Après leur brillante réussite aux épreuves du Baccalauréat 2018 et leur positionnement dans le peloton de tête sur le plan national, l’euphorie des premiers jours a laissé place à un silence sur leur avenir. Eux, ce sont les 10 premiers au Baccalauréat 2018. Une année après leurs prouesses, force est de constater que certains parmi ces lauréats errent encore dans les rues et ruelles de Cotonou et environ toujours dans l’attente de leur départ pour l’étranger (la France) afin d’y poursuivre leurs études supérieures. Sujet d’intérêt et de grande préoccupation qui attise et aiguise, à nouveau, les plumes des reporters de Educ’Action qui tentent de démêler l’écheveau à travers cette enquête !
27 août 2018 : la presse est conviée à prendre part à la conférence de presse qui fera la lumière sur les efforts fournis par les 34.452 nouveaux bacheliers du Bénin afin de savoir lesquels sont dignes des privilèges accordés par le décret n° 2017-155 du 10 mars 2017 portant critères d’attribution des allocations d’études universitaires. Avec une moyenne de 17,81 sur 20, Ismaël Gounou Adam Soulé occupait la première marche du podium entouré de Adam Bassimath, 2ième avec 17,77 sur 20 et Elom Kodjo-Kpakpassou sorti 3ième avec 17,36 sur 20. A cette rencontre, le Directeur de Cabinet du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS), Bienvenu Koudjo, déclare que « ceux qui ont obtenu la mention Très Bien dans les séries scientifiques ont automatiquement la bourse d’excellence. Elle leur donne le droit de choisir les établissements qu’ils veulent pour continuer leurs études partout sauf au Canada à condition d’être parmi les dix premiers» comme le précise le décret suscité. S’enchaînent alors les cérémonies de récompenses pour la belle équipe de 10 jeunes gens. Depuis lors, l’eau a coulé sous les ponts. La nature faisant sa sélection a permis à chacun de prendre son chemin, mais la grande majorité des bénéficiaires sont encore sur le territoire national. Et pour cause !
Des raisons du blocage…
Selon les précisions de Narcisse Akplogan, Chef service des formations à l’étranger en poste à la Direction des Bourses et Secours Universitaires (DBSU), approché par Educ’Action le 9 mai 2019, à Cotonou, « le problème maintenant, c’est qu’ils n’ont plus la possibilité d’aller au Canada, avec les nouveaux textes. Donc, ils choisissent majoritairement la France. Alors que, avec la période à laquelle les résultats sont proclamés ici, ils n’ont plus la possibilité de s’inscrire pour l’année académique qui doit s’ouvrir en septembre. Ils doivent donc se préparer pour l’année qui suit via Campus France ». Les dés sont donc jetés, la plupart des bénéficiaires de la bourse nationale d’excellence sont donc contraints de choisir la France pour continuer leurs parcours dans une formation de pointe non disponible au Bénin. La génitrice de la 2ième au Bac 2018 soutient que « Adam Bassimath n’a pas voyagé jusqu’à présent parce qu’après les résultats, nous nous sommes rapprochés de la DBSU où nous avons appris que les écoles ont déjà commencé là-bas [en France, ndlr] et si on arrive à trouver une admission, on pourra lui octroyer une bourse ». Sur ces mots des responsables de la DBSU qui font naître l’espoir en ce que sa fille ne perde pas une année, dame Idrissou Adam, à l’en croire, a réussi péniblement à mobiliser des centaines de milliers de francs pour aider sa fille. Hélas ! « Comme les écoles ont commencé, nous avons eu l’admission d’une école privée mais, à la DBSU, il paraît que c’est celle d’une école publique qu’il faut avoir obligatoirement. Ce que nous n’avons pas eu », a confié, déçue, la mère de la deuxième du Bénin. En effet, l’obtention de la bourse d’excellence est conditionnée par l’admission effective obtenue auprès d’un établissement public français. Une information capitale qui n’est pas parvenue à cette génitrice, encore soucieuse du départ de sa fille pour ses études universitaires en France. Et pourtant, cette posture semble bien être confirmée par Narcisse Akplogan qui rappelle que « nous ne nous engageons pas avec les étudiants pour l’obtention de leur inscription. Ils se débrouillent pour avoir l’inscription dans une université et ils constituent un dossier qu’ils doivent déposer à la DBSU ». A cela, dame Idrissou, rencontrée l’avant-veille, explique la démarche qui a été la sienne dans la procédure : « nous avons reçu le courrier d’une école à laquelle nous avons écrit. L’établissement a expliqué que notre courrier a été reçu et qu’après étude, ils vont nous faire signe. Donc nous avons imprimé la réponse de l’école qu’on a jointe au dossier de Bassimath pour le déposer, mais jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de suite ». S’il est vrai que les lauréats ayant choisi des établissements sur le continent africain suivent déjà les cours, les raisons ne manquent pas pour expliquer finalement cette perte d’une année universitaire par les lauréats désireux de poursuivre leurs études en France. Des raisons que le cabinet ministériel de l’enseignement supérieur s’est refusé de nous fournir malgré nos multiples relances.
