana, ne dira pas le contraire. Il est plutôt certain de sa relation avec les autres. « Avec ses camarades, ils se partagent des connaissances. Il n’est pas un élève qui est fermé sur lui-même. Quand il comprend et que quelq’un lui pose des questions, il répond selon son niveau de compréhension. Il a de très belles relations avec ses camarades », a renseigné le professeur avec sûreté. L’autre particularité du garçon, c’est aussi son humilité. Il sait donner à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.

L’heure de la reconnaissance

« J’étais vraiment contente, ça m’a impressionné », affirme joyeuse la censeure du CEG Okédama, Philomène Cakpo, lorsqu’elle a appris la performance de ce fils cadet de famille modeste. Tout ému, le directeur, quant à lui, fait difficilement le parallèle entre les performances de l’apprenant et ses conditions modestes. « Cet enfant, pouvez-vous imaginer qu’il n’a pas de père, car il est orphelin depuis des années. Il n’a pas non plus de maître d’étude », s’exclame Gérard Orou Adam, tout étonné d’un rendement de haut niveau dans de pareilles conditions. Pour le petit génie de Okédama dont le crédo est le travail rien que le travail, ses résultats sont d’abord l’oeuvre de la providence divine et ensuite des bons soins de sa mère, à qui il dédie cette victoire.
« A l’endroit de maman ! Je suis très heureux de ce qu’elle a fait pour moi, car sans elle je ne serai jamais arrivé à ce niveau. C’est elle qui a veillé sur moi, elle m’a éduqué, elle m’a orienté dans le bon sens », a déclaré le jeune Théodore. Sur la même lancée, il n’a pas omis les acteurs de son établissement. « A l’endroit de mes professeurs, je suis très reconnaissant parce qu’ils ont été aussi à la base de ma réussite en m’expliquant très bien les cours, par des exercices d’application et leur gentillesse, pour les explications du cours, la façon de s’adresser à nous. Je suis très reconnaissant et je prie Dieu de pouvoir tous les aider », a-t-il souhaité les yeux levés vers le ciel.
Désormais, le jeune apprennant a les yeux tournés vers le second semestre et espère réaliser la même performance malgré quelques doutes. « J’éprouve un sentiment de joie mais je doute encore un peu du travail que je vais encore accomplir au second semestre », affirme Théodore en clignant des yeux.
Pour y arriver, les responsables de l’établissement continuent de faire des pieds et des mains pour créer les conditions propices à l’enseignement et à l’apprentissage.

Les sources d’une telle réussite au CEG Okédama

Cette moyenne de 19 sur 20, au bout de toutes les lèvres des habitants de Parakou, n’est pas une situation nouvelle pour le directeur. A l’en croire, c’est la deuxième fois qu’un apprenant de l’établissement réalise de pareilles performances. « J’avais eu un apprenant qui a eu 18 de moyenne au BEPC et qui a été pris en charge par la Fondation Vallet », souligne Gérard Orou Adam, qui se dit préoccupé par l’avenir du jeune élève. « J’espère que c’est ce qui va arriver pour lui aussi », a-t-il dit avant d’ajouter que « c’est une fierté d’avoir des stars dans son collège. » Tout en remerciant Dieu, il souhaite que de pareilles stars se multiplient.
Pour le directeur, de telles moyennes proviennent d’un environnement de travail assaini et bien aménagé. « Ils m’appellent tous papa. C’est difficilement qu’ils m’appellent directeur. Pour tout le monde, c’est papa et ils m’écoutent », a fait savoir la première autorité du CEG Okédama. Adam Orou Gérard, puisque c’est de lui qu’il s’agit, prête une oreille attentive aux problèmes de ses élèves. « Pour ceux qui ont des problèmes, je les écoute. Je leur donne des conseils. Donc, ils sont comme des amis pour moi. Je ne me présente pas comme autorité. Je veux savoir ce qui ne va pas. Et lorsque vous voulez savoir ce qui ne va pas, si vous faites le grand patron, vous n’aurez pas les informations », a-t-il laissé entendre.
Cette collaboration ne se limite pas seulement aux élèves, elle continue avec les enseignants de l’établissement. « Même avec mes professeurs, je me comporte simplement. Si je suis au milieu d’eux, vous ne saurez même pas que c’est moi qui suis le directeur. On sympathise, on échange. Donc voilà comment moi je me comporte, et tous ceux qui sont dans mon établissement viennent se confier à moi », explique le chef d’établissement.
Théodore Sambiéni a désormais inscrit son nom dans les annales de son établissement en tant que premier élève a avoir une moyenne générale de 19 sur 20 à la fin d’un semestre, et dans tout le département du Borgou.

Jean-Luc EZIN (Coll.) & Adjéi KPONON

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