Les enfants dont les droits sont violés dans le département du Littoral reçoivent le soutien d’un Centre d’Accueil et de Protection d’Enfants à Fidjrossè-Houénoussou. C’est le Centre de Joie Infantile de l’ONG Messagers de la Paix. Incursion dans ce CAPE, à travers ce reportage.
Nous sommes à Fidjrossè-Houénoussou, un quartier de la ville de Cotonou, le mercredi 02 novembre 2022. Il est 16h20 minutes, un vent léger et doux souffle dans ce quartier logé dans le département du Littoral. De loin, l’immeuble de l’ONG Messagers de la Paix se remarque aisément par sa taille et sa peinture. Son agrément obtenu depuis 2002, l’ONG Messagers de la Paix a donné naissance à un projet : le Centre de Joie Infantile, un centre d’accueil. « L’idée de la création d’un centre d’accueil est venue lorsque nous avons constaté des violations des droits des enfants en errance dans la rue, la question de mobilité, d’exode rurale des enfants qui étaient victimes de traite », s’est rappelé Francis Noumonvi, directeur du Centre de Joie Infantile avant d’ajouter : « Plusieurs enfants étaient en détresse sociale et il fallait assurer et garantir une prise en charge d’urgence en attendant de mener des actions urgentes à court et à moyen terme pour assurer le renouement des liens avec la famille. » Dans les années 2000, le Bénin était vu comme le seul pays où se trouve une certaine stabilité contrairement à d’autres pays de la sous-région comme le Libéria, la Côte d’Ivoire, le Togo. Le Bénin apparaît comme la terre d’accueil et beaucoup de familles y viennent. « Avec la collaboration du Haut-Commissariat pour les Réfugiés, l’ONG Messager de la Paix a ouvert un cadre pour accueillir les enfants qui dormaient à la belle étoile à Cadjèhoun afin d’assurer leur encadrement en journée. On leur offrait la prise en charge psychosocial. Ils participaient à des activités socioéducatives pour leur épanouissement et leur développement », conte Francis Noumonvi, assistant social de formation. Compte tenu des situations ayant suscité la venue des enfants dans ce centre, ils sont suivis par différents acteurs de la protection de l’enfant. « Mon travail dans l’ONG Messagers de la paix est d’accompagner les enfants qui sont enclin à des faits, des situations traumatiques. Ces situations qui font qu’ils ont des troubles psychologiques », fait savoir Bernard Comlan, psychologue clinicien en service dans cette ONG. Les troubles psychologiques ne sont pas forcément une question psychiatrique mais les troubles de personnalité, les troubles d’identité de soi, des troubles d’estime de soi. Bernard Comlan également consultant en stratégies éducatives poursuit ses envolées explicatives : « Quand les enfants viennent dans le centre, ce n’est pas tout de suite que le psychologue se met en contact avec l’enfant. Il y a des cas où spontanément cela urge mais généralement on laisse l’enfant se familiariser avec le cadre. » De teint clair et habillée en tenue traditionnelle, Nadège Sèmègan, assistante sociale fait connaître son rôle au sein du Centre de Joie Infantile : « Je reste à l’écoute des enfants et je m’assure que leurs droits sont respectés, c’est-à-dire au plan sanitaire et sécuritaire tout en travaillant au maintien de la relation entre l’enfant et les parents. » Des éducateurs spécialisés sont aussi sollicités, en respect aux critères, dans le cadre de la protection des enfants de ce centre.
