Accès aux infrastructures sanitaires dans des écoles et universités du public : Les dispositions légales foulées au pied pour défaut de décrets d’application - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde
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Accès aux infrastructures sanitaires dans des écoles et universités du public : Les dispositions légales foulées au pied pour défaut de décrets d’application

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Des écoliers dans une salle de classe

Presqu’un an après le vote et la promulgation de la Loi N°2022- 04 du 16 Février 2022 portant Code de l’hygiène publique en République du Bénin, rien n’a changé dans les écoles et universités conformément aux dispositions légales en vigueur pour défaut de décrets d’application. Enquête !

Le visage que présentent certains établissements scolaires et universitaires, notamment ceux du public en matière d’hygiène publique en République du Bénin
est tout sauf gai. Quoique dotées d’installations sanitaires comme le prescrit la Loi, elles ne sont pas pourvues pour la plupart de canalisation d’eau à même de soulager administratifs scolaires, enseignants et apprenants. Une descente dans quelques écoles et universités publiques de Cotonou et environs et le constat est effarent. Dans certaines écoles et universités publiques, les lieux d’aisance et toilettes pour apprenants sont restés non vidangés, dégageant quand il fait soleil, des odeurs à faire couper le souffle. L’odeur nauséabonde qui envahit l’entourage force la respiration et perturbe la délivrance des apprentissages. Dans d’autres écoles et universités relevant toujours du giron de l’Etat, seuls les infrastructures sanitaires des enseignants et autres administratifs sont entretenues. Certaines sont raccordées par la Soneb en eau potable, d’autres alimentées par des forages et d’autres par des puits. Plus grave, d’autres ne disposent d’aucun des trois sources de raccordement. Il revient aux apprenants de faire des corvées dans des concessions voisines pour s’approvisionner en eau en violation des dispositions de la Loi N°2022-04 du 16 Février 2022 portant Code l’hygiène publique en République du Bénin. Approché pour en savoir davantage sur les raisons de non approvisionnement en eau potable, Thomas Hounsa, ancien président APE d’une Ecole Primaire Publique se confie très remonté. « A l’époque où nous assumions
ces charges, nous avions fait d’interminables va-et-vient en direction de l’administration pour le règlement de cette cruciale question. Le directeur d’alors nous a dit qu’il n’a pas de ressources pour cela. Nous étions prêts à mettre la main à la poche. Nous avons d’ailleurs commencé par sensibiliser les parents d’élèves qui ont adhéré à notre cause et ont compris la pertinence de notre combat surtout en direction des filles pour leur hygiène menstruelle. Mais notre combat n’a pas prospéré parce que les détenteurs du pouvoir public ne nous ont pas accompagné », s’est-il confié tout déçu. Il en conclut que les questions liées à l’hygiène publique ne constituent pas une priorité pour nos gouvernants. A-t-il ou non raison ? Nous avons opposé son témoignage à l’actuel directeur de l’école primaire publique située
à moins de dix minutes de marche de sa maison. Il s’agit pour nous de chercher d’abord à comprendre où le directeur lui-même fait ses besoins aux heures de cours et sa réaction en réponse au témoignage de l’ancien président APE de son école qu’il connait d’ailleurs si bien. A la première question, le chef d’établissement avoue solliciter l’indulgence, la tolérance et la gentillesse des concessions voisines l’autorisant à satisfaire chez elles, ses besoins ou, à défaut, fait un tour à son domicile avant de revenir à l’école. Pendant ce temps, la classe de CM2 qu’il garde est orpheline. A la seconde question, il dit avoir saisi sa hiérarchie en attente des instructions à recevoir. En attendant, chacun devra se débrouiller que l’on soit maîtresse, maître ou encore apprenante ou apprenant. Et pourtant la Loi N°2022-04 du 16 Février 2022 en son chapitre IV vide le débat d’instructions en attente à recevoir.

Toilettes souffrant de défaut d’entretien

Des dispositions légales en vigueur …

Au terme des dispositions de l’article 43 du chapitre IV de la Loi N°2022-04 du 16 Février 2022 portant Code de l’Hygiène publique en vigueur en République du Bénin « Chaque établissement des différents ordres d’enseignement dispose d’une source d’approvisionnement en eau potable et d’installations sanitaires appropriées qui garantissent l’accès et la facilité d’usage pour toute personne en tenant compte du sexe et des situations de handicap. » On se rend alors bien compte que cette disposition est foulée au pied dans bien des établissements scolaires et universitaires. A la question de savoir ce qui va fondamentalement changer au niveau des écoles, collèges et universités, Aurore Biokou répond que c’est de pouvoir respecter les dispositions légales en vigueur en la matière. « Si l’établissement ne disposait pas de cette séparation des ouvrages d’assainissement, il faut les construire et étant donné qu’il y a aussi des localités où c’est maintenant qu’on veut mettre en place des bâtiments dans ces écoles, il faudrait donc en profiter pour construire ces types d’ouvrages sanitaires et veiller également à approvisionner l’établissement en eau potable », recommande fortement Aurore Biokou, responsable formation et communication au Partenariat National de l’Eau. Alain Tossounon, journaliste et secrétaire général du Cadre de concertation des Acteurs Non Etatiques des secteurs de l’Eau et de l’Assainissement au Bénin (CANEA) n’en dit d’ailleurs pas le contraire. Embouchant la trompette de Aurore Biokou, il lève un coin de voile sur les défis importants à relever avec l’avènement de cette nouvelle loi. « Il y a quelques années encore, la plus grande université du Bénin ne disposait pas de toilettes publiques destinées aux étudiants et étudiantes. Ce qui cause un problème en matière du cadre de vie mais aussi en matière de santé. Le premier défi est donc de pourvoir ces établissements en ouvrages d’assainissement. Le deuxième défi, c’est celui de l’entretien de ces latrines. A cela, il faut aussi ajouter un dispositif de lavage des mains. Lorsque vous
sortez des toilettes, vous devez pouvoir vous laver les mains à l’eau et au savon pour éviter de vous exposer à tout ce qu’il y a comme risques sanitaires », a-t-il développé avant de se prononcer sur le blocage de la prise des textes réglementaires dont les décrets et arrêtés interministériels pour rendre applicable la Loi N°2022-04 du 16 Février 2022 votée depuis le jeudi 20 janvier 2022 et promulguée le 16 février 2022. « Il y a un travail d’actualisation et d’élaboration des textes réglementaires qui a commencé aujourd’hui au niveau du ministère de la Santé Publique. Mais il n’y a pas que ce ministère qui est concerné. Vous avez celui du Cadre de vie qui s’occupe de la gestion des boues de vidange, tout ce qui est eau usée et qui est concerné par la prise de ces décrets tout comme le ministère de la Sécurité et le ministère des Finances. C’est un travail qui doit être fait de façon concertée entre tous les ministères sectoriels impliqués. Le travail se poursuit en ce
moment », fait-il savoir, impatient. Les chefs d’établissement sont-ils fondés à attendre des instructions  de leur hiérarchie avant de garantir à leurs collaborateurs
et à leurs apprenants, les meilleures conditions  d’hygiène dans leurs écoles ? L’article 45 de la Loi N°2022-04 du 16 Février 2022 portant Code d’hygiène publique en vigueur en République du Bénin tranche définitivement la question : « les chefs d’établissement veillent au respect des règles élémentaires d’hygiène dans les écoles et les universités. » Pour Aurore Biokou, responsable formation et communication au Partenariat National de l’Eau, le nouveau Code impose « de responsabiliser les chefs d’établissements pour que désormais dans nos établissements  scolaires (publics comme privés), les dispositions de cette loi au termes des articles 40, 42, 43 et 45 soient respectées. » Le même article en son alinéa suivant met les services compétents des municipalités devant leurs responsabilités : « les agents assermentés de la municipalité et les services en charge de l’hygiène et de l’assainissement du ministère en charge de la Santé procèdent à des inspections
sanitaires dans les établissements scolaires et universitaires. » Désormais donc « les municipalités doivent pouvoir s’investir dans le suivi au respect de ces dispositions de la loi qui s’adressent à ces établissements scolaires et universitaires sur leurs territoires », précise Aurore Biokou. De l’avis de Alain Tossounon, journaliste et secrétaire général du CANEA, la non prise des décrets d’application de la  Loi N°2022-04 du 16 Février 2022 ne saurait être une excuse pour le respect en l’état des dispositions prescrites par l’actuel Code. Il fustige, par ailleurs, le retard que connait la prise desdits décrets d’application et fait le plaidoyer.

Au plaidoyer …

La Loi N°2022-04 du 16 Février 2022 portant hygiène publique en République du Bénin tient compte des nouveaux enjeux en matière de santé publique et d’amélioration du cadre de vie des populations. Plusieurs sanctions sont prévues pour tout contrevenant aux nouvelles dispositions. Il s’agit « des peines allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et des amendes. L’action publique se prescrit par 5 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions. » C’est pourquoi pour une application rigoureuse de celle-ci, le Cadre de concertation des Acteurs Non Etatiques des secteurs de l’Eau et de l’Assainissement au Bénin (CANEA) plaident pour la prise diligente de ces textes réglementaires. Sur le plaidoyer, Alain Tossounon, secrétaire général du CANEA, se confie : « nous avons été déjà reçus au ministère du Cadre de vie par rapport à notre plaidoyer pour que le processus de prise de textes d’application soit accéléré pour que nous passions à l’application effective. Mais en attendant, nous avons commencé la vulgarisation du contenu de cette loi parce qu’à partir du moment où la loi a été votée et promulguée, nul ne peut l’ignorer. Il faut donc préparer les citoyens à faire face aux nouvelles dispositions contenues dans cette loi ».

Toilettes délabrées

Des messages à l’endroit des chefs d’établissement et du gouvernement…

Des messages ne manquent pas pour mettre chaque acteur devant sa responsabilité. Aurore Biokou ne manque d’ailleurs pas de message à l’endroit des décideurs et des chefs d’établissement au Bénin. « Aux gouvernants éducatifs, qu’ils prennent au sérieux la question de l’assainissement et de l’approvisionnement en eau potable dans les établissements scolaires et universitaires. Il va falloir que l’eau potable ne manque pas pour garantir la santé aussi bien des apprenants que des enseignants. A l’endroit des enseignants, qu’ils prennent la mesure des choses pour que désormais les questions d’approvisionnement en eau et d’assainissement  dans nos écoles soient vraiment prises au sérieux pour garantir la vie et la sécurité, la santé des apprenants afin que des conditions idoines leur soient créées pour qu’ils puissent effectivement recevoir le savoir nécessaire dans de bonnes conditions. » Autre acteur, autre adresse, Alain Tossounon corrobore le message de Aurore Biokou : « aux gouvernants au plus haut niveau, qu’ils travaillent à doter les établissement scolaires et universitaires de toilettes suffisantes et répondant aux normes comme l’exige l’article 40 de la loi. Ensuite, il faut diligemment prendre les actes réglementaires pour une application de la loi et associer le CANEA et toutes les ONG opérant dans le secteur de l’hygiène et d’assainissement pour sa vulgarisation. » Votée le jeudi 20 Janvier 2022, la loi N°2022-04 portant hygiène publique en République du Bénin est la version actualisée de la Loi 87-015 du 21 septembre 1987.

Romuald D. LOGBO

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