Aliou Saïdou, 2e vice-recteur de l’UAC, sur le financement de la recherche : « Le jour où mon pays va financer sa recherche, nous allons rivaliser avec les grands pays » - Journal Educ'Action
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Aliou Saïdou, 2e vice-recteur de l’UAC, sur le financement de la recherche : « Le jour où mon pays va financer sa recherche, nous allons rivaliser avec les grands pays »

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Le premier reproche que les citoyens lambda font aux chercheurs et autres acteurs de la recherche, c’est de toujours faire des recherches sans avoir de résultats concrets ! Faux ! répondent les chercheurs quand ils vous montrent leur prouesse. Face à ces constats, depuis quelques mois, le vent du changement souffle progressivement sur les universités nationales du Bénin depuis le vaste chantier de réformes entreprises par le gouvernement l’an dernier pour ‘‘révéler’’ les universités . C’est dans cette mouvance que de nouvelles équipes rectorales ont été nommées à la tête desdites universités, après un long processus. A la fin du processus, les résultats ont abouti à la désignation de Aliou Saïdou comme 2e vice-recteur, chargé de la recherche universitaire, à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). Dans cette interview exclusive, le professeur titulaire des universités en Sciences agronomiques, précisément spécialiste des sciences du sol, fait le tour de l’actualité et des réformes engagées dans le secteur de la recherche scientifique à l’UAC. Membre de l’équipe rectorale conduite par le professeur Félicien Avlessi, recteur de l’UAC, ce chancelier de l’Ordre national du Bénin lève un coin de voile sur les enjeux de gouvernance et de financement de la recherche pour les pays africains comme le Bénin. A bâton rompu, lisez plutôt !

Educ’Action : Comment se porte aujourd’hui la recherche scientifique à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) ?