L’écoute et l’ordonnance de placement
Les enfants admis dans le Centre de Joie Infantile ont souvent vu leurs droits violés. Cependant, le Centre de Joie Infantile essaie, tant bien que mal, de restaurer quelques droits. Tout ceci passe par l’écoute et l’attention. « On laisse l’enfant venir lui-même vers nous puisque le travail n’est pas de lui poser des questions. Le travail, c’est d’offrir un espace d’écoute à l’enfant. Quand l’enfant est prêt, on entre en relation avec lui dans le sens de faire évoluer la mémoire traumatique afin d’obtenir une guérison au niveau des blessures psychologiques », affirme, pour sa part, Bernard Comlan, psychologue clinicien et consultant en stratégies éducatives. Du côté de l’assistante sociale, Nadège Sèmègan, l’écoute et l’attention sont aussi les leviers sur lesquels elle s’appuie pour donner une tranquillité d’esprit aux enfants. Cependant, l’admission d’un enfant au Centre de Joie Infantile repose sur la délivrance d’une ordonnance de placement provisoire. « Pour être accueilli au Centre de Joie Infantile, il faut que l’enfant ait une ordonnance de placement provisoire. Cette ordonnance est délivrée par le juge des mineurs. Nous accueillons les enfants de 2 à 10 ans », fait savoir sans fioritures Francis Noumonvi, directeur du Centre de Joie Infantile. Au tribunal de première instance de Cotonou, le juge des mineurs, pour la sécurité du placement de l’enfant et du personnel d’encadrement du centre d’accueil, envoie l’enfant. Le centre étant un dispositif de prise en charge de remplacement, la réintégration familiale de l’enfant est tributaire d’un processus, essentiellement la disposition d’une ordonnance de retrait. « Quand on finit toutes les démarches qui sont devenues concluantes pour son retour en famille, on fait une demande au juge des mineurs pour avoir une ordonnance de retrait. C’est sur cette base qu’on réintègre l’enfant chez lui à la maison sous le regard bienveillant du chef du Centre de Promotion Sociale », explique le directeur du centre précisant que l’enfant fait 6 mois au centre. Par ailleurs, le Centre de Joie Infantile entretient une relation au beau fixe avec les parents des enfants concernés. « Pour la plupart des cas, on arrive à monter la filière jusqu’aux familles pour retrouver les parents. Le lien qui existe entre nous, c’est la négociation sociale. Nous négocions avec les parents qui sont appelés à visiter l’enfant régulièrement dans le centre et il arrive à retrouver le bonheur », a laissé entendre le directeur. « Depuis que mon enfant est ici, il a changé de comportement. Nous avons de bonnes relations avec le centre », a renseigné Hélène Adédi, parente d’enfant. Malgré les efforts pour le bien-être des enfants, le Centre de Joie Infantile se heurte à des difficultés.
Le défaut de partenaires locaux et la lenteur administrative
« Les autres autorités n’arrivent pas à répondre de façon prompte. Pour réintégrer l’enfant dans une localité, nous entrons en contact avec les agents de police, les responsables locaux. Tout un processus est mis en place, mais il se fait que les autorités sont préoccupées par les questions habituelles de gestion administrative au point où le processus est une question mineure pour elles. C’est une difficulté pour nous », a laissé entendre Bernard Comlan, psychologue clinicien. Le travail en équipe se présente comme une difficulté pour le psychologue en raison de la divergence des visions et des idées. « Le psychologue voit qu’il faut faire de telle manière mais puisque nous sommes une équipe, il faut arriver à coordonner des visions et c’est à ce niveau que réside la souffrance du psychologue. Car, il voit en tant que professionnel que c’est de cette manière que les choses doivent se passer mais il n’a pas les coudées franches pour faire ce qu’il pense », fait observer le psychologue clinicien. « Lorsque nous recevons les enfants, il faut faire l’écoute afin de savoir ce qui s’est réellement passé dans la famille pour que l’enfant soit dans cette condition. Lorsque vous recevez l’enfant, il y a certains qui, vu leur âge, n’arrivent pas vraiment à s’exprimer. Du coup, faire l’écoute devient un problème », a dit Nadège Sèmègan, assistante sociale, exprimant ainsi sa principale difficulté dans l’exercice de sa fonction. Le directeur du Centre préfère tabler la principale difficulté du centre sur le défaut de partenaires locaux. « La demande est très forte mais les moyens sont faibles. Donc, il faut courir à la recherche de partenaires. Nous souhaitons que des partenaires locaux nous accompagnent dans l’œuvre que nous faisons parce que nous sommes en train de travailler d’abord pour le Bénin », a indiqué le directeur Francis Noumonvi. « Vous avez reçu un enfant qui a été violé. Vous travaillez sur l’enfant et vous avez tout fait. L’enfant est prêt pour se réconcilier avec sa maman qui l’a placé quelque part, mais on vous dit que l’affaire est au niveau de la justice et qu’il ne peut pas rejoindre ses parents. Vous n’avez plus le contrôle de la situation », a témoigné le psychologue clinicien Bernard Comlan.Pour l’heure, le Centre de Joie Infantile s’occupe de 27 enfants, 17 filles et 10 garçons. L’objectif principal est d’accueillir et de réhabiliter l’enfant dans les droits qui sont les siens. « Nous travaillons avec les enfants sur l’éducation à la citoyenneté, les notions théorique et pratique de cuisine. Nous offrons toute la chaleur du foyer qu’il faut à l’enfant », souligne Francis Noumonvi, l’assistant social. Dortoir, réfectoire, salles de jeux, bibliothèque, ludothèque, toilettes et cabines d’aisance sont les compartiments qui existent au sein du Centre de Joie Infantile de l’ONG Messagers de la Paix.
Enock GUIDJIME