Du silence des autorités …
Tout en regrettant le fait que les nouveaux étudiants perdent une année, le responsable des formations à l’étranger reconnaît qu’« on ne peut pas demander aux autres pays de changer leurs procédures d’inscription à cause de nous ». De plus, il précise aussi que « c’est après le Bac que l’étudiant sait qu’il est parmi les 10 premiers ou pas. Il ne peut pas entamer le processus de Campus France plus tôt en se disant ‘’si jamais je suis parmi les 10 premiers, je vais partir’’ ». Rappelons-le, en matière d’allocation de bourses universitaires, la DBSU et la Commission Nationale d’Attribution des Bourses et Aides Universitaires (CNABAU) sont les bras opérationnels de la politique du gouvernement. Pour donner la parole à chacun des acteurs concernés, nous nous sommes rapprochés des différentes autorités concernées dont le Président de la CNABAU, Rodrigue Honkpehedji, qui a expliqué le refus du dossier du 1er au Baccalauréat qui aurait choisi une université canadienne. Injonction lui a donc été faite d’opérer un autre choix en France ou en Afrique. Un choix qui n’a pas été notifié à la commission jusqu’à la date du 22 mai 2019 où nous l’avons rencontré à son bureau. Fouinant, nous avons eu vent de l’existence d’une équipe au cabinet du MESRS chargée du suivi des bénéficiaires de la bourse nationale d’excellence et dont le Directeur Adjoint de Cabinet (DAC) en serait le responsable. Toutes les tentatives pour interroger le DAC se sont révélées vaines. En effet, après d’infructueuses tentatives de rencontres par appels téléphoniques, nous avons adressé un courrier au Ministre à l’attention du DAC en date du 20 mai 2019. Dans l’optique de faire le suivi du courrier, une rencontre fortuite avec le DAC a eu lieu le 23 mai 2019 à l’occasion de laquelle nous lui avons exposé les faits sans réussir à l’interroger. Une autre rencontre fortuite a eu lieu le 30 mai 2019 où le DAC avouant avoir reçu notification du courrier, s’est carrément refusé de se prêter à nos questions, évoquant la possibilité d’une rencontre avec une personne plus indiquée le lendemain. Tous les appels émis dès lors par nos soins sont restés sans suite jusqu’à l’heure où nous mettons sous presse. Aux dernières nouvelles, le 1er (Ismaël Gounou Adam Soulé) est toujours au pays et espère un jour voyager comme la 2ième (Adam Bassimath), même s’il n’a pas voulu nous en dire mot de son quotidien en attendant son départ. Quant à Elom Kodjo-Kpakpassou, il est rassurant de savoir qu’il a réussi à décrocher une inscription locale pour sauver l’année universitaire tout comme Adam Bassimath.
Adjéi KPONON & Romuald D. LOGBO