Aliou Saïdou : Aujourd’hui en termes de recherche, nous avons fait de grands pas. Cela passe par les réformes que nous avons entreprises au niveau de nos écoles doctorales avec l’implication de tous nos collègues. Eux aussi ont apprécié ces grandes réformes puisqu’aujourd’hui, nous sommes dans la dynamique d’accompagner le gouvernement dans la mise en œuvre de son programme d’actions. Je pense que dans ce sens, toutes les écoles doctorales et aussi les structures à la base du vice-rectorat ont approuvé cette initiative. Les réformes vont aussi dans le sens des laboratoires que nous sommes en train de redynamiser et de restructurer. Dans un passé très récent, nous avons fait une étude sur les laboratoires et nous avons trouvé un nombre qui fait peur. Nous avons près de cent-vingt-cinq (125) laboratoires pour cette petite université.
Quand on parle de recherche, cela prend aussi en compte la promotion des enseignants. Sur ce plan, nous avons eu de très bons résultats de 2018 jusqu’à 2021. Nous avons obtenu plus de quatre cent huit (408) promotions des enseignants sur les listes du CCI du CAMES. En ce qui concerne le concours d’agrégation, les résultats aussi sont très intéressants. Pour ce qui concerne les Sciences juridiques politiques, économiques et de gestion, nous avons près de dix (10) enseignants au concours d’agrégation et pour la médecine neuf (09) enseignants. Tout cela montre qu’il y a une intense activité de recherche au niveau de notre université comparativement aux autres universités. Ce n’est pas pour rien que les gens trouvent que l’UAC est une université mère.
En ce qui concerne les projets de recherches, depuis 2018, nous en avons financés près de seize (16) sur la base des appels à candidatures dans le cadre des fonds compétitifs. L’UAC a injecté pour ces quatre (04) années, près d’un milliard pour financer la recherche sur fond propre. Normalement la fin du programme était prévue pour 2021, mais de façon sûre en 2022, nous allons boucler cette troisième phase du projet. Cela nous permettra d’obtenir quarante-huit (48) docteurs que nous allons former et près de cent-quarante-huit (148) étudiants en Master recherche que nous allons financer également. Ce programme a aussi boosté l’inscription des enseignants sur les différentes listes du CAMES surtout pour le CCI et consorts.
Dans mon projet de gouvernance, nous pensons restructurer les laboratoires et cela est en cours. Sur les cent-vingt-cinq (125) laboratoires, présentement nous sommes autour de cinquante huit (58) et nous avons prévu de faire une véritable réforme au niveau des écoles doctorales et c’est sûr que vous avez déjà les échos. Les soutenances de thèses sont vraiment bien régulées maintenant. Nous avons essayé d’améliorer la procédure des soutenances. Nous avons des échos de l’extérieur sur la manière dont les thèses de doctorat se déroulent à l’UAC et également aussi la qualité de nos sujets. Ce sont des sujets d’intérêt pour nous et nous sommes en train de revoir tout ce dispositif.
Nous sommes en train de mettre en place aussi le dispositif d’assurance qualité, par rapport à ces différentes thèses qui doivent sortir de nos différentes écoles doctorales et ça fait son petit bonhomme de chemin. A partir du 1er mai prochain, toute thèse de doctorat qui doit être soutenue à l’UAC doit passer par le processus de détection du plagiat. Si vous dépassez le seuil de 20% votre thèse est purement et simplement rejetée. Cela aussi fait partie des réformes que nous sommes en train d’entreprendre.
Nous voulons aussi accompagner le gouvernement parce que nous avons toujours été critiqués sur cet aspect. Les gens nous accusent de ne pas savoir ce que nous faisons dans nos laboratoires. Cette année, nous avons mis en place un véritable dispositif pour accompagner les laboratoires dans ce sens. Sur ce point, il y a un grand programme sur la valorisation des résultats des laboratoires. En effet, nous travaillons beaucoup pour sortir des thèses, des mémoires, mais la plupart de ces documents sont dans les tiroirs, dans les publications et cela n’est pas à la portée des utilisateurs que sont les populations et consorts. Nous venons de bénéficier de deux projets financés par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) à travers un programme intitulé VaRRIWA. Ce programme fait près de 400 000 euros que l’AUF est en train de mettre à la disposition de l’UAC pour la valorisation des résultats de recherche. Nous allons appuyer les laboratoires à travers les innovations technologiques développées et essayer de les valoriser et les faire connaître à la communauté. Pour la suite, avec notre service de communication, nous pensons tourner un film sur les laboratoires et aussi faire une journée porte-ouverte sur les laboratoires. Toutes ces actions sont initiées pour mieux faire connaître ce que nous produisons dans nos laboratoires et également montrer l’importance de nos laboratoires. Aujourd’hui à l’UAC, nos travaux de recherches ne se limitent plus à la thèse, aux publications mais on veut aller au-delà.
Pourquoi ne pas accompagner aussi les différents doctorants dans la création des startups puisque aujourd’hui, la question de l’emploi se pose. Les étudiants ont de très bons résultats de recherches qu’ils peuvent convertir et avec lesquels créer des startups pour s’auto employer. C’est dans ce sens que nous voulons aller présentement avec la nouvelle équipe qui est en place.
En matière d’évolution de la recherche, nous sommes également impliqués dans un grand programme que nous sommes en train de mettre en œuvre. C’est la mutualisation des équipements parce qu’il y a une fragmentation des équipements. Vous allez trouver un petit appareil ici et c’est peut-être dans un autre laboratoire que vous allez trouver un autre appareil. Maintenant, l’objectif est de voir comment créer de grands espaces, de grands ensembles mutualisés, qui vont faciliter les travaux de recherches de nos différents doctorants. L’autre aspect important, on ne peut pas entreprendre tout cela sans les ressources humaines. Il faudrait qu’on nous aide à recruter aussi bien des techniciens dans les laboratoires que des enseignants de qualité. Le gouvernement est en train de faire quelque chose sur ce plan. Nous espérons que le processus va vite aboutir pour qu’on puisse avoir ces ressources pour la qualité de l’enseignement et de la recherche.
L’autre problème aussi qui agit sur la qualité de la recherche, c’est la mobilisation des ressources. Tout ce que je viens de dire et aussi les différents résultats que je viens de présenter, sont spécifiquement basés sur les initiatives personnelles de la plupart des collègues. Il y a un collègue qui a gagné le premier prix de la CEDEAO la dernière fois grâce à son dispositif de désinfection en pleine Covid-19. Nous pensons réaliser des clips pour la plupart de ces collègues. Il y a de nombreux autres collègues qui, à chaque fois, décrochent des prix à l’international. Il y a beaucoup de choses qui se font en matière de recherche et si vous ne vous approchez pas de nous, vous ne pouvez pas vraiment le savoir.

Qu’est-ce que vous faites concrètement pour la visibilité des publications des chercheurs ?

A l’université, nous avons une plateforme qu’on appelle Bibliothèque des Enseignants et Chercheurs (BEC), C’est la plateforme de l’université pour la mise en ligne des différents articles scientifiques. Le principal problème que nous avons, quand les enseignants chercheurs publient, ils ont la paresse d’aller sur la plateforme pour l’insérer. Mais Dieu merci aujourd’hui, il y a d’autres plateformes. Ce sont des plateformes à l’échelle mondiale dont l’université ne peut pas s’arroger la paternité tels que Researchgate, Academia et consorts… Si vous vous inscrivez sur ces différentes plateformes, aussitôt un article publié, si vous avez le DOI. Automatiquement, la plateforme va vous chercher l’article et va le mettre au niveau de votre compte. Mais pour notre plateforme BEC, nous n’avons pas encore atteint cette performance-là. Mais aujourd’hui, selon les dernières statistiques qu’on a obtenues, nous sommes à plus de 1100 publications seulement pour la période 2018 à 2020, contrairement aux années antérieures.
L’autre problème que nous avons, c’est la difficulté pour recenser avec exactitude tout ce qui sort comme productions scientifiques. Présentement, nous avons une équipe qui doit sillonner tous les laboratoires pour nous aider à collecter toutes ces publications. Nous sommes en train de voir comment améliorer cette plateforme dans laquelle l’université a beaucoup investi, et aussi comment sensibiliser les enseignants pour que régulièrement dès qu’une production scientifique sort, ils aillent sur la plateforme pour la publier. Nous avons un petit moyen que nous utilisons pour les obliger à le faire. Lorsqu’on fait leur recensement pour le payement des primes de publication, le principal critère est que l’enseignant doit aller sur la plateforme, renseigner et mettre en ligne toutes ses productions scientifiques avant de bénéficier de ce paiement.
Nous les encourageons aussi à s’inscrire sur la plateforme Researchgate ou Academia et autres. Au fait, l’inscription sur ces différentes plateformes a un avantage parce que cela permet aux différents moteurs de recherche de vite détecter les plagiats. Si vous ne mettez pas vos productions scientifiques en ligne, vous n’êtes pas connus. Les gens ne pourront même pas vous citer. Or, c’est le taux de citations, les publications que vous mettez en ligne et autre, qui sont pris en compte dans le classement mondial des universités. Donc, il ne faut plus qu’on soit seulement des chercheurs maisons mais il faut qu’on s’ouvre à l’international pour que les gens sachent et connaissent tout ce que nous faisons ici comme activités de recherches. C’est un grand défi pour nous de recenser réellement et rigoureusement tout ce qui sort comme publications chaque année. Mais les collègues travaillent.

Force est de constater, selon le rapport 2019 sur la recherche à l’UAC, que de nombreux laboratoires ne produisent pas de rapport d’activités. C’est à croire qu’ils ne font rien. Est-ce que dans ces reformes, vous avez prévu un mécanisme de suivi des activités des laboratoires ?

Effectivement, on est parti de cent-vingt-cinq (125) et présentement, lorsqu’on a lancé le processus pour le recensement des laboratoires, on a enregistré près d’une soixantaine de dossiers. L’arrêté rectoral fixant la restitution de laboratoire a été clair. Au niveau de cet arrêté, il y a des articles qui sont destinés à la bonne gouvernance dans ces laboratoires. Effectivement, certains laboratoires ne produisent pas de rapport. Même chaque année, le conseil scientifique les relance pour qu’ils envoient leurs rapports. Mais, sur les cent-vingt-cinq (125) qu’on avait recensés, à peine avons-nous reçu une trentaine de rapports. Désormais, le rapport d’activité fait partie des critères pour créer un laboratoire. Présentement, vingt-sept (27) des cinquante-huit (58) laboratoires recensés ont reçu un avis favorable après plusieurs étapes de contrôle. Il y a même eu une étape qui a constitué à aller visiter de façon physique les infrastructures qui existent, à visiter également les équipements qu’il y a dans ces différents laboratoires.
Ces vingt-sept (27) laboratoires vont recevoir leur autorisation de création. Ce qui est prévu pour ces laboratoires qui auront les autorisations, c’est qu’après 5 ans on va les réévaluer. S’ils sont performants, l’UAC va leur délivrer une accréditation. Cela voudra dire que tous les programmes de financement que nous allons négocier avec nos partenaires, ce sont ces laboratoires accrédités qui vont nous accompagner. Cela suppose que pour être laboratoire accrédité, vous devez produire régulièrement vos rapports, respecter rigoureusement les conditions prévues dans l’arrêté de création.
Les laboratoires seront sous les écoles doctorales. Avant, les laboratoires étaient sous les entités et les autorisations étaient délivrées à tout venant. Désormais, il y a une procédure. Le mode de gouvernance est bien explicite au niveau de cet arrêté de création. Ainsi, le directeur de laboratoire a un mandat de deux (02) ans renouvelable une seule fois. Chaque fois, il faut une élection pour mettre une nouvelle équipe en place. Ce à quoi l’on assistait avant, c’est que il y a des directeurs de laboratoire à vie, ce qui n’est pas normal. C’est ce qui a motivé les collègues qui, aussitôt devenus maître de conférence, cherchent à avoir leur laboratoire. Cela était dû à la faiblesse du mécanisme de gouvernance dans les laboratoires. Donc, il y a des conditions que chaque nouveau laboratoire doit respecter. Le recteur peut sortir un autre acte pour déclasser un laboratoire. Tel que nous sommes en train de le faire maintenant, chaque laboratoire est sous contrôle et les laboratoires ont l’obligation de déposer leur rapport au plus tard en janvier de la nouvelle année. De plus, tout ce qu’ils mènent comme activités de recherches doit être sous le contrôle du vice-rectorat chargé de la recherche.
Aucun laboratoire ne pourra se lever et signer un projet au nom de toute l’université. Ce n’est plus possible. Ces laboratoires doivent passer par les écoles doctorales. Si la signature du recteur est nécessaire, alors il y a d’autres conditions qui doivent être remplies. Dans notre programme de recherche au niveau de l’équipe rectorale, on a prévu de créer un service qui va centraliser tous les projets au niveau de l’UAC. Tous les projets des laboratoires seront sous le contrôle de ce service. Nous allons accompagner tous ces chercheurs qui vont décrocher des projets à l’international dans la mise en œuvre de ces différents projets. Nous allons leur donner des facilités institutionnelles, administratives pour qu’ils puissent atteindre les différents objectifs de ces projets. Notre ambition est vraiment très grande pour notre université.
Je pense que si tout va bien, nous aurons une soixantaine de laboratoires. Nous avons prévu des ressources pour appuyer ces laboratoires reconnus. Pour les autres, c’est à eux de tout faire pour se conformer à l’arrêté rectoral. A l’avenir, ce sont ces labos qui vont nous accompagner dans la recherche de financements pour l’université. On ne peut pas mettre de l’argent dans les mains de petites unités. Cela ne nous convient pas, ce n’est pas crédible parce qu’en cas de problème, le recteur ne pourra pas répondre.
Le 19 avril prochain, la commission fait une restitution. Les vingt-sept (27) laboratoires qui ont reçu officiellement l’avis favorable et qui ont leur arrêté de création, seront officiellement connus au niveau de l’université. Cela ne veut pas dire qu’on ferme la porte aux autres. Nous les encourageons plutôt à tout faire pour se conformer comme les autres afin que cela aille vite. Nous ne sommes pas des policiers derrière eux mais tout ce que nous voulons, c’est de pouvoir améliorer l’organisation de la gouvernance au niveau de tous ces laboratoires.

Quel mécanisme mettez-vous en place pour prévenir les affinités et les guéguerres entre enseignants pour diverses raisons ?

C’est une question très sensible. Tant que moi je serai ici à ce poste, jusqu’à la fin de mon mandat, vous n’entendrez jamais que le professeur Saïdou a fait du favoritisme pour un groupe donné. Il ne faut pas mélanger amitié et professionnalisme. J’ai déjà rejeté des thèses de doctorat des étudiants de certains amis qui sont proches de moi.
Au niveau des écoles doctorales et des laboratoires, la règle de gouvernance est claire dans l’arrêté. La gouvernance au niveau des laboratoires se fait de façon conjointe avec le directeur de l’école doctorale. Même la gestion financière, c’est sous le couvert de l’école doctorale. La comptabilité de l’école doctorale appuie tous les laboratoires dans la gestion de leurs projets. Le mandat est de deux (02) ans et il n’y a plus de directeur à vie. Dans leurs dossiers, ils ont déposé des statuts et un règlement intérieur. Tout est clair en ce qui concerne la gouvernance, dans les règlements intérieur. Maintenant, si une équipe va à l’encontre de son propre règlement intérieur, cela veut dire qu’il y a un problème. De même, l’une des conditions aujourd’hui pour créer un laboratoire, c’est d’avoir au moins cinq (05) membres permanents. Il s’agit d’enseignants-chercheurs de l’UAC. On ne peut pas être enseignant de l’Université d’Agriculture de Porto-Novo et être membre permanent d’un laboratoire à l’UAC. Vous ne pouvez être que membre associé. Certains laboratoires sont bloqués parce qu’ils n’ont pas pu réunir les cinq (05) membres permanents. Nous avons mis cela comme condition pour obliger les gens à travailler ensemble. Donc, tous ces cent vingt cinq (125) laboratoires que nous avons identifiés, deviennent des unités. Il revient à ces unités de se mettre ensemble pour créer véritablement un laboratoire. La gouvernance au niveau des unités est prévue dans les statuts. Si chacun peut respecter ce qui a été écrit, il n’y aurait pas de problème d’affinité.

Que dire alors sur le financement de la recherche ?

photo des membres de l’equipe rectorale

Nous avons besoin d’appui. Dieu merci, au niveau de l’arrêté sur le statut-type des universités, il est prévu la mise en place d’un fond national pour appuyer la recherche. Donc, nous attendons la mise en place de ce mécanisme pour appuyer la recherche. Aujourd’hui tout ce que nous faisons au niveau de nos laboratoires, c’est sur la base des initiatives personnelles de nos collègues. Lorsqu’on a lancé en 2018 les fonds compétitifs, nous avons eu plus de cent vingt (120) dossiers. Tous les dossiers étaient de très bons projets, mais on n’avait pas assez de ressources pour financer l’ensemble de ces projets. Nous n’avons pu financer que seize (16), mais le reste est dans les tiroirs. Les collègues attendent et chaque fois que des opportunités se présentent à l’internationale à travers les appels à projets de l’Union européenne, de l’Union africaine, ils en profitent. Cependant, quand ce sont des appels financés par l’Union européenne ou l’Union africaine, et autres, sachez que vous n’êtes plus détenteurs des résultats de la recherche. Le pays n’est plus responsable, n’a plus le droit d’auteur de ce qui se fait comme recherche. C’est très dangereux pour nous, pour les pays africains.
Alors, qu’est-ce qui se passe ? Aujourd’hui les pays européens, américains et consorts n’ont plus d’idées. Ils se rabattent sur nous pour recueillir nos idées et en faire de grands programmes chez eux. Et quand ils envoient ces programmes, nous on a à peine le dixième 1/10 et le reste des fonds repart chez eux. Ils viennent prendre encore nos idées et ils s’approprient les résultats de nos recherches. C’est pour cela que dans ma thèse de doctorat j’ai dit qu’un pays qui n’arrive pas à financer sa recherche n’est pas indépendant. Si nous voulons être indépendants, nous devons être en mesure de financer nos programmes de recherche.
Aujourd’hui tout le monde crie les Etats-Unis, la Russie et autres. Mais, ils se sont développés sur la base des résultats de recherches. Quand le pays est confronté à un sérieux problème, qu’est-ce qu’ils font ? Ils appellent les chercheurs des universités et on les réunit. On leur présente le problème et on leur donne un délai pour trouver des solutions et les solutions sont trouvées. Il est souvent fréquent dans ces pays-là de soutenir des thèses de doctorat à huis clos. Cela veut dire que les résultats sont extrêmement sensibles, donc on ne peut pas les mettre à la disposition de tout le monde. Le jour où mon pays va financer sa recherche, je suis sûr qu’avec tous mes collègues chercheurs responsables des laboratoires que je connais, je pense qu’en un temps record, nous allons rivaliser avec les grands pays. J’en suis très convaincu. Il suffit de faire un tour dans les laboratoires et vous allez voir les miracles que certains collègues font.
Le collègue qui a eu le prix de la CEDEAO, mais il est ingénieux. Nous avons de nombreux étudiants qui ont créé des start-up sur la base de leurs travaux de recherches de Master. Présentement certains se sont installés. J’ai deux (02) de mes étudiants qui se sont installés dans la production des engrais. De plus, à travers les fonds compétitifs, il y a eu une étudiante qui a mis au point un produit pour stimuler la production laitière à base de plantes. Il suffit d’administrer ces plantes à la vache et cela impacte considérablement la quantité de lait que la vache produit. Si on peut moderniser tout cela, on a plus besoin d’importer du lait en grande quantité. On peut assurer la consommation de lait au Bénin, à partir de la production locale.

Que dire pour conclure cet entretien ?

Je demande vraiment au gouvernement de tout faire pour que les fonds soient mis en place pour vraiment appuyer les collègues dans leurs travaux de recherches dans tous nos laboratoires.

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Propos recueillis par Edouard KATCHIKPE & Adjeï KPONON

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