Arielle Ahouéfa Koudjalé, 1re au CEP 2022 avec 18,42 sur 20 : Quand éthique de travail et valeurs révèlent une pépite - Journal Educ'Action
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Arielle Ahouéfa Koudjalé, 1re au CEP 2022 avec 18,42 sur 20 : Quand éthique de travail et valeurs révèlent une pépite

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Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. Arielle Koudjalé ne déroge pas à la règle puisqu’elle était à 1,58 point d’avoir 20 sur 20 comme moyenne générale à l’issue de l’examen du CEP 2022. Mieux, l’écart est presque inexistant en ce qui concerne la moyenne d’entrée en 6e. En effet, il lui restait 0,31 point pour boucler la boucle avec 20 sur 20. Rencontre avec une apprenante d’exception !

«For the success of the student, he needs to be a good child. He needs to listen the explanations of the teacher and he has to take it seriously. He also has to be organized, and free mind ». Non ce n’est pas un cours d’anglais, mais quelques phrases d’Arielle Ahouéfa Koudjalé à ses camarades. Elle est première du Bénin au Certificat d’Études Primaires (CEP) session de juin 2022, et se débrouille avec la langue de Shakespeare. Une bilingue en puissance, peut-être ? Traduction libre de son père : « Pour qu’un apprenant réussisse, il a besoin d’être sage. Il doit bien écouter les explications et conseils de l’enseignant. Il a besoin d’être organisé et libre dans l’esprit. » À 11 ans, elle réalise déjà cette prouesse de moins balbutier quand elle s’exprime en anglais, en présence de son père, son oncle et son petit frère.
Avec 19,69 comme moyenne pour l’entrée en 6e et 18,42 comme moyenne générale au CEP, la cadette du foyer de trois enfants a marqué les esprits. « Je suis très fier d’elle et de ses parents », martèle son oncle Roméo Romain Hounkponou, fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération (MAEC). Un sentiment partagé par son père et son enseignant. Sœur Adéline Sessou, directrice du Complexe scolaire Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus d’Abomey-Calavi, ajoute pour sa part : « J’ai eu un sentiment de satisfaction. C’est une joie qui m’a animée parce que j’ai vu que le Seigneur a béni les efforts consentis de chacun, surtout de la petite, de son enseignant, ses parents et nous qui les accompagnons en tant qu’acteurs. » Désormais, c’est un modèle pour la famille et son petit frère, Tadagbé, lui aussi en est fier. En effet, c’est un rêve qui devient réalité.

Un rêve nourrit et devenu réalité grâce à…

« Son admission au CEP n’était pas une surprise pour moi, ni pour elle d’ailleurs ». Comme à l’unisson, le père et l’enseignant d’Arielle ont souligné cette réaction à l’annonce de la nouvelle. Elle était sereine. Et pour cause, « je savais que je serai admise », justifie-t-elle. « À la sortie de l’examen, je lui ai demandé si elle avait bien travaillé, se souvient Ferdinand Koudjalé, son père. Elle a dit qu’elle a répondu à toutes les questions sauf deux qu’elle n’avait pas comprises ». La veille de l’examen déjà, son grand frère Samson avait écrit sur son armoire : « CEP 2022 : tu n’as qu’une seule chose à faire, bien travailler ». Défi relevé !
La seule inquiétude pour elle, c’était le rang qu’elle allait occuper à l’annonce des meilleurs, car pour elle c’était un rêve, un objectif à atteindre. « J’étais à la maison quand papa a appelé. J’étais très contente car c’était mon objectif d’être première », affirme toute joyeuse la petite Arielle, dans le bureau de son oncle. Ce rêve, elle l’a nourri avec la complicité de toute sa famille et notamment de son maître. « Je lui disais qu’elle sera la première de l’école et de la classe. Avant les évaluations, je lui disais qu’elle sera la meilleure de la classe », fait savoir son enseignant Rémi Yves Dégbo, vêtu d’une tenue locale bohoumba. Cette performance de la petite n’est pas tombée du ciel.

… une bonne éthique de travail, qui commence à la maison…

« Pendant l’année scolaire, je me réveille à 6 heures. Ensuite, je prends la douche après mon grand frère. Je balaie et je prends les affaires qu’il faut puis j’attends mon petit frère pour qu’on aille à l’école. À midi, nous rentrons à la maison pour déjeuner. On dort un peu et au réveil, on repart à l’école. Le soir, quand je rentre, je balaie, je prends ma douche et je fais mes exercices. Quand tout le monde fini de manger, je lave les plats. J’apprends les leçons parfois après les exercices, parfois après avoir mangé. Si j’ai un peu de temps le matin, je relis les leçons que j’ai apprises. » Ainsi se présente la journée-type d’Ahouéfa. À la maison comme à l’école, elle est toujours à la tâche, car il y a un temps pour les études et un temps pour les travaux domestiques. À son jeune âge, elle a déjà développé des talents de cuisinière, en plus du ménage qu’elle maîtrise déjà. « Je fais parfois la cuisine notamment les spaghettis, le riz, du ‘‘piron’’ (pâte de gari) et aussi des omelettes », affirme Arielle, vêtue d’un body blanc avec un pull-over noué à la taille. Elle a vu faire. À la maison, le sens du travail est imprimé depuis le grand-père, explique son père Ferdinand Koudjalé. C’est une bonne habitude transmise de père en fils, de mère en fille. Mais pour beaucoup, admet-il, le travail est inné en elle. « Arielle est toujours au travail. À la maison, nous insistons beaucoup sur le travail bien fait », clame-t-il dans sa tenue locale bohoumba aux motifs jaunes. En somme, elle a un agenda dont les résultats en disent long, car à l’école aussi, elle garde la même posture : toujours au travail quand il le faut.

… et se poursuit à l’école,…

« Arielle est une apprenante qui dès le début s’est faite remarquer par son travail dans la classe », témoigne son enseignant. Comme lui, tous sont unanimes sur son sens du travail, de la maison à l’école. « Quand tu expliques, elle est très attentive. Si tu la déranges, elle se lève automatiquement pour te signaler », ajoute Rémi Dégbo, son enseignant. En effet, elle n’apprécie pas qu’on la dérange lorsque l’enseignant déroule le cours, fait des exercices ou donne des explications. « En classe, quand les amis me gênent, je leur demande de me laisser tranquille et à la récréation nous pourrons parler. Parfois il y a des élèves qui ne suivent pas », justifie Ahouéfa. En classe aussi, elle s’arrange pour faire du bon travail. Cela commence par trouver un bon endroit pour ranger ses affaires afin de sortir au bon moment celles qui correspondent le mieux pour bien suivre les activités et ne pas être rattrapée par le temps. Arielle est concentrée. Elle est une apprenante modèle en classe, car elle suit bien et participe au cours, informe son enseignant. Cet investissement est le même quand elle est en récréation. Elle joue avec ses amis comme toute enfant, sans distinction ni discrimination, précise son enseignant avec sourire. Mais une fois le seuil de la porte de la classe franchie, son attitude change afin de s’investir dans les activités d’apprentissage. Cette attitude révèle certaines valeurs que les parents ont su imprimer à leur fille.

… imbibée de valeurs éthiques et morales…

Autonomie, rigueur, discipline, sérénité, sens du travail bien fait, ponctualité, pas de mauvaise compagnie, compétitivité, fidélité à la parole donnée, concentration. La petite Ahouefa a cultivé ces valeurs cruciales qui l’ont mise sous les feux des projecteurs cette année et qu’il est utile de parcourir les unes après les autres. Ahouéfa est autonome dans ses apprentissages et n’a pas besoin de répétiteur à domicile. Elle n’en a pas trouvé l’utilité comme son grand frère Samson. « Elle a refusé d’avoir un maître d’étude », clarifie son père. Elle a trouvé un substitut en travaillant beaucoup avec sa mère et son grand frère et en se repliant sur les enseignements du maître en cas de difficulté. « Quand je ne comprends pas, je demande à ma mère, à mon grand frère ou à mon père. Si je n’arrive pas à trouver la solution, je me débrouille et le lendemain je suis les explications de l’enseignant », soutient Arielle.
Elle valorise la rigueur et la discipline, car elle a envie de rendre ses parents fiers et souhaite bien étudier pour s’assurer un meilleur avenir. « C’est une fille sereine. Elle a une sérénité qui dépasse son âge. Elle est sage par rapport aux autres », dévoile, à son tour, sœur Adéline Sessou, dans sa robe de nonne blanc or, signe distinctif des religieuses de la congrégation des Oblates Catéchistes Petites Servantes des Pauvres (OCPSP), en sa qualité de directrice de l’établissement. Ahouéfa aime le travail bien fait, comme déjà dit plus haut, et la ponctualité est sa marque de fabrique.
Sur ce plan, son maître, Rémi Yves Dégbo insiste : « C’est une fille qui n’aime pas le retard. Elle est ponctuelle en classe. » Aussi, « Depuis toute petite, poursuit son père, c’est une fille qui sait s’entourer. Elle a pour amis des enfants qui savent ce qu’ils veulent faire. Elle est très sélective en amitié. Elle est souvent en compagnie d’amis qui savent travailler, qui savent là où ils vont », révèle Ferdinand Koudjalé, son père, fonctionnaire au Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération (MAEC).
De son mètre cinquante (1m50) de taille, Ahouéfa est aussi une fille compétitive. « C’est une fille qui aime la compétition. Lorsqu’on fait une évaluation et qu’elle constate que quelqu’un a une meilleure note qu’elle, elle se dit qu’elle doit dépasser cette personne-là. Elle est très appliquée et elle se met automatiquement au travail », affirme son enseignant en se redressant dans son fauteuil. Très attentif à ses apprenants et à leurs besoins, Rémi Yves Dégbo révèle encore un autre trait de caractère de la fille de 11 ans : « Lorsque vous discutez avec elle, en lui disant si elle peut fournir un certain résultat, si elle donne son accord, allez dormir et soyez certain que vous l’aurez. » La preuve, cela s’est vérifié à l’examen diocésain. « Quand je lui en ai parlé, elle m’a dit ‘‘Maître, sans vous mentir, je ne me suis pas préparée pour être la première, mais je peux vous assurer que je serai parmi les cinq premiers.’’
Effectivement, elle a été la troisième. Moi-même je n’arrive pas à comprendre. Donc lorsqu’elle se prépare à faire quelque chose, elle s’en sort facilement », martèle tout joyeux, le maître du CM2 B. À tout cela, son oncle ajoute la détermination. « Il faut saluer sa détermination. Cela vient de l’intérieur », souligne Roméo Romain Hounkponou, vêtu de sa chemise blanche et d’une cravate bleu ciel. Ces résultats ont aussi été rendus possibles grâce à l’accompagnement dont elle a bénéficié, tant de sa famille que de son enseignant.

… sous la conduite d’un enseignant assidu et un soutien familial crucial…

La femme est l’âme de la maison. Cet adage se vérifie une fois de plus avec la réussite d’Arielle Ahouéfa Koudjalé. « Très souvent quand ils finissent à l’école, c’est leur maman qui les encadre à la maison. « Depuis notre retour, elle a décidé de rester à la maison pour veiller sur les enfants. Elle a l’habitude de veiller au grain et fait un suivi rigoureux », reconnaît le père d’Arielle, d’une voix arrondie avec un léger sourire. En plus de maman, Rémi Yves Dégbo a aussi apporté sa pierre à l’édifice avec sa méthode de travail particulière.
D’entrée de jeu, il est contre le châtiment corporel et utilise d’autres moyens pour avoir des apprenants studieux. « J’applique des punitions. À midi par exemple, ceux qui n’ont pas récité leurs leçons peuvent être retenus pendant 30 minutes. Ils doivent apprendre et réciter avant de sortir. Si la leçon n’est toujours pas sue, ils rentrent mais on refait le même exercice le soir. Pour certains apprenants, je peux demander de recopier la leçon 10 fois. En recopiant, ils retiennent la leçon. Cela aide beaucoup les enfants qui ont très vite de meilleurs résultats », révèle le maître de CM2.
S’agissant des leçons, il a l’habitude de donner l’essentiel que l’enfant doit apprendre et les accompagne en faisant la synthèse en questions-réponses. Voilà pourquoi l’apprenant a deux cahiers. Le cahier de leçons proprement dit et un cahier de synthèse, surtout pour les matières essentielles : expression écrite, compréhension de l’écrit, mathématiques, etc. C’est ce cahier de synthèse qui sert à faire les révisions à l’approche des examens. « À partir du mois de mars, je demande aux enfants de déposer les cahiers de leçons. C’est la synthèse des leçons de l’année qu’ils vont apprendre », explique l’enseignant.
La dictée aussi est comprise dans ces matières. Pour cette dernière, il ne lésine pas sur les méthodes. « Tous les jours à 7h30, nous commençons la journée par la dictée. Ensuite on la corrige et 2 ou 3 jours après, nous refaisons la même dictée afin que je voie si les notions ont été comprises par les enfants. Si un apprenant fait encore des fautes, cela veut dire alors qu’il y a un problème. Il ne s’agit pas pour moi de faire de multiples dictées successivement. Je peux faire une dictée 3 ou 4 fois pour permettre aux enfants de saisir la règle », soutient Rémi Yves Dégbo.
Pour l’enseignant, toute leçon écrite doit être apprise et récitée, qu’importe la matière. Ainsi, les leçons de mathématique et français sont récitées. « Après la dictée, ce sont les formules mathématiques. Je pose les questions et on me répond sur les ardoises. Même les leçons de mathématiques sont apprises dans ma classe. Aujourd’hui, certains disent qu’on n’a pas besoin de réciter les leçons de français. Dans ma classe on les récite puisque en dictée et en expression écrite il faut appliquer les règles et, en compréhension de l’écrit on demande la justification de la règle », insiste l’enseignant dans sa tenue locale bohoumba aux motifs gris et bleu.
De son maître, Ahouéfa garde l’image d’un enseignant studieux : « Il nous explique correctement les leçons. Parfois, même s’il n’est pas en très bonne santé, il fait l’effort de rester pour que nous puissions comprendre les situations et il prend son temps. Il est patient avec nous. »
Tout cela mis l’un dans l’autre, Arielle et ses frères, ainsi que ses camarades de classe, ont eu droit à des conditions appréciables de travail. Chacun à son niveau ne manque pas de partager cette expérience.

…. dans un esprit de partage d’expériences avec les élèves,…

Le visage joyeux, sereine dans sa position assise, les mains croisées entre les jambes, Ahouéfa partage ses secrets de réussite avec les autres apprenants du Bénin et du monde. « Chaque jour, je recopie mes leçons. J’étudie, je travaille et je fais de mon mieux. À l’école, je suis les explications du maître. Je pose aussi les questions quand je ne comprends pas et je n’ai pas honte de poser ces questions », dévoile Ahouéfa. Elle ne manque pas d’ajouter : « Les exercices que le maître donne doivent être pris au sérieux parce que cela va nous aider si nous rencontrons d’autres exercices semblables. Nous ne devons pas bâcler ces exercices. Il faut suivre les explications du maître et écouter les conseils qu’il donne. Cela aide beaucoup. » Sur la même lancée, son oncle ajoute : « Tout ce qui doit être fait, mérite d’être bien fait. Autrement dit, il faut cultiver le sens du travail bien fait, cultiver le sens de l’excellence. Chercher à aller plus haut parce que si nous avons des enfants excellents, c’est le Bénin qui sera excellent. J’invite les enfants à donner le meilleur d’eux-mêmes. » Des conseils ont aussi été adressés aux enseignants, parents d’élèves et chefs d’établissement.

… enseignants, parents et chefs d’établissements

Pour Rémi Yves Dégbo l’enseignement est un sacerdoce, une profession qu’il se plaît à exercer. Même si, comme tout le monde, il a besoin d’argent, il n’en fait pas une priorité. Un enseignant qui se concentre sur l’argent ne fera rien de bon, fait-il observer avant de conseiller : « Je leur demande de mettre du sérieux dans leur travail. Tout ce que nous apprenons lors de nos formations doit être appliqué. Ils doivent être rigoureux et ponctuels. » Aux parents d’élèves, Ferdinand Kouadjalé demande d’être attentifs aux enfants et de faire un suivi rigoureux. Face aux nombreuses occupations, indisponibilités et au temps, semble-t-il, de plus en plus insuffisant, il conseille la complémentarité : « Quand un parent est occupé, l’autre doit être disponible. Les deux parents ne doivent pas simultanément être occupés au point de laisser les enfants à eux-mêmes. » L’oncle d’Ahouéfa renchérit en disant que vous aurez beau amasser l’or et l’argent, ceux qui vont mieux témoigner de vous demain, de ce que vous représentez, ce sont vos enfants. Quant aux chefs d’établissements, sœur Adeline les invite à faire un suivi des enseignants et à renforcer leurs capacités au besoin, comme cela se fait dans son établissement.

Adjéi KPONON

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