30 ans après la conférence des forces vives de la Nation : Le système éducatif béninois toujours en débats - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

30 ans après la conférence des forces vives de la Nation : Le système éducatif béninois toujours en débats

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Nous sommes au deuxième acte de cette enquête consacrée aux 30 ans de la Conférence des Forces Vives de la Nation. Il fait la lumière sur la situation enseignante, les caricatures implicites de l’école béninoise et ses défis avec une interrogation centrale : sommes-nous sur la voie d’un système éducatif qui nous conduira au développement ? Les révélations se poursuivent et elles se mêlent aux doutes et aux espoirs d’acteurs de premier plan de l’après Conférence nationale. Embarquons… A la découverte des heurts et malheurs de l’histoire éducative béninoise.

«L’école béninoise, selon moi, ne s’est jamais bien portée ». Voilà qui est dit et qui plante bien le décor du parcours du Bénin en 30 ans de démocratie et 60 ans d’indépendance. Magloire Cossou, l’auteur de cette citation, ne fait pas dans de la dentelle. La cause profonde de ce malaise, c’est la question enseignante. « Je suis sorti de l’école normale Félicien Nadjo en 1970. Nous étions environ 160. Notre effectif était insuffisant pour faire face aux besoins du terrain », raconte l’inspecteur des Enseignements Maternel et Primaire admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite depuis bientôt 20 ans. Cependant, il est encore actif et jouit d’une mémoire d’éléphant. Les milliards de connexions nerveuses du spécialiste de l’éducation condensent le malheur de l’école en un seul mot : expédient. « J’entends par expédient, une solution superficielle », conclut le septuagénaire après un long argumentaire sur les facettes ingénieuses mais « pédagogiquement destructrices » de la gestion du personnel enseignant.

La question enseignante, l’expédient éternel …

Face à la pénurie d’enseignants en 1970, selon Magloire Cossou, le gouvernement d’alors agite un premier expédient. « En dehors de ceux qui sortaient de l’école normale, il y avait ceux qu’on appelait les « Engagés directs ». C’est ceux qui avaient le BEPC et qui n’avaient reçu aucune formation pédagogique, mais qu’on recrute pour enseigner », affirme l’inspecteur. D’où un premier constat : le phénomène de la sous-qualification d’une bonne partie du personnel enseignant existait déjà. Avec l’avènement du régime révolutionnaire, les règles changent. Les écoles privées et confessionnelles sont caporalisées, le sort des enseignants laissé entre les mains des révolutionnaires qui prennent la décision suivante : « tous ceux qui n’ont pas la qualification, on vous vide ! », se rappelle l’inspecteur avec une voix calme et sereine. C’est là la première grosse erreur éducative qui entraînera l’échec de l’école nouvelle, selon Magloire Cossou. En effet, la grande majorité de ces enseignants n’avait pas de gros diplômes académiques, car disposant pour la plupart de l’ancien CEP et de ce qu’on appelait « les huit vingtième », c’est-à-dire que, ceux qui étaient allés à l’examen du BEPC et qui avaient réuni 8 sur 20, recevaient un papier qui certifiait qu’ils n’étaient pas loin de l’avoir. Cependant, malgré leur faible niveau de diplomation, ils s’étaient faits la main avec « l’encadrement de proximité dont ils jouissaient », éclaire Magloire Cossou. La période étant aussi celle de la scolarisation universelle, tous les enfants à l’école, il fallait trouver un palliatif pour combler les milliers de places laissées vacantes par ces enseignants peu diplômés. Alors vient le deuxième expédient : les Jeunes Instituteurs Révolutionnaires (JIR), qui sont des élèves titulaires du BEPC. Les explications de Magloire Cossou sont plus édifiantes à propos du revers de cette médaille : « en recrutant ces JIR, il n’y avait pas de plan de carrière. Tu es breveté, on te prend et tu enseignes. Vas-y, vas enseigner ce que tu peux comme tu peux ». Chemin faisant, la nécessité de former les JIR s’est fait sentir. Au bout de deux ans, ils retournaient à l’école normale. Problème ? Une seule école existait, l’école normale Félicien Nadjo (actuel école normale supérieure de Porto-Novo). « Sa capacité d’accueil n’atteignait pas 200. On était 160 au plus, voilà qu’ils étaient des milliers de JIR. Ils ont été obligés de créer des écoles normales de toutes pièces. On a eu six à raison d’une par département », conte Magloire Cossou. Quand on ouvre une école normale, il faut penser aussi aux formateurs qui se faisaient rares. « La descente aux enfers a commencé et c’est dans ces conditions qu’on a mis l’école nouvelle en œuvre à partir de 1975 », fait savoir l’inspecteur. Dans la même période et après, la démographie galopante, a aussi nécessité la prise de mesures pour combler le déficit en enseignants. Après les JIR, « on a créé le corps des Instituteurs Adjoints Suppléants (IAS). Ensuite, on a dit, tous les étudiants après les deux premières années doivent aller enseigner, d’où la vague des étudiants en mission. Cela n’a pas suffi, on a aussi impliqué tous les bacheliers avant leur entrée à l’université. Après, on a parlé de pré-insertion. C’est après eux qu’on a parlé des communautaires », se remémore Magloire Cossou, en faisant des gestes de la main. Au passage, malgré tous ces efforts, l’homme n’a pas manqué de souligner qu’en 1977, 1200 classes sont restées sans maîtres et ainsi de suite jusqu’en 1981, année bilan de l’école nouvelle avec toutes ses conséquences.

Le chemin de croix de l’après conférence …

Revenant aux enseignants communautaires, Magloire Cossou indique qu’ils sont le fruit de la volonté des communautés à pourvoir en enseignants les classes qui n’en ont pas dans les écoles construites dans leurs localités. Leur mode de recrutement est encore une autre paire de manche. « Pour recruter ce maître on dit : ‘’il y a Kodjo qui est là, il a fréquenté un peu !’’ », souligne ironiquement l’inspecteur. C’est dans cette atmosphère que survient la conférence nationale, le renouveau démocratique, les nouveaux programmes d’études dont l’Approche Par les Compétences. « Après, il y a eu les nouveaux programmes d’études qui ont été conçus et mis en œuvre dans cet imbroglio. Un corps malade, on veut greffer quelque chose là-dessus, il est normal que cela ne prenne pas », fustige Magloire Cossou. Pour le professeur Mignanwandé, la question enseignante a toujours été la préoccupation centrale de tous les fora, notamment le forum de 2007. « Le forum de 2007 devrait être consacré aux questions d’éducation et de pédagogie, mais les problèmes généraux, les revendications ont pris toute la place. Ce n’est qu’au dernier moment, à la dernière soirée du dernier jour qu’on a évoqué les questions de pédagogie ». Durant la période jusqu’à aujourd’hui, la profession a été dominée par les communautaires puis par les vacataires. A travers divers projets et initiatives, de nombreuses actions ont été menées pour la formation des enseignants tant par des missions de formation que par des formations dans les écoles normales. Les missions d’enseignement n’ont pas été de tout repos pour Hubert Mignanwandé, responsable du plan formation et animation des réseaux pédagogiques au sortir des états généraux. Il n’en est pas de même pour les enseignants en formation à en croire le premier directeur de l’actuel EFPEEN. « Malheureusement, constate-il, vous vous présentez pour faire la formation, mais ceux qui sont concernés ne sont pas là. Souvent j’ai démarré les formations avec 3 ou 4 personnes. Mais le jour où on doit payer, vous ne pouvez pas entrer au lycée Béhanzin, ni au lycée Toffa. Ils sont très nombreux à se présenter. En tant que formateur, cela m’a beaucoup peiné. Les enseignants ne se donnent pas aux formations ». Négligence, amour du gain facile dans le milieu enseignant, serait-on tenté de dire. A propos de la mise en œuvre des résolutions des différents fora, il fait un autre constat : « les décisions principales concernant la pédagogie ne sont pas correctement mises en œuvre à certains endroits si bien que les enseignants eux-mêmes se mettent encore à crier ». La conclusion à laquelle aboutit docteur Mignanwandé est simple : « il faudra au plan national, rehausser le salaire des enseignants parce qu’ils sont sous-payés par rapport aux effectifs qu’ils gèrent ». Avant de revenir aux questions pécuniaires qui constituent finalement le problème central, revenons à l’évolution de la profession. Dans le cadre du premier Plan Décennal de Développement du Secteur de l’Education (PDDSE), il y a eu de nombreuses mutations. Les enseignants communautaires ont été reversés en enseignants vacataires puis les vacataires en enseignants permanents. Avec l’avènement de l’actuel régime, des évaluations ont été organisées pour en finir avec la question du reversement. Les diverses initiatives ont abouti au recrutement de milliers d’enseignants pour combler une grosse partie du gap qui existait depuis 1977. A ces enseignants, on a donné le titre d’aspirants et de suppléants. Seront-ils à la hauteur de la tâche ou s’agira-t-il encore d’un autre expédient ? L’avenir nous le dira. Nous avons décidé de ne pas aborder cette question, car elle est encore actuelle. Cette aventure tumultueuse de l’école béninoise qui continue à mettre sur le marché des profils de cadres de divers calibres, qui, soit servent l’État, soit servent les institutions privées. La qualité des services qu’ils fournissent ainsi que leur valeur intrinsèque a engendré diverses caricatures de l’école, voire de la société béninoise.

« Dahomey, quartier latin de l’Afrique … », Emmanuel Mounier

Le Dahomey est le quartier latin de l’Afrique ! Ce bout de phrase est une source de fierté pour de nombreux Béninois au point où aucune occasion de critiquer la baisse de niveau des apprenants ne passe sans qu’on en parle. Cependant, ce bout de phrase cache beaucoup de choses comme deux autres expressions, et forment ensemble ce que nous appelons les caricatures de l’école béninoise. Voici la version originelle de ce bout de phrase : « Le Dahomey est le quartier latin de l’Afrique : mais cet intellectualisme teinté de méchanceté et de mesquinerie est de nature à retarder le développement du pays », disait Emmanuel Mounier, 1958. Deuxième caricature, « les intellectuels béninois sont des intellectuels tarés », disait feu Général Mathieu Kérékou. Enfin la troisième et la dernière : « nous voudrions pouvoir compter sur vous pour nous apporter de la compétence toute suite parce que le Bénin aujourd’hui est comme un désert de compétences. C’est vrai, les Béninois aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, sont remplis de talents, mais notre administration aujourd’hui manque de compétences de manière criarde », dixit Patrice Talon, le 26 avril 2016 en visite officielle à Paris. Ces trois phrases qui font une caricature implicite du système éducatif béninois, voire de la société béninoise, ont retenu notre attention à Educ’Action. Nous avons alors tendu le micro à nos hôtes approchés dans le cadre de cette enquête à la fois historique et contemporaine. En 1958, le Dahomey est un pays phare du point de vue de la qualité des cadres qu’il forme à partir des finalités de l’école coloniale : former des commis de l’administration capable de suppléer numériquement le colon. Comme le dit si bien Magloire Cossou : « c’est là où le dahoméen a excellé. On a tellement bien assimilé cette forme d’éducation qu’on était devenu les agents de l’impérialisme français. C’est ce qui a fait qu’on nous a envoyé en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Congo, au Niger ». C’est là l’une des explications de la première partie de cette citation de Mounier, selon l’inspecteur Cossou. La seconde partie, c’est docteur Mignanwandé qui l’explique avec un ton pas très catholique : « teinté de méchanceté et de mesquinerie, c’est-à-dire qu’il y a dans cet intellectualisme des Béninois, un fort pourcentage de ce que les Béninois eux-mêmes appellent la « béninoiserie ». La béninoiserie, c’est-à-dire le fait de ne pas construire l’esprit dégagé ou de ne pas pouvoir aider l’autre, le fait de savoir piétiner l’autre, le fait de savoir maltraiter l’autre, de savoir conduire l’autre à sa perte, le fait de savoir indiquer le chemin de la perdition à l’autre bien qu’en causant avec lui, en traitant avec lui. Une mesquinerie profonde, viscérale que manifeste l’esprit béninois. Le Béninois ne fait pas avancer le Béninois ». Ensuite viennent les deux autres.

« Intellectuels tarés », ce qu’il faut comprendre de la citation du feu Général Mathieu Kérékou

A l’avènement de la Révolution, Mathieu Kérékou qui opte pour le marxisme-léninisme veut convaincre son peuple. Pour le faire, il faut une administration capable de relever les défis du développement, mais les blocages persistent. C’est comme cela qu’il sort cette expression qui fera aussi le tour du monde : ‘’intellectuels tarés’’. « Le Général est quelqu’un qui a lutté avec des intellectuels, qui a traité avec des intellectuels. Il a eu toujours des difficultés à faire passer ses idées. S’il dit qu’ils sont tarés, c’est en fonction de ses difficultés », laisse entendre Hubert Mignanwandé. A l’en croire, c’est la nature désintéressée de celui qu’on appelle le « Caméléon » qui prend à contre-pied les cadres qui lui conseillent des stratégies contraires au décollage du pays. « On voit l’intérêt général, ce qui est bon pour nous, mais comment se fait-il que c’est plutôt le contraire, ce qui n’est pas profitable pour nous que vous soutenez : la corruption et autres choses semblables, la mesquinerie, les crocs-en-jambe, tout ce qui est de nature à régresser l’intérêt général. Lorsque des intellectuels, hauts cadres excellent à proposer cela, il est ahuri, il dit qu’ils sont tarés, ils ne sont pas des patriotes », explique le psychopédagogue à la retraite. Magloire Cossou quant à lui estime que nous confondons intellectuels et diplômés au Bénin. « Il y a des gens qui ont bel et bien des diplômes ronflants, mais quand il y a un problème à résoudre, quand on a quelque chose à faire dans un domaine donné, ils ne sont qu’au niveau des discours. Quand on leur confie des tâches, ils ne les accomplissent pas correctement. Mais tous les intellectuels béninois ne sont pas tarés, car il y en a qui donne bien satisfaction ».Valentin Agon, le directeur de Api Bénin va aussi dans le même sens. « Si Kérékou a dit que les gens sont des intellectuels tarés, c’est parce qu’ils sont capables d’être achetés, ils n’ont pas de la hauteur. Ceux qui doivent réfléchir, orienter le pays, qui doivent produire des idées, sont des gens qui étalent les mains au lieu de dire la vérité, au lieu de produire des idées », martèle le responsable de l’institut para-universitaire API-Pharma.

« Le Bénin est comme un désert de compétences », Patrice Talon

Plus actuelle cette fois-ci, la citation du Président de la République. Lors de sa première visite officielle, le Président du Bénin a affirmé que le Bénin aujourd’hui est comme un désert de compétences. Cette caricature implicite de l’école béninoise, à travers les cadres qu’elle forme, ne nous a pas échappé. Une fois de plus, Valentin Agon revient à la charge : «le Président a vu, comme Kérékou, que les gens ne sont pas à la hauteur. S’ils étaient si compétents, on aurait changé telle et telle chose. Ils n’ont pas changé. Ayant l’habitude d’importer des compétences, il a vu comment les autres font ». Juste le temps de tourner sur 30 degrés vers la droite dans son fauteuil à roulette, il pointe du doigt la fenêtre de son bureau en ajoutant : « actuellement, ce sont des Chinois qui sont en train de faire nos routes. Il y a beaucoup d’ingénieurs que nous avons formés qui ne sont pas à la hauteur de cela ». Revenant dans le cas béninois, il ajoute « ce n’est pas un désert de gens qui ne sont pas allés à l’école, les gens ont été à l’école, mais ils ne sont pas qualifiés pour faire les choses. Certains sont hautement qualifiés, mais qu’ils en fassent la preuve et je crois que c’est pour cela que le gouvernement a fait un répertoire des compétences pour que l’État aille chercher dans ce répertoire ces compétents». Dans la même dynamique, Magloire Cossou renchérit : « il y a des domaines dans lesquels les compétences font défaut. Mais il y a aussi des compétences qui existent et qu’on ne peut pas mobiliser ». A l’inspecteur de poursuivre : « si vous avez des compétences que vous ne pouvez pas utiliser, c’est comme si vous n’en aviez pas. Reconnaissons aussi qu’il y des domaines dans lesquels nous n’avons pas de compétences ou que nous n’en avons suffisamment pas ». A ce propos, il ne manque pas de rappeler diverses situations dont celles de la section de câbles électriques au carrefour Akossombo de Cotonou qui a nécessité que l’Etat fasse appel à l’expertise française. Le psychopédagogue, spécialiste d’histoire de l’éducation, relativise par contre tout en faisant une observation non moins pertinente. « Le cadre pointu qui émerge, ce n’est pas lui qu’on valorise dans son pays. Celui qui peut initier et faire avancer, on ne le fait pas émerger dans son pays. C’est l’esprit béninois. Les Béninois, quand ils sont bien formés, ils cherchent à se faire valoir ailleurs », soutient docteur Mignanwnandé. Après avoir fait une comparaison entre les cadres d’hier et ceux d’aujourd’hui, Jean Olivier Chéou, directeur du CEG 3 Abomey-Calavi ajoute : « ceux qui sont jeunes aujourd’hui dans le pays et qui sont bons, posez leur la question, ils ont été formés ailleurs ! ». Au vu de ce qui ressemble à une décadence du système éducatif, une question se pose : faut-il tisser un lien entre l’ancienne et la nouvelle génération pour que cette dernière reprenne le flambeau du développement du Bénin ?

Remettre en cause un adage sacro-saint…

« C’est au bout de l’ancienne corde qu’il faut tresser la nouvelle », a dit Jean Pliya. A la fois adage et sagesse traditionnelle, l’image de cette affirmation nous a poussés, à Educ’Action, à interroger nos interlocuteurs : faut-il tisser la corde de la nouvelle génération au bout de celle de l’ancienne génération ? Pêle-mêle, voici les réponses de nos contemporains. « Nous qui blaguons beaucoup, quand on dit que c’est au bout de l’ancienne corde qu’il faut tresser la nouvelle, nous disons aussi et si l’ancienne corde est pourrie, on va attacher quelle corde ? Ne nous leurrons pas, les aînés n’ont pas brillé par leurs comportements. Je ne dirai pas qu’il faut tisser la nouvelle corde au bout de l’ancienne. On va rebattre les cartes et se compléter mutuellement », dixit Magloire Cossou. Pour Hubert Mignanwandé « il faut tisser la nouvelle corde sur l’ancienne. Ce n’est pas renouer aussitôt. L’ancienne corde est lointaine. Il faut couper la nouvelle corde, faire des bons sur l’ancien-nouveau et aller retrouver l’ancien ancien, qui nous a formé nous autres. Il faut tisser la corde de l’éducation sur l’ancienne corde traditionnelle, sur l’ancienne corde du maître bien formé ». La position de Gilbert Capo-Chichi, directeur de la coopération et du ICT4D (Technologie de l’Information et de la Communication pour le Développement) du groupe Cerco, est celle-ci : « les cadres d’hier ont été moulés dans une sociologie et une philosophie donnée et ceux d’aujourd’hui sont dans une autre sociologie. Il y a un conflit entre ces deux générations. Il faut mettre en place un dispositif où les aînés acceptent d’aller à l’école des plus jeunes et cette jeune génération accepte aussi d’évoluer aux côtés des aînés ». Alors, quelle école pour le Bénin de demain ?

Les défis de l’école béninoise…

Il y a 60 ans, le niveau de développement de la grande majorité des pays asiatiques était équivalent à celui du Bénin, voire pire à certains endroits. Aujourd’hui, nombre de ces pays brillent de mille feux. Que dire alors du Rwanda qui a traversé un génocide. S’il y a une chose que ses pays ont compris, c’est que la racine du développement est dans l’éducation, car, comme l’a si bien dit Abraham Lincoln, « si vous pensez que l’éducation coûte chère, essayez l’ignorance ». Les chiffres en matière d’alphabétisation des adultes et de compétences de base des enfants du Bénin confortent bien cette pensée de l’ancien Président américain. Alors, le système éducatif peut-il nous conduire au développement ? « En l’état non. Il faut le faire bouger, le faire bouger au niveau du management. J’entends par management s’organiser avec les moyens disponibles pour produire les meilleurs résultats possibles. Au lieu d’attendre de grandes ressources avant de bouger, comment allons-nous nous organiser pour qu’avec les ressources que nous arrivons à mobiliser, nous puissions produire les meilleurs résultats possibles ? », soutient Magloire Cossou. Pour Valentin Agon, « on produit des gens qui sont étrangers au développement de leur pays, c’est pourquoi ils sont pressés de sortir du pays pour aller ailleurs ». Evoquant les tares du système, il attire l’attention sur trois points. « Notre système éducatif est malade en trois points : l’école forme des gens qui ne sont pas curieux, elle ne donne pas l’occasion à nos enfants de bricoler et elle forme des gens qui ne sont pas des rêveurs, qui ne sont pas entreprenants ». Une question entraînant une autre, à quel prix le système éducatif sera-t-il le fer de lance du développement du Bénin ? Valentin Agon suggère : « il faut que les Béninoises et les Béninois s’asseyent encore comme en 1990 pour se demander où allons-nous ? Parce qu’on a omis de faire quelque chose au moment de l’indépendance : on n’a pas défini quel type de Béninois on voulait. Le colonisateur avait défini le type de Dahoméen qu’il voulait, un commis de l’administration et un intellectuel, ce qui faisait que le Bénin les exportait pour aller construire l’éducation dans les autres pays tel que la Côte d’Ivoire, le Sénégal, etc ». En somme, estime-t-il, il faut qu’on se demande où va le Bénin ?, quel Béninois voulons-nous en 2050 ? Quand on fera cela, poursuit-il, on va alors reculer pour décliner par quel processus éducatif il faut-il produire ce type de béninois et changer tout pour rendre le Béninois du futur curieux, créateur, entreprenant. A la fin de ce parcours historique, chacun doit se poser cette question : le Bénin continuera-t-il de refuser le développement ?

Adjéi KPONON